Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et des nouveaux mémoires, enregistrés respectivement le 23 mars 2017, le 11 mai 2017, le 27 avril 2018, le 27 septembre 2018, et un mémoire de production enregistré le 28 septembre 2018, la chambre nationale des professions libérales (CNPL), représentée par la SCP Célice, Soltner, Texidor, B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1618026/3-2 du 25 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande du 4 mars 2014 tendant à ce qu'il retire l'habilitation accordée au fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) par l'arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle du 17 mars 1993 ;
3°) d'enjoindre au ministre chargé de la formation professionnelle de procéder au retrait de l'arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle du 17 mars 1993 habilitant le FIF-PL, avec un effet différé de trois mois à compter de la publication de la décision de retrait ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'acte constitutif du FIF-PL est illégal en tant que le fonds n'est géré que par l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et qu'il ne fait pas participer à sa gestion d'autres organisations représentatives telles que la chambre nationale des professions libérales ;
- l'acte constitutif est illégal en ce qu'il réserve certains financements aux seuls membres des syndicats affiliés à l'UNAPL et en ce qu'il méconnaît l'article 432-12 du code pénal ;
- ni l'article L. 6331-48 du code du travail ni l'article L. 6332-10 du même code ne prévoient la possibilité pour les fonds d'assurance-formation de décider de contributions additionnelles réservées à certaines catégories de professionnels ;
- l'acte constitutif du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) méconnaît l'article R. 6332-67 du code du travail en ce qu'il ne définit ni l'étendue des pouvoirs du conseil de gestion, ni les règles de détermination des actions donnant lieu à l'intervention du fonds et de répartition des ressources entre ces interventions ;
- le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) méconnaît l'article R. 6332-23 du code du travail en ce qu'il n'a pas organisé de service dématérialisé publiant les informations financières ;
- l'acte constitutif du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) n'a pas défini son périmètre d'intervention, en méconnaissance de l'article R. 6332-66 du code du travail ;
- les conditions permettant au fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) d'acquérir la personnalité morale ne sont pas réunies ;
- l'attribution irrégulière, par le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL), d'importants budgets à des organismes dépendant de l'UNAPL, l'ORIFF-PL et les organismes régionaux ONIFF-PL, justifie la mesure de retrait de l'habilitation.
Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2017, le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL), représenté par Me Denkiewicz, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la chambre nationale des professions libérales ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Un mémoire a été produit par le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) le 3 octobre 2018, soit après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code pénal,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...de la SCP Celice, Soltner, Texidor, B..., avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la chambre nationale des professions libérales, et de MeA..., substituant Me Denkiewicz, avocat du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux.
Considérant ce qui suit :
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
1. Le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL), fonds d'assurance formation de non-salariés, a été créé le 14 janvier 1993 par l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) ; il a été habilité par un arrêté du 17 mars 1993 du ministre chargé de la formation professionnelle. La chambre nationale des professions libérales relève appel du jugement du 25 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a implicitement rejeté sa demande du 4 mars 2014 tendant à ce qu'il retire l'habilitation accordée au fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) par l'arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle du 17 mars 1993.
2. Le premier alinéa de l'article L. 6331-48 du code du travail dispose que : " Les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non salariées, y compris ceux n'employant aucun salarié, consacrent chaque année au financement des actions définies à l'article L. 6331-1 une contribution qui ne peut être inférieure à 0,25 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale " ; aux termes de l'article L. 6331-50 du même code : " Les contributions prévues à l'article L. 6331-48, à l'exclusion de celle due par les assujettis mentionnés à l'article L. 6331-54, sont versées à un fonds d'assurance-formation de non-salariés " ; aux termes de l'article L. 6332-10 du même code : " Les fonds d'assurance-formation de non-salariés sont alimentés par des ressources dégagées par voie de concertation entre les organisations professionnelles intéressées (...) " ; aux termes de l'article R. 6332-64 du même code : " Un fonds d'assurance formation de non-salariés est destiné à recevoir la contribution des travailleurs indépendants, membres des professions libérales et professions non salariées prévue à l'article R. 6331-47. / Ce fonds a pour objet exclusif de financer la formation des personnes intéressées. (...) " ; aux termes de l'article R. 6332-65 du même code : " Le fonds d'assurance formation de non-salariés est créé soit par des organisations d'employeurs représentatives et des chambres de commerce et d'industrie territoriales, soit par des organisations représentatives de professions libérales " ; aux termes de l'article R. 6332-69 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'habilitation d'un fonds d'assurance formation de non-salariés est accordée par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle, après avis du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie " ; aux termes de l'article R. 6332-70 du même code : " L'habilitation du fonds d'assurance formation de non-salariés ne peut être délivrée que s'il respecte les dispositions légales relatives à sa constitution. (...) " ; aux termes du premier alinéa de l'article R. 6332-71 du même code : " L'habilitation d'un fonds d'assurance formation de non-salariés peut être retirée lorsque les dispositions légales applicables aux fonds d'assurance formation ou les conditions particulières prévues par la décision d'habilitation ne sont pas respectées ".
