Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2015 et le 14 juin 2016, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400212-1 du 10 février 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 689 448 410 francs CFP à raison du versement des primes et indemnités non perçues au titre de ses fonctions de payeur de la Polynésie française de janvier 2009 à février 2013 ;
3°) à titre subsidiaire, lui accorder " le retour en possession de l'assiette de ces primes et indemnités, pour les indemnités de douane et de tenue des comptes " soit la somme de 476 536 911 francs CFP ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la fin de non-recevoir opposée à la demande formée au titre de l'indemnité de tenue de compte pour l'exercice 2013 doit être rejetée dès lors que cette demande n'est pas nouvelle en appel ;
- Il dispose en tant que fonctionnaire d'un droit acquis à la perception des indemnités prévues par la réglementation qui encadre ses fonctions, dès lors qu'elles sont prévues par un texte ; à cet égard les textes dont il se prévaut ont la nature de textes règlementaires au sens de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; les comptables publics ont vocation à percevoir des indemnités et primes réglementaires en surplus de leur traitement ; en application de la décision n° 44 CG du 16 avril 1982 du conseil du gouvernement de Polynésie française, il a droit, en sa qualité d'agent chargé du recouvrement de l'impôt au sens de cette décision, à une indemnité d'un montant global de 404 329 516 F CFP correspondant à 50 % de l'indemnité de recouvrement de l'impôt due aux agents du recouvrement en application de l'arrêté n° 622 SCG du 3 mai 1983 du conseil du gouvernement de Polynésie française ; en application de la délibération n° 2003-94 APF du 10 juillet 2003 de l'assemblée de la Polynésie française, il a droit à une indemnité dite " de remise douanière " d'un montant global de 119 667 423 F CFP ; en application de l'arrêté n° 1547 du 22 décembre 1986 du conseil des ministres de la Polynésie française, il a droit à une indemnité dite de " tenue de compte " d'un montant global de 114 599 062 F CFP ; en outre, comme tous les agents du Trésor qui ont bénéficié d'indemnités " territoriales ", les sommes dues doivent être calculées compte tenu de la valeur du point d'indice fixé par l'administration du Trésor soit pour la période en litige un montant global de 9 573 849 F CFP ;
- la réglementation polynésienne en cause, préexistant à la loi organique du 27 février 2004, n'a pas été abrogée et s'applique aux agents publics de l'Etat en complément des règles de leur statut en vertu tant de l'article 7 de cette loi que du principe selon lequel les règlements pris pour l'application d'une loi survivent à son abrogation dès lors qu'ils ne sont pas remplacés et tant qu'ils ne sont pas inconciliables avec la législation postérieure ; les textes polynésiens en cause, et notamment la décision n° 444 CG du 16 avril 1982, sont appliqués de façon habituelle pour fonder les mandats émis par la Polynésie au profit du Trésor public ;
- il résulte des dispositions de l'arrêté 1547 CM du 22 décembre 1986 relative à l'indemnité de compte que l'assiette de cette indemnité entre dans le patrimoine du payeur de la Polynésie française jusqu'à sa répartition par celui-ci entre les agents bénéficiaires ;
- les indemnités correspondant aux remises douanières sont prévues aux articles 91.5 et 93.2 du code des douanes de la Polynésie française lesquels précisent la part devant revenir au payeur du territoire chargé du recouvrement, alors que ce code ne résulte pas seulement de la réglementation locale polynésienne mais également de l'ordonnance n° 98-525 du 24 juin 1998 ratifiée par la loi n° 99-1122 du 28 décembre 1999 ; le législateur n'a pas abrogé le droit à indemnité prévu par ces textes en faveur du trésorier payeur général devenu payeur de la Polynésie française ; la délibération n° 2003-94 APF du 10 juillet 2003 attribue au payeur de la Polynésie française les indemnités prévues aux articles 62 quater, 91 à 93 du code des douanes de la Polynésie française pour compenser le risque financier personnel, détachable des seules obligations du service comptable, pris par le payeur pour l'octroi de facilités de paiement aux opérateurs en douane ;
- l'administration ne conteste pas que les indemnités dites territoriales sont effectivement versées à des fonctionnaires de la direction générale des finances publiques en Polynésie française ; à supposer que ces indemnités soient dépourvues de base légale, M. A...est fondé à en demander sa part comme les autres agents du Trésor en vertu de l'adage nemo auditur quam turpitudinem suam invocat dès lors qu'elles ne sont pas restituées au budget de la Polynésie française ;
