Procédure devant la Cour :
Par une requête en date du 27 octobre 2017, l'UDAF du Puy-de-Dôme agissant en tant que tuteur de Mme A... B... a demandé à la commission centrale d'aide sociale de réformer la décision de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme.
Elle soutient que :
- les ressources de Mme B..., soit une pension de retraite de 1 094 euros, sont insuffisantes pour couvrir ses dépenses, qui s'élèvent à 2 141,57 euros par mois ;
- il résulte d'une jurisprudence constante que le droit à l'aide sociale s'apprécie en termes de revenu, et non de capital ;
- en application de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, le département peut, au décès du bénéficiaire, exercer un droit de recours sur la succession, au premier euro quel que soit le montant de la créance d'aide sociale et dans la limite de l'actif successoral.
Par un mémoire enregistré le 27 mars 2018, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a demandé le rejet du recours introduit par l'UDAF du Puy-de-Dôme pour Mme B....
Il soutient que :
- lors de la demande d'aide sociale, le patrimoine mobilier de Mme B... s'élevait à 56 864,37 euros. En lui laissant 15 000 euros de valeurs mobilières disponibles, les liquidités restantes de 41 864,37 euros associées à ses ressources lui permettaient de couvrir ses frais de placement sans recourir à l'aide sociale ;
- le département, eu égard à la déduction susmentionnée de 15 000 euros sur les liquidités dont dispose Mme B..., ne démunit pas cette dernière ;
- l'attribution de l'aide sociale est assujettie au principe de subsidiarité de cette aide et n'intervient qu'en cas d'insuffisance de ressources personnelles du demandeur ;
- la possibilité de récupération sur la succession est purement théorique.
Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2020, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a demandé à la Cour de prononcer le non-lieu à statuer sur les conclusions de l'UDAF du Puy-de-Dôme et, dans l'hypothèse où celle-ci venait à présenter son désistement dans cette affaire, de bien vouloir en prendre acte.
Il soutient que :
- il ressort des pièces du dossier après rapprochement du département auprès de l'EPHAD que Mme B... est décédée le 8 octobre 2019 ; l'UDAF du Puy-de-Dôme s'est donc trouvée dessaisie des intérêts de celle-ci à la date de son décès.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00433.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 décembre 2020 :
- le rapport de Mme C..., magistrat honoraire,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., célibataire sans enfants, a été admise à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Serge Bayle ", 1 boulevard de l'Hôpital, 63260 Aigueperse le 18 décembre 2014. Le juge des tutelles du tribunal d'instance de Clermont-Ferrand a placé Mme B... sous tutelle par jugement du 19 novembre 2012 et a désigné l'UDAF du Puy-de-Dôme, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur de celle-ci.
2. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d'une aide à domicile, soit d'un placement chez des particuliers ou dans un établissement ". A cette fin, conformément à l'article L. 132-1 de ce même code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ".
3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu tenir compte, pour apprécier les ressources des personnes demandant l'aide sociale, des seuls revenus périodiques, tirés notamment d'une activité professionnelle, du bénéfice d'allocations ou rentes de solidarité instituées par des régimes de sécurité sociale ou des systèmes de prévoyance et des revenus des capitaux mobiliers et immobiliers. A défaut de placement de ces derniers, et dès lors qu'il ne s'agit pas de l'immeuble servant d'usage principal d'habitation, les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 prévoient de prendre en compte une évaluation forfaitaire des revenus que l'investissement de ces capitaux serait susceptible de procurer au demandeur, mais non le montant des capitaux eux-mêmes, dans l'estimation de ces ressources.
4. Une demande d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement a été déposée pour Mme B... à compter du 1er mai 2017. Par une décision en date du 30 mai 2017, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a rejeté cette demande au regard de la situation financière et patrimoniale de l'intéressée. La commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme a confirmé cette décision au motif que, compte tenu du montant de ses capitaux, l'état de besoin de Mme B... n'était pas démontré. Eu égard aux principes énoncés au point 3, l'UDAF du Puy-de-Dôme est fondée à soutenir que le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, retenir pour calculer les ressources de Mme B... le montant de ses capitaux.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... disposait d'une pension de retraite d'un montant mensuel de 1 094,62 euros et de 29,06 euros d'intérêts de placement, soit un montant total de revenus mensuels de 1 124,68 euros. Après déduction de ses frais de mutuelle pour 79 euros, et d'une somme de 23,26 euros correspondant au frais de gestion de sa mesure de tutelle, l'assiette de ressources sur laquelle s'impute la contribution de 90% s'élevait à 1 022,42 euros. Mme B... disposait ainsi d'un montant à consacrer à ses frais d'hébergement de 920,18 euros par mois. Le coût de son hébergement atteignait le montant mensuel de 1 936 euros. Les ressources de Mme B... ne lui permettaient donc pas de régler ces frais d'hébergement. Si le principe de subsidiarité de l'aide sociale doit effectivement trouver application dans toute demande d'admission à l'aide sociale, il ne résulte pas de l'instruction du présent dossier que le conseil départemental aurait demandé à la famille de Mme B... de faire état de l'aide qu'elle était ou non en mesure d'apporter à la postulante à l'occasion de sa demande d'aide sociale. Le moyen invoquant le principe de subsidiarité de l'aide sociale doit ainsi être écarté dans la présente instance. Il appartiendra au conseil départemental, le cas échéant, et s'il s'y croit fondé, de mener une action en récupération sur la succession de la bénéficiaire.
6. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme du 2 octobre 2017 ainsi que la décision du 30 mai 2017 du président du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant à Mme B... la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er mai 2017 et jusqu'à la date de son décès.
D É C I D E :
Article 1er : La décision de la commission départementale d'aide sociale du Puy-de-Dôme du 2 octobre 2017 est annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 30 mai 2017 du président du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant à Mme B... la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er mai 2017 et jusqu'à la date de son décès.
Article 2 : Mme B... est admise à la prise en charge de ses frais d'hébergement à compter du 1er mai 2017 et jusqu'à la date de son décès. Ses ayants-droits sont renvoyés devant le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme pour liquidation de leurs droits.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union départementale des associations familiales du Puy-de-Dôme ès qualités de tuteur de Mme A... B..., aux ayants-droits de Mme B..., et au président du conseil départemental du Puy-de-Dôme.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., magistrat honoraire.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 19PA00433