Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019, M. E..., représenté par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1813346/3-3 du 11 décembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour d'un an dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 dès lors que, justifiant d'une résidence habituelle de plus de dix années en France, le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis douze années, qu'il justifie d'une intégration solide dans la société française et qu'il détient une promesse d'embauche en qualité de maçon ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'existence d'une situation de conflit dans sa province d'origine en Ukraine ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Par une décision du 24 mai 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me C... substituant Me D..., avocat de M. E....
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant ukrainien, né le 7 mars 1974 et entré en France le 12 novembre 2006 selon ses déclarations a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. M. E... relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 avril 2018 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
3. M. E... soutient résider de manière habituelle en France depuis plus de dix années à la date de l'arrêté contesté et notamment qu'il justifie de sa présence pour les années 2008 à 2010. Cependant, les attestations provenant de tiers et faisant état notamment de services rendus par l'intéressé au cours de la période en litige ainsi que de son implication dans la préparation d'offices religieux, les invitations de la Légion étrangère, une carte postale, des billets de train pour des séjours ponctuels et les justificatifs de recharges mensuelles de " Passe Navigo " dont il n'est pas possible d'établir que M. E... en était bien le bénéficiaire, ne constituent pas des éléments suffisamment probants pour attester de la présence régulière de l'intéressé sur le territoire français pour la période de 2008 à 2010. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour. Le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché pour ce motif l'arrêté contesté ne peut donc qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, si M. E... soutient qu'il réside en France depuis près de douze années et qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche en contrat indéterminée en tant que maçon, ces circonstances ne sont pas, à elles seules, de nature à justifier que son admission au séjour relèverait de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
6. Si M. E... soutient qu'il justifie de forts liens amicaux en France, ni les attestations produites en première instance qui font état des services qu'il a rendus, ni l'attestation nouvellement produite en appel établie par une jeune lycéenne qui présente l'intéressé comme " son oncle adoptif ", ne sont suffisantes pour considérer que l'intéressé a fixé le centre de ses attaches privées en France alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de salle, que l'intéressé est divorcé, sans charge de famille en France et que sa mère et son fils majeurs résident à l'étranger. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé ne justifie d'aucune intégration professionnelle particulière, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants ".
8. Si M. E... a entendu soulever le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige fixant l'Ukraine comme pays de destination méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant état d'une situation de conflit dans la province dont il est originaire, il est constant que l'intéressé, qui se limite à la production de documents généraux attestant d'un conflit présent en 2018 dans la région du Donbass, n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.
9. En dernier lieu, eu égard aux motifs exposés aux points 3, 4, 6 et 8 du présent arrêt, et en l'absence d'autres éléments probants, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02377