Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 octobre 2018 et 15 mars 2019, Mme F..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804817 /5-3 du 25 mai 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 14 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MeC..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles
L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration dès lors en particulier qu'elle ne mentionne pas son état de santé ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite la poursuite des soins en France, que le défaut de traitement approprié à son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les certificats médicaux postérieurs à la décision contestée ne font que révéler un état de santé qui préexistait à cette décision ; le préfet de police n'a pas apporté la preuve de la disponibilité des traitements et du suivi médical adaptés à son état de santé dans son pays d'origine ; les traitements médicamenteux qui lui sont prescrits et qui ne sauraient être modifiés ou remplacés par d'autres médicaments ne sont pas commercialisés en République démocratique du Congo ; à supposer même que ces traitements et soins médicaux seraient disponibles en République démocratique du Congo, elle ne pourra pas en bénéficier en raison de leur coût très élevé et du manque de personnel médical et des moyens alloués au traitement des maladies dont elle souffre ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard au respect de sa vie privée et à la nécessité de bénéficier d'un suivi médical en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors notamment qu'elle ne peut être renvoyée dans son pays d'origine en raison de son état de santé ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard aux risques personnels qu'elle encourait en cas de retour en République démocratique du Congo du fait de sa religion qui l'a fait apparaître comme une opposante politique à Joseph Kabila.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du
21 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Larsonnier a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., ressortissante de la République démocratique du Congo, entrée en France le 18 août 2016 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du
19 juin 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 novembre 2017. Par un arrêté en date du 14 février 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme F...relève appel du jugement du 25 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". La décision contestée vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment le 6° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Elle indique également, en particulier, que Mme F...est entrée en France le 18 août 2016 selon ses déclarations, qu'elle a déposé une demande d'asile dans le cadre des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juin 2017, notifiée le 28 juin 2017, et confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du
30 novembre 2017, notifiée le 28 janvier 2018. Elle mentionne également que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de police soutient qu'il n'a pas été informé de l'état de santé de Mme F...et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, qui a présenté une demande d'asile et qui a été reçue par les services de la préfecture le 12 septembre 2016, l'aurait effectivement informé de la prise en charge médicale dont elle bénéficiait. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait dû mentionner dans sa décision les éléments se rapportant à son état de santé. Ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de la requérante avant de prendre la décision contestée. Il ne peut être reproché au préfet de police, qui comme il a été dit n'avait pas été informé de l'état de santé de MmeF..., de ne pas avoir procédé à l'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En troisième lieu, l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
5. Mme F...soutient qu'elle souffre d'un état de stress post-traumatique et d'un syndrome anxio-dépressif consécutifs aux évènements qu'elle aurait subis dans son pays d'origine ainsi que d'un diabète de type 2. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, en particulier des certificats du docteurA..., médecin généraliste, et du docteurD..., psychiatre, d'une part, que la requérante est suivie depuis le 5 septembre 2017 pour ce diabète pour lequel lui sont prescrits un traitement médicamenteux à base de Metformine et une surveillance médicale trimestrielle et, d'autre part, qu'elle suit un traitement à base de Prozac et de Temesta en raison de ses troubles psychologiques ainsi qu'une psychothérapie. Il est constant que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si la requérante produit des courriers en date du 15 mai 2018 de la société Lilly France et des laboratoires Eurogenerics indiquant respectivement que le Prozac et le Metformine ne sont pas commercialisés en République démocratique du Congo, ces documents ne permettent pas d'établir l'absence d'autres médicaments équivalents dans ce pays et que des traitements adaptés à l'état de santé de la requérante n'y seraient pas disponibles. Mme F...soutient qu'en tout état de cause, elle ne pourra pas avoir accès à des soins médicaux en raison de leur coût très élevé et du manque de moyens alloués au personnel de santé dans son pays d'origine, elle n'apporte toutefois aucun élément précis au soutien de ses affirmations. Si le certificat médical du 15 mars 2018 du docteurD..., psychiatre, mentionne également, en se fondant essentiellement sur le récit de MmeF..., que les troubles psychologiques qu'elle présente " contre-indiquent absolument l'exposition à la situation de retour dans son pays d'origine ", il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces troubles seraient en lien direct avec les événements traumatisants qu'elle affirme avoir subis dans son pays d'origine, alors d'ailleurs que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 19 juin 2017, puis la Cour nationale du droit d'asile, par une décision du 30 novembre 2017, n'ont pas tenu pour établies les allégations de la requérante. Ainsi, cette dernière n'établit pas qu'un retour en République démocratique du Congo serait de nature à aggraver sa pathologie. Par suite, Mme F...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient à MmeF..., si elle s'y croit fondée, de présenter une demande de titre de séjour auprès du préfet de police en faisant valoir son état de santé.
6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...est entrée en France le 18 août 2016 selon ses déclarations. Elle ne se prévaut d'aucune attache familiale sur le territoire français et ne justifie d'aucune intégration particulière en France. Si elle soutient que le respect de son droit à une vie personnelle implique qu'elle poursuive ses traitements médicaux en France, elle n'établit pas, comme il a déjà été dit, que ces soins ne pourraient pas lui être dispensés dans son pays d'origine. Elle n'établit pas, en outre, être dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine où résident ses enfants et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 48 ans. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit aux points
5 et 7, que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle du requérant.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision obligeant Mme F...à quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'alinéa 2 de l'article
L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
11. Mme F...soutient qu'en raison de son appartenance à l'Eglise du prophète Paul-JosephE..., elle a été arrêtée et a subi des violences physiques avant d'être emprisonnée pendant plusieurs mois. Elle fait également valoir que son mari, qui était un proche de M.E..., a disparu durant une veillée organisée par cette Eglise en décembre 2013. Pour étayer ses affirmations, elle cite plusieurs extraits d'articles de presse relatifs notamment à la répression des adeptes de cette Eglise par les autorités congolaises en 2014. Toutefois, à l'exception des certificats médicaux rédigés depuis son arrivée en France qui mentionnent qu'elle souffre d'un stress post-traumatique, la requérante ne produit aucune pièce permettant d'établir la réalité des menaces et des risques personnels qu'elle encourait en cas de retour en République démocratique du Congo alors que sa demande d'asile, comme il a déjà été dit, a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03358