Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2017, la Sarl Race Expérience, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1410993 du 2 juin 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée.
Elle soutient que :
- c'est à tort que la comptabilité a été écartée comme étant irrégulière et non probante ; les recettes n'ont pas été globalisées en fin de journée, ainsi que le démontre l'utilisation du logiciel de gestion AGX qui mentionne les détails des règlements et l'identité des clients concernés par chaque opération ; le recensement des candidats qu'elle a effectué ne diffère pas de celui retenu par la préfecture ; la circonstance que les carnets de rendez-vous soient tenus au crayon de papier est sans incidence sur le caractère probant de la comptabilité dans la mesure où il ne s'agit pas de documents comptables ;
- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscale ;
- le service a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscale ;
- les reconstitutions de recettes sont fondées sur des paramètres erronés et sur une méthode viciée ;
- les pénalités pour manquements délibérés ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette ;
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Laouafi, avocat de la Sarl Race Expérience.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Race Expérience, qui exerce une activité d'enseignement de la conduite automobile, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 à 2012. Après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante, le service a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, laquelle a donné lieu, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La Sarl Race Expérience relève appel du jugement du 2 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Au soutien du moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 21 décembre 2012 serait insuffisamment motivée et méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la Sarl Race Expérience ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
3. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales: " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; (...) / II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. ".
4. Il est constant que les opérations de contrôle ont débuté le 12 septembre 2012 et ont pris fin le 19 décembre suivant, soit postérieurement à l'expiration du délai de 3 mois prévu par les dispositions citées ci-dessus. Toutefois, il résulte de l'instruction que la comptabilité de la Sarl Race Expérience présentait, pour chacun de ces exercices, de graves irrégularités. En particulier, l'administration fiscale a mis en évidence que les recettes sont globalisées en fin de journée et reportées chaque mois sur des agendas, tenus de façon manuscrite par le gérant de la société, qui ne précisent ni la prestation réalisée, ni la référence du client, ni le mode de règlement, que les rendez-vous quotidiens sont indiqués au crayon sur des carnets qui n'ont pas été présentés pour 2011 et 2012. En outre, la société, qui n'a présenté aucun justificatif de recettes lors des opérations de contrôle, a produit une comptabilité établie à partir des encaissements bancaires et non à partir du logiciel de gestion. Par ailleurs, des discordances apparaissent, d'une part, entre le nombre d'élèves inscrits au permis de conduire, tel qu'il résulte des informations obtenues auprès de la préfecture du Val-de-Marne dans le cadre de l'exercice du droit de communication, et celui apparaissant sur les fichiers de la société et, d'autre part, entre le nombre d'élèves et les paiements mentionnés dans les carnets tenus par le gérant et ceux figurant dans le logiciel de gestion. Le service a communiqué la liste des élèves en discordance au comptable de la société qui n'a présenté aucun contrat conclu avec ces élèves. Si la société soutient que les recettes n'ont pas été globalisées en fin de journée et que le logiciel de gestion mentionne clairement le détail des règlements effectués, le mode de règlement et l'identité des clients, elle n'établit pas la réalité de ses allégations par les pièces produites. En se bornant à établir des listes de noms de ses élèves non assorties des contrats et dépourvues de toute justification de l'inactivité ou désinscription alléguée de certains élèves, alors que certains d'entre eux ont effectué des règlements, elle ne démontre pas plus que le recensement des candidats qu'elle a effectué serait identique à celui retenu par la préfecture et que l'administration fiscale aurait commis des erreurs en déterminant le nombre de ses clients sur la période vérifiée. Dans ces conditions, les manquements constatés par le service sont de nature à ôter à la comptabilité son caractère probant. Dès lors, l'administration fiscale pouvait légalement, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, étendre la durée de la vérification pour ces deux exercices jusqu'à six mois. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration lorsque, d'une part, la comptabilité comporte de graves irrégularités et, d'autre part, l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, la comptabilité présentée par la Sarl Race Expérience était entachée de graves irrégularités et a été écartée à bon droit par le service comme dépourvue de valeur probante. Il résulte de l'instruction que les rectifications, notifiées dans le cadre de la procédure contradictoire de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ont été établies sur des bases conformes à l'avis émis par la commission départementale dans sa séance du 7 octobre 2013. Par conséquent, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition incombe à la société requérante, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
7. Après avoir écarté la comptabilité de la société comme non probante, le service a reconstitué ses recettes en se fondant sur les données obtenues à partir des traitements informatiques effectués à partir du recoupement des fichiers issus du logiciel de gestion commerciale utilisé par la société, des fichiers de recettes mensuelles servant à l'établissement des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et du fichier des candidats inscrits au permis de conduire auprès de l'auto-école transmis par la préfecture du Val-de-Marne dans le cadre du droit de communication. Le service, qui a ainsi pu établir un fichier de 1 191 élèves inscrits, a ensuite rattaché chaque élève à un exercice en tenant compte soit de la date d'inscription pour les élèves figurant dans le logiciel de gestion, soit de la date d'inscription résultant de l'identifiant de l'élève dans le fichier communiqué par la préfecture soit à partir du premier mois de paiement, pour les élèves issus du fichier recettes. Puis, l'administration fiscale a fait application pour chaque élève soit des règlements effectués lorsqu'ils ont pu être identifiés, soit du forfait appliqué par l'auto-école lorsque ce dernier a été communiqué ou qu'il résultait des indications figurant dans les registres de la société, soit, à défaut d'indication, d'un forfait moyen de 1 214 euros, correspondant à la moyenne des forfaits appliqués par la Sarl Race Expérience. Il a également été tenu compte de la date d'inscription des élèves sur la base d'un règlement de la totalité du forfait dans les trois mois suivant cette date. Si pour contester la méthode utilisée par le service, la société requérante soutient que l'administration a commis des erreurs dans le recensement de ses élèves, a à tort appliqué un forfait moyen à un certain nombre d'élèves et se prévaut du fait qu'elle n'a que deux salariés, elle ne rapporte la preuve qui lui incombe ni de ce que la méthode suivie par l'administration serait radicalement viciée, ni de ce que le chiffre d'affaires reconstitué par les services fiscaux serait manifestement excessif, en se bornant à produire des listes de noms, sans produire aucun autre justificatif au soutien de ses allégations. Elle n'est donc pas fondée à demander la décharge des impositions litigieuses.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
9. Pour appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées aux redressements litigieux, l'administration s'est fondée sur la circonstance que les manquements constatés se sont répétés sur la période contrôlée allant du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2012 et que les minorations de recettes constatées s'élèvent à 30 % du chiffre d'affaires en 2009, 43 % en 2010, 50 % en 2011 et 42 % pour la période du 1erjanvier au 31 juillet 2012. Eu égard à l'importance et au caractère systématique de la minoration, par le contribuable de ses recettes ainsi qu'au caractère non probant de la comptabilité, l'administration, qui peut même en l'absence de poursuites pénales à l'encontre d'un contribuable à raison des mêmes faits appliquer la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts, apporte ainsi la preuve qui lui incombe de l'existence de manquements délibérés et établit, par suite, le bien fondé des pénalités litigieuses.
10. Il résulte de ce qui précède que la Sarl Race Expérience n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Sarl Race Expérience est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Race Expérience et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02720