- il établit que la Polynésie française a payé par mandat du 1er octobre 2014 à l'Etat l'indemnité de compte due au titre de l'année 2013 dont un montant de 67 671 363 francs CFA revient au payeur de la Polynésie française ; le prélèvement par l'Etat des sommes correspondant aux indemnités litigieuses sur le budget de la Polynésie française est créateur de droits au profit de l'ensemble des agents concernés dont le requérant ; la lettre du 31 janvier 2013 de l'administrateur général des finances publiques a la nature d'un acte créateur de droit en sa faveur en ce qu'elle lui reconnaît le droit à l'intégralité des remises dites douanières et de tenue de comptes ;
- à titre subsidiaire, il a droit au " retour en possession de l'assiette des primes et indemnités de douane et de tenue des comptes " pour une somme de 476 536 911 francs CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n'est recevable que dans la limite du montant de l'indemnité demandée en première instance ; les conclusions indemnitaires sont nouvelles en appel et irrecevables dans la limite du montant de 11 278 560 FCP (945 143,14 ) qui excède la demande de première instance et correspond à l'indemnité de compte de l'année 2013 qui n'a été incluse ni dans la demande préalable ni dans la demande initiale ;
- un principe général du droit s'oppose à ce qu'une personne publique soit condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas ;
- les primes réclamées ont toutes été instituées par des textes pris par les autorités polynésiennes ;
- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 modifié, portant classement hiérarchique des grades et emplois des personnels de l'Etat relevant du régime général des retraites ;
- le décret n° 85-730 du 17 juillet 1985 relatif à la rémunération des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires des collectivités territoriales régis respectivement par les lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984.
- le décret n° 2009-208 du 20 février 2009 modifié relatif au statut particulier des administrateurs des finances publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que M. B...A..., fonctionnaire titulaire de l'Etat, en poste à la direction générales des finances publiques, qui appartenait au corps des receveurs des finances avant son intégration par arrêté ministériel du 27 mars 2012 dans le corps des administrateurs des finances publiques, a été affecté sur sa demande à la trésorerie générale de la Polynésie française en qualité de payeur territorial de la Polynésie française à compter du 1er janvier 2009 par décret du président de la République en date du 25 mai 2009 ; qu'il a occupé ce poste jusqu'au 28 février 2013 ; que, par courrier du 9 décembre 2013, il a saisi le haut-commissaire de la République en Polynésie française d'une demande de versement d'une somme totale de 678 169 850 francs CFP qu'il estimait lui être due au titre de ses fonctions du payeur territorial de la Polynésie française correspondant à diverses indemnités prévues par la réglementation polynésienne en faveur des agents participant au recouvrement des impôts et taxes et des droits de douane perçus au profit du territoire, en faveur des comptables publics pour la tenue des comptes et à diverses autres indemnités territoriales ; que, par courrier du 4 mars 2014, le représentant de l'Etat en Polynésie française l'a informé que sa demande relevait de la compétence de la direction générale des finances publiques à laquelle il appartenait ; que, sa demande ayant fait l'objet d'un rejet implicite par l'administration, M. A...a saisi le Tribunal administratif de Polynésie française d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 678 169 850 francs CFP (5 683 063,34 euros) ; que M. A...relève appel du jugement du 10 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique susvisée du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " (...) sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : (...) 5° Aux statuts des agents publics de l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : (...) 11° Fonction publique civile et militaire de l'Etat (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les règles applicables au statut des agents publics de l'Etat, qui relèvent de la compétence exclusive de ce dernier, trouvent à s'appliquer de plein droit en Polynésie française ; qu'à cet égard, en vertu de l'article 93 et du 5° de l'article 97 de la même loi organique, le comptable public chargé de la paierie de la Polynésie française est un agent de l'Etat ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 64 de la loi du n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général " ; qu'aux termes enfin des articles 1 et 2 du décret n° 85-730 du 17 juillet 1985 susvisé relatif à la rémunération des fonctionnaires de l'Etat et des fonctionnaires des collectivités territoriales régis respectivement par les lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 et n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Les fonctionnaires relevant respectivement de la loi du 11 janvier 1984 et de la loi du 26 janvier 1984 " "ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles fixées par une loi ou un décret (...) " ; qu'aux termes enfin de l'article 4 du décret du 10 juillet 1948 : " Les personnels civils et militaires de l'Etat relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent bénéficier d'aucune indemnité autre que celles prévues par leur statut général. /Ces indemnités sont attribuées par décret " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'un fonctionnaire de l'Etat ne peut légalement bénéficier d'une indemnité qui n'est pas prévue par une disposition législative ou règlementaire ou par le statut du corps auquel il appartient ;
