Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril et 25 octobre 2018, MA..., représenté par Me Charles, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800121/4-3 du 15 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 23 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé, au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;
- cet arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière faute de saisine de la commission de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. A...ne justifie pas d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ; il ne justifie nullement de l'effectivité de sa présence en France pour les années 2011, 2012 et 2013 ;
- à la supposer établie, la circonstance que M. A...réside en France depuis plus de dix ans ne constitue pas un motif d'admission exceptionnelle au séjour ; il ne justifie pas d'une quelconque activité professionnelle en France ;
- il ne justifie pas être dans l'impossibilité de se réinsérer en Egypte, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 31 ans et où il a par ailleurs conservé des attaches fortes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les observations de Me Charles, avocat de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant égyptien, né le 5 septembre 1971, entré en France en 2002 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 novembre 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susmentionné.
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. /L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Pour justifier remplir la condition prévue par les dispositions précitées de l'article L. 313-14 à laquelle est subordonnée l'obligation pour l'autorité administrative de consulter la commission du titre de séjour, il appartient à l'intéressé d'établir le caractère habituel de sa résidence sur le territoire national au cours des dix années précédant la date du refus de séjour litigieux. Il doit être regardé en l'espèce comme apportant cette preuve dès lors qu'il a versé au dossier de première instance des pièces en nombre suffisant et d'un caractère probant suffisant, telles que relevés de comptes bancaires, ordonnances médicales ou documents médicaux, factures, correspondances administratives diverses, pour établir qu'il résidait habituellement en France au cours des dix années précédant l'arrêté préfectoral du 23 novembre 2017. En ce qui concerne les années 2011, 2012 et 2013, notamment, remises en cause en appel par le préfet de police, il a produit, pour 2011, deux courriers " solidarité transport " en date des 9 janvier 2011 et 22 janvier 2011, un relevé de compte bancaire en date du 10 janvier 2011, quatre ordonnances médicales datées des 18 janvier, 8 septembre, 21 septembre et 30 septembre 2011, une attestation faisant apparaître des rechargements de " Passe Navigo " entre les mois de mars et décembre 2011 et deux avis d'impôt sur le revenu établis le 4 octobre 2011 ; pour 2012, il a produit, une demande d'aide médicale d'Etat datée du 6 janvier 2012, deux courriers " solidarité transport " en date des 9 janvier et 28 février 2012, deux relevés de compte bancaire des 9 février et 9 mars 2012, sept ordonnances médicales datées des 23 février, 24 avril, 9 mai, 13 septembre, 24 septembre, 12 octobre, 19 décembre 2012, un avis d'impôt sur le revenu établi le 10 septembre 2012, une fiche de rendez-vous médical du 19 décembre 2012 et une attestation faisant apparaître des rechargements de " Passe Navigo " entre les mois de mars et décembre 2012 ; pour 2013, il a produit une attestation faisant apparaître des rechargements de " Passe Navigo " entre les mois de janvier et octobre 2013, une demande d'aide médicale d'Etat et une carte d'aide médicale d'Etat du 19 août 2013, un avis d'impôt sur le revenu établi le 19 août 2013, un courrier " solidarité transport " en date du 19 octobre 2013, deux ordonnances médicales datées du 28 octobre 2013, un résultat d'analyse médicale du 30 octobre 2013 et deux relevés de compte bancaire des 12 novembre et 9 décembre 2013. Ces pièces constituent des justificatifs suffisamment probants de la présence en France de l'intéressé même si elles sont établies au nom de " AhmedA... " ou de " AhmedC... ", dès lors qu'il ressort des justificatifs produits par le requérant que ces identités correspondent à celle de M. B...C...A..., telle qu'elle figure à son passeport. Dans ces conditions, l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police. Il y a lieu en conséquence d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de M.A.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1800121/4-3 du 15 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 23 novembre 2017 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de soumettre la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B...C...A...à la commission du titre de séjour et de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B...C...A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDINLe greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01335