Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance du 19 décembre 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête à la Cour.
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2016 et des mémoires enregistrés les 25 mars 2017 et 26 octobre 2018, M. et MmeC..., représentés par MeD..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1510654 du 7 octobre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 26 juin 2015, ensemble la décision du 2 novembre 2015 rejetant leur recours gracieux à l'encontre de cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 16 400 euros en réparation de leurs préjudices, en particulier de leur préjudice financier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- en retenant que l'appartement de M. et Mme C...serait un comble impropre à l'habitation, en se bornant à examiner ses dimensions, sans s'expliquer sur son aménagement, le tribunal a insuffisamment motivé sa décision ;
- le jugement n'a pas répondu à leurs écritures qui faisaient valoir que le volume du logement était conforme aux exigences réglementaires ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation ne pouvait être invoqué pour apprécier le caractère propre à l'habitation d'un logement ;
- en retenant des exigences plus sévères que les normes imposées par le code de la construction et de l'habitation, les premiers juges ont méconnu le principe de proportionnalité dont ils doivent faire application entre d'une part, l'exigence de contrôle du caractère décent des logements et, d'autre part, le droit de propriété, droit fondamental protégé par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le règlement sanitaire départemental en son article 40-3 se réfère à la surface telle que définie à l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que le local constituait un comble au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, c'est-à-dire un local impropre à l'habitation ; le local en cause répond aux exigences des dispositions de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 4 du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; il faut entendre la hauteur sous-plafond au moins égale à 2,20 mètres comme supportant une tolérance de quelques centimètres dès lors qu'à défaut, la décision d'interdiction d'habiter un logement ou de le louer méconnaîtrait les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal n'a pas pris en considération le rapport de l'expert judiciaire du 24 juillet 2015 et a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le local ne comprenait qu'une surface de 6,59 m2 sous une hauteur de 1,80 mètres ;
- l'expert retient une surface habitable de 16,10 m2 et un volume de la pièce de 41 m3 ;
- le rapport de l'Agence régionale de santé est imprécis quant à la manière dont a été effectué le mesurage ; il fait état à tort de la présence de poutres traversantes au milieu de la pièce ;
- le tribunal ne pouvait retenir que le local était impropre à l'habitation sans rechercher si son volume n'était pas conforme à la réglementation et sans prendre en considération son aménagement ;
- le jugement encourt l'annulation pour les raisons exposées également dans leurs écritures de première instance ;
- leur préjudice s'établit à 40 mois de loyers au 31 octobre 2018, soit à la somme de 16 400 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2018, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de la construction et de l'habitation,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport Mme Larsonnier,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C...sont propriétaires d'un studio situé au 2ème étage d'un immeuble au 22 rue des Fossés, à Montereau-Fault-Yonne. A la suite d'une enquête réalisée le 3 février 2015 par l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du
26 juin 2015, mis en demeure M. et Mme C...de mettre fin à l'occupation aux fins d'habitation de ce logement dans un délai de deux mois et d'assurer le relogement de son occupant. Par une décision du 2 novembre 2015, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté le recours gracieux formé par M. et Mme C...contre son arrêté du 26 juin 2015. M. et Mme C...relèvent appel du jugement n° 1510654 du 7 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 26 juin 25015, ensemble la décision du 2 novembre 2015 et à l'indemnisation de leur préjudice financier résultant de l'impossibilité de louer leur local.
2. L'article L. 1331-22 du code de la santé publique dispose que : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. Les dispositions de l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d'assurer le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code ; à défaut, les dispositions de l'article L. 521-3-2 sont applicables. ". Pour l'application de cet article, tout local situé dans l'espace compris sous la charpente d'un immeuble qui ne possède pas une hauteur suffisante et n'est pas convenablement aménagé pour l'habitation, constitue des combles.
3. Il ressort des termes de l'arrêté du 26 juin 2015 que pour estimer que le local en cause présentait un caractère par nature impropre à l'habitation du fait de sa configuration, le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé sur " l'absence de pièce principale présentant une surface de 9 m2, une hauteur sous plafond inférieure à 2,20 m, un risque de se cogner, l'absence de ventilation ". Il est constant que le logement en cause, qui est situé sous la charpente de l'immeuble, comprend un " plafond rampant " atteignant par endroit jusqu'à 3,83 mètres de hauteur. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Fontainebleau complété par un courrier de l'expert du 2 février 2016, que la surface de la pièce principale, après déduction de la surface du couloir d'entrée dont la largeur est inférieure à 2 mètres, est de 10,50 m2 et que le volume de cette pièce sous une hauteur au moins de 1,80 m est de
29,10 m3. Ce volume est ainsi supérieur au volume de 20 m3 correspondant à une pièce de 9 m2 avec une hauteur sous plafond moyenne de 2,20 m. A...outre, il ressort de ce rapport d'expertise et des photographies qui y sont jointes que les pièces de bois apparentes de la charpente sont situées, en leur partie basse, en dessous de la hauteur de 1,80 mètres et ne gênent pas l'habitabilité de la pièce, ni le déplacement à l'intérieur de celle-ci. Enfin, il est possible de remédier, par des travaux de faible ampleur et qui ne portent pas sur la structure du local, à l'absence de système de ventilation et de remplacer le convecteur électrique hors d'usage. Ainsi, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, ce local ne peut être regardé comme étant par nature impropre à l'habitation au sens des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, ni, en tout état de cause, aux dispositions du règlement sanitaire départemental qui mentionne une hauteur moyenne sous plafond ne devant pas être inférieure à 2,20 m pour une pièce principale de 9 m2 correspondant, comme il a déjà été dit, à un volume de 20 m3.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
5. Les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme C...n'ayant pas été précédées d'une demande indemnitaire préalable adressée à l'administration, comme le faisait valoir à juste titre le préfet de Seine-et-Marne devant le tribunal, elles ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les dépens :
6. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ".
7. M. et Mme C...produisent au soutien de leur demande tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens une facture du 23 septembre 2015 d'un montant de 1 517,26 euros correspondant aux frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance de Fontainebleau. Toutefois, l'instance tant devant le tribunal administratif que la Cour n'a pas donné lieu à des dépens. Si les requérants entendent être indemnisés du préjudice financier correspondant aux frais d'expertise qu'ils auraient acquittés devant le juge judiciaire, cette demande ne peut qu'être rejetée en l'absence de réclamation préalable présentée à l'administration.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510654 du 7 octobre 2016 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 26 juin 2015, ensemble la décision du 2 novembre 2015 rejetant le recours gracieux dirigé contre cet arrêté, sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Mme F...E...épouse C...et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le rapporteur,
V. LARSONNIER Le président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16PA03968