Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 décembre 2019, M. C..., représenté par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912562/1-3 du 27 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me D..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, les premiers juges n'ayant pas pleinement répondu au moyen tiré du défaut de motivation ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- il est entaché d'une erreur de fait dès lors que le préfet de police, d'une part, n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments tendant à justifier de son expérience professionnelle, et d'autre part, n'a pas examiné sa situation au regard de l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- le préfet de police a commis une erreur de droit en rejetant de manière expresse son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicables aux ressortissants algériens ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 7-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme A... a présenté son rapport lors de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, né le 10 février 1976 et entré en France le 10 octobre 2014 sous couvert d'un visa C, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article 7-b) de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 13 mai 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 27 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Paris, M. C... a notamment fait valoir que le préfet de police n'avait pas suffisamment motivé son arrêté, notamment en droit. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant à l'encontre de l'arrêté contesté.
4. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de police a mentionné les dispositions de l'article 7-b de l'accord franco-algérien sur le fondement desquelles M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ainsi que les raisons pour lesquelles la situation de M. C... ne répondait pas aux conditions fixées par les dispositions précitées. De même, l'arrêté expose des éléments suffisants sur sa situation personnelle et familiale en relevant que l'intéressé, ressortissant algérien né le 10 février 1976, entré en France le 10 octobre 2014 sous couvert d'un visa " C ", est marié et père de trois enfants mineurs résidant en France et que cette circonstance ne lui confère pas un droit au séjour alors qu'il n'atteste pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et où résident ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police n'était pas tenu de mentionner parmi les visas de cet arrêté, la convention internationale relative aux droits de l'enfants du 26 janvier 1990 ni de citer dans les motifs de sa décision, l'intégralité des pièces produites par le requérant, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit être écarté.
7. En deuxième lieu il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté contesté que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation professionnelle et familiale de M. C....
8. En troisième lieu, la circonstance que l'arrêté en litige mentionne seulement le contrat de travail en qualité de plombier produit par M. C... et non l'ensemble des pièces qu'il avait produites concernant son travail, ou celle qu'il ne porterait pas d'appréciation sur l'intérêt supérieur des enfants du requérant, ne saurait entacher l'arrêté d'une erreur de fait.
9. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige qu'après avoir constaté que M. C... ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 7-b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 pour la délivrance d'un titre de séjour " salarié ", le préfet de police a énoncé que les ressortissants algériens, dont la situation était régie par ce seul accord, ne pouvaient se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à la délivrance, à titre exceptionnel, d'un titre de séjour " salarié ". Il a toutefois, au paragraphe suivant de l'arrêté, examiné la situation de M. C... au regard des considérations habituellement prises en compte pour déterminer si un étranger justifie d'un " motif exceptionnel " au sens de cet article L. 313-14 et constaté que ce n'était pas le cas. Il ne ressort néanmoins ni des termes de l'arrêté ni des autres pièces du dossier qu'en se référant à ce texte dont il venait de noter qu'il n'était pas applicable aux ressortissants algériens, le préfet de police, qui a entendu pleinement exercer le pouvoir de régularisation dont il dispose quelle que soit la nationalité de l'étranger, se serait senti tenu par les dispositions de l'article L. 313-14 ou se serait mépris sur l'étendue de son pouvoir d'appréciation de la situation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont, sans qu'il soit nécessaire de procéder au préalable à une substitution de base légale, écarté le moyen tiré de l'erreur de droit.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; (...) ".
11. M. C... soutient que l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de cinq années et d'une intégration sociale et professionnelle sur le territoire français, que ses enfants sont scolarisés en France et que son épouse, qui réside également en France est désormais titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France le 10 octobre 2014 muni d'un visa court séjour, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français avec sa femme et ses trois enfants depuis l'expiration de son visa et qu'il a sollicité pour la première fois son admission au séjour le 29 novembre 2018. Par ailleurs, si M. C... justifie d'un contrat à durée indéterminée en tant que plombier depuis 2 ans et demi à la date de la décision contestée, cette seule circonstance ne saurait caractériser une intégration particulière. Et la circonstance que le 17 octobre 2019 l'épouse du requérant a obtenu un certificat de résidence ne peut entacher cet arrêté d'illégalité dès lors que ce certificat a été délivré le 17 octobre 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté. De plus, et alors il ressort des pièces du dossier que la résidence sur le territoire national du requérant, de son épouse et de leurs enfants est récente, M. C... ne démontre pas que le refus de délivrance d'un titre de séjour aurait pour effet de le séparer de son épouse et de ses enfants dès lors qu'il ne fait pas état d'obstacles à ce que la vie privée et familiale puisse se poursuivre en Algérie, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité, où M. C... a vécu, avec sa femme et ses deux premiers enfants, jusqu'à l'âge de 38 ans, et où résident ses parents ainsi que sa fratrie. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1 - Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". De même, aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1 - L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux (...) ".
13. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
14. S'il ressort des pièces du dossier que M. C... a trois enfants nés en 2007, 2010 et 2018 dont les aînés sont respectivement scolarisés en France en classe de sixième et de CE2, M. C... n'établit pas qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie. En outre, et ainsi qu'il a été dit au point 11, l'arrêté en litige n'a pas pour effet de séparer les enfants de leurs parents dès lors que l'ensemble des membres de la famille dispose de la nationalité algérienne et qu'il n'est pas justifié d'obstacles à ce que la vie privée et familiale se poursuivre en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 et 7-1 de la convention internationale des droits de l'enfant sera écarté.
15. En septième lieu, pour les motifs exposés aux points 9, 11 et 13 du présent arrêt, le préfet de police pouvait, sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. C..., lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité et l'obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 du préfet de police présentées par M. C... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1912562/1-3 du 27 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2021.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 19PA04251