Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2016, MmeA..., représentée par Me Brocard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1515678/2-1 du 2 février 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me Brocard, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre aux moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqués contre la décision portant refus de titre de séjour et à celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet de police a omis de saisir la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle justifie de motifs exceptionnels ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision de refus de séjour entache d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 avril 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Bonneau-Mathelot a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité ivoirienne, relève appel du jugement du 2 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 février 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. [...] ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de sa présence en France depuis plus de dix ans, Mme A...produit de très nombreuses pièces sur la période 2005-2011, discutée par le préfet de police dans ses observations en défense devant la Cour, parmi lesquelles figurent des documents médicaux, notamment, des ordonnances médicales sur lesquelles est apposé le cachet de la pharmacie, des relevés de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie et des attestations d'admission à l'aide médicale de l'Etat, des relevés bancaires faisant état de mouvements mensuels, notamment, des retraits ou des remises de chèques, des reçus de transferts d'argent dans des agences spécialisées signés de l'intéressée et revêtus du tampon desdites agences ainsi que des contrats EDF et des factures France Télécom au nom de l'intéressée. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 19 février 2015, Mme A...justifiait résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
5. La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Dès lors que Mme A...justifiait résider habituellement depuis plus de dix ans sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de police était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour visée par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'absence d'une telle consultation de la commission du titre de séjour, Mme A...a été privée d'une garantie de sorte que l'arrêté litigieux, intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, est entaché d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que MmeA..., est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de la décision portant refus de séjour du préfet de police du 19 février 2015.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 2 à 6 ci-dessus que la décision portant refus de séjour est entachée d'illégalité. Dans ces conditions, Mme A...est fondée à invoquer, par la voie de l'exception, une telle illégalité au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire et à solliciter son annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de Mme A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt après avoir saisi la commission du titre de séjour de la situation de l'intéressée au titre de sa résidence habituelle en France et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Brocard, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Brocard de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1515678/2-1 du 2 février 2016 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 19 février 2015 par lequel le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme A...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt après avoir saisi la commission du titre de séjour et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Brocard, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brocard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01635