4. Considérant que, pour réclamer le paiement de la somme globale de 689 448 410 francs CFP qu'il estime lui être due au titre de diverses indemnités liées à l'exercice de ses fonctions de payeur territorial de la Polynésie française du 1er janvier 2009 au 28 février 2013, M. A...se prévaut d'une décision du conseil de gouvernement de la Polynésie française du 16 avril 1982, d'un arrêté du même conseil de gouvernement polynésien du 3 mai 1983, d'une délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 10 juillet 2003, d'un arrêté du président de la Polynésie française du 22 décembre 1986 et du code des douanes de la Polynésie française ; qu'aucun des textes dont il demande l'application n'a le caractère d'une loi ou d'un décret ou ne peut être regardé comme se rattachant au statut du corps de fonctionnaires de l'Etat auquel appartient M.A... ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à en demander l'application ;
5. Considérant qu'il est par ailleurs sans incidence que, comme le fait valoir le requérant, certains de ces textes seraient toujours appliqués et que leur application donnerait lieu au versement par la Polynésie française de sommes devant revenir selon la règlementation polynésienne au payeur territorial de la Polynésie française, dès lors que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires de l'Etat, rappelées au point 3, font en tout état de cause obstacle à ce que qu'il puisse percevoir les sommes en cause ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...n'invoque aucune disposition légale ou réglementaire à l'appui de sa demande de paiement d'"indemnités territoriales" calculées en fonction du point d'indice, et n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires à l'examen de son bien-fondé en se bornant à faire valoir que " tous les agents du Trésor " auraient bénéficié du versement d'indemnités dont il aurait été pour sa part privé et à produire des notes de service émanant du service des ressources humaines de la trésorerie générale de la Polynésie française fixant le taux de ces indemnités ; qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que dès lors qu'il ne se prévaut d'aucune disposition législative ou règlementaire relevant du statut du corps de la fonction publique de l'Etat auquel il appartient, sa demande ne peut qu'être rejetée comme non fondée ; que, par ailleurs, à supposer qu'il ait entendu se prévaloir d'une rupture d'égalité avec les autres agents du service, il n'était pas, en tout état de cause, en tant que payeur de la Polynésie française, dans une situation analogue à celle des agents de la Trésorerie générale de la Polynésie française ayant perçu les indemnités en cause ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la lettre du 31 janvier 2013 de l'administrateur des finances publiques de la trésorerie générale de la Polynésie française dont se prévaut M. A...lui a été adressée en sa seule qualité de payeur de la Polynésie française pour lui demander de procéder au versement dans les meilleurs délais de sommes dont la Polynésie française était débitrice en application de la réglementation polynésienne et ne comporte, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun engagement de lui verser personnellement une partie de ces sommes ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette lettre comportait une décision individuelle créatrice de droits à son profit ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne saurait utilement invoquer le fait que la Polynésie française verserait, sur la base de la règlementation locale polynésienne, des sommes destinées à être réparties sous forme de primes ou d'indemnités entre les agents de la direction générale des finances publiques, dès lors qu'il n'a lui-même aucun droit au versement de ces sommes, ainsi qu'il a été dit précédemment ;
9. Considérant, enfin, que s'il demande à titre subsidiaire le "retour en possession de l'assiette des primes et indemnités de douane et de tenue des comptes ", il n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir partielles opposées par le ministre des finances et des comptes publics, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Dalle, président,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
D. DALLE
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01333