3. En premier lieu, d'une part, si les dispositions précitées des articles R. 6332-65 et L. 6332-10 du code du travail mentionnent les " organisations " au pluriel, la chambre nationale des professions libérales, dès lors qu'un tel pluriel générique n'a aucune portée juridique, n'est pas fondée à soutenir qu'il résulterait de ces textes qu'un fonds d'assurance-formation ne saurait être constitué et géré que par plusieurs organisations représentatives de professions libérales, et non par une seule. D'autre part, aucune disposition législative ou réglementaire du code du travail n'impose qu'un fonds d'assurance-formation soit créé par l'ensemble des organisations représentatives des professions libérales, ou au moins par plus d'une d'entre elles. Enfin, dès lors que, comme l'a d'ailleurs jugé le jugement n° 1408101/3-2 du Tribunal administratif de Paris du 13 mai 2015, s'agissant de la demande tendant à la modification de l'acte constitutif du FIF-PL, l'acte constitutif d'un fonds d'assurance-formation présente le caractère d'un acte de droit privé et aucune disposition du code du travail ni aucun autre texte applicable ne donne compétence au ministre pour intervenir dans la gestion et l'organisation des fonds d'assurance-formation des non salariés, lesquels sont, en vertu de l'article L. 6332-9 du code du travail, dotés de la personnalité morale, autonomes et juridiquement indépendants de l'administration qui ne dispose d'aucun pouvoir de tutelle à leur égard, le moyen tiré de ce que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande du 4 mars 2014 tendant à ce que soit retirée l'habilitation accordée au fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux par l'arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle du 17 mars 1993, serait illégale au seul motif que ce fonds d'assurance-formation n'aurait été créé que par une seule organisation professionnelle représentative, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la chambre nationale des professions libérales reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que l'acte constitutif du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) serait illégal en ce qu'il réserverait certains financements aux seuls membres des syndicats affiliés à l'UNAPL et en ce qu'il méconnaitrait l'article 432-12 du code pénal ; il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le Tribunal administratif de Paris au point 7 du jugement attaqué du 25 janvier 2017.
5. En troisième lieu, la chambre nationale des professions libérales reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que ni l'article L. 6331-48 du code du travail ni l'article L. 6332-10 du même code ne prévoie la possibilité pour les fonds d'assurance-formation de décider de contributions additionnelles réservées à certaines catégories de professionnels ; il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le Tribunal administratif de Paris au point 6 du jugement attaqué.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 6332-67 du code du travail : " L'acte constitutif du fonds d'assurance formation de non-salariés fixe notamment : 1° La composition du conseil de gestion et l'étendue des pouvoirs de celui-ci ; / 2° Les règles de détermination des actions donnant lieu à intervention du fonds et de répartition des ressources entre ces interventions ; / 3° Le mode de désignation des organes chargés de la préparation des mesures énumérées aux 1° et 2° et de l'exécution des décisions de gestion du fonds. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que l'acte constitutif du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) détermine la composition du conseil de gestion et énonce notamment ses missions, ainsi que la méthode devant être suivie pour identifier les actions devant recevoir le soutien du fonds et répartir les ressources en conséquence, à savoir un agrément par le conseil de gestion du plan de formation proposé par les sections professionnelles. Ces dispositions sont complétées par le règlement intérieur du fonds, la circonstance que les statuts constitutifs du FIF-PL, après avoir, dans leur article 3, fixé les missions et le fonctionnement du conseil de gestion, renvoient, pour préciser les modalités d'action de ce conseil, au règlement intérieur ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article R. 6332-67 du code du travail. Enfin, les modalités de choix et de prise en charge des actions de formation ne pouvaient être déterminées préalablement de manière trop précise par l'acte constitutif et le règlement du fonds afin qu'il puisse conserver la liberté de définir les axes de sa politique de formation, qui peuvent être amenés à évoluer. Par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, la chambre nationale des professions libérales n'est pas fondée à soutenir que l'acte constitutif du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) méconnaît les dispositions réglementaires précitées en ne fixant pas l'ensemble des règles énoncées par ces dispositions.
8. En cinquième lieu, la chambre nationale des professions libérales reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) méconnaît l'article R. 6332-23 du code du travail en ce qu'il n'a pas organisé de service dématérialisé publiant les informations financières ; il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le Tribunal administratif de Paris au point 9 du jugement attaqué.
9. En sixième lieu, la chambre nationale des professions libérales reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de ce que l'acte constitutif du fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) n'a pas défini son périmètre d'intervention, en méconnaissance de l'article R. 6332-66 du code du travail ; il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le Tribunal administratif de Paris au point 10 du jugement attaqué.
10. Aux termes de l'article L. 6332-9 du code du travail : " Les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et des professions non-salariées peuvent créer dans les professions ou les branches professionnelles considérées des fonds d'assurance-formation de non-salariés. / Ces fonds sont dotés de la personnalité morale. ".
11. Il résulte des dispositions législatives précitées que le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) jouit de la personnalité morale par détermination de la loi. La circonstance que ce fonds ait été créé, comme il a été dit, par une seule organisation, l'UNAPL, est sans incidence sur l'attribution de cette personnalité morale. Par suite, la chambre nationale des professions libérales n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que ce fonds serait dépourvu de personnalité juridique et ne serait qu'une entité interne à l'UNAPL.
12. Enfin, si la chambre nationale des professions libérales soutient, dans son mémoire en réplique enregistré le 27 avril 2018, que l'attribution irrégulière, par le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL), d'importants budgets à des organismes de formation dépendants de l'UNAPL, l'ORIFF-PL et les organismes régionaux ONIFF-PL, justifie la mesure de retrait de l'habilitation, il ressort des pièces qu'elle produit à l'appui de son mémoire (une lettre du président délégué de l'ONIFF-PL du 20 décembre 2016 et un procès-verbal de constat des 20 et 21 avril 2018) que ces agissements, à les supposer même irréguliers, sont en tout état de cause postérieurs à la décision implicite attaquée, dont la légalité doit être appréciée à la date à laquelle elle est née.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre nationale des professions libérales n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a implicitement rejeté sa demande du 4 mars 2014 tendant à ce qu'il retire l'habilitation accordée au fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux par l'arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle du 17 mars 1993. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la chambre nationale des professions libérales est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre nationale des professions libérales, au fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL) et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00986