Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés le 30 novembre 2019, le 28 mai 2020 et le 29 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1912320/5-2, 1916543/5-2 du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 9 juillet 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour d'une durée de 10 années renouvelables, sous astreinte de 500 euros par semaine de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en application duquel la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'application qu'il a fait de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me C..., représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise, née le 2 février 1989 et entrée en France le 15 septembre 2008 a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiante du 8 octobre 2008 au 7 novembre 2011. Elle a sollicité le 4 février 2019 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de Mme B..., le tribunal administratif de Paris a notamment estimé que l'intéressée n'établissait pas résider en France de manière habituelle depuis dix années à la date de l'arrêté en litige dès lors qu'elle ne versait au dossier aucune des pièces justificatives mentionnées au sein du bordereau des pièces, qu'ainsi, le préfet de police n'était pas tenu, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour.
4. Toutefois, Mme B... verse au dossier pour la première fois en appel, pour l'ensemble des années en litige huit-cent soixante-et-onze pièces dont le préfet a été informé, par courrier en date du 12 juin 2020, que ces pièces étaient consultables à la Cour, qu'elles comportent notamment ses justificatifs d'inscription universitaire au sein de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture à Paris pour les années 2008 à 2011 à Paris et ses justificatifs d'inscription en Licence Lettre Langues et Civilisations Etrangères puis en Master Recherche Etudes Italiennes pour les années 2011 à 2017. En outre, Mme B... produit pour l'ensemble des années en litige l'intégralité de ses quittances de loyers ainsi que ses relevés de comptes bancaires présentant pour chaque mois des mouvements financiers. L'intéressée produit enfin l'ensemble de ses bulletins de salaire pour la même période attestant qu'elle occupait en parallèle de ses études, un emploi de serveuse, de manière ponctuelle, en 2009 et en 2010, puis un emploi de vendeuse en contrat à durée indéterminée à hauteur de 20 heures par semaine du 1er août 2011 au 7 avril 2012 ainsi que des " extras " en tant que serveuse depuis août 2011, que l'intéressée justifie de ces " extras " qui représentaient entre 6 heures et 11 heures de travail consécutives à hauteur d'une vingtaine par mois à compter de juillet 2012 et qu'ils ont abouti à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée depuis le 9 mars 2017 pour une quotité de travail de 39 heures par semaine. Dans ces conditions, eu égard au nombre et au caractère suffisamment probant des pièces versées par Mme B... pour justifier de sa présence habituelle en France depuis juillet 2009, le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sans saisir préalablement la commission du titre de séjour de la situation de Mme B....
5. En deuxième lieu, Mme B... ne justifie pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de cet article doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de son séjour en France Mme B... a disposé exclusivement de titres de séjour en qualité d'étudiante, couvrant la période d'octobre 2008 à octobre 2011. De plus Mme B..., célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas d'une insertion suffisante dans la société française et n'est pas dépourvue de toutes attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard des motifs pour lesquels il a été pris.
8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
9. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué ainsi que la décision portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. La présente décision implique seulement, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, qu'il soit enjoint au préfet de police de soumettre la demande présentée par Mme B... à la commission du titre de séjour dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans l'attente du réexamen de sa situation administrative, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 1912320/5-2, 1916543/5-2 du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 9 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de soumettre la demande présentée par Mme B... à la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de cet examen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2021.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 19PA03871