Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2017, 20 juillet et 6 août 2018, la Sarl GKC Immo, représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1611187/2-2 du 23 octobre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée.
Elle soutient que :
- la provision pour risques et charges, comptabilisée au titre de l'exercice 2009 pour un montant de 150 000 euros, est justifiée dans sa nature et son montant ;
- la provision pour risques et charges, comptabilisée au titre de l'exercice 2011 pour un montant de 350 000 euros, est également justifiée dans sa nature et son montant ;
- l'avoir d'un montant de 116 150 euros hors taxes consenti en 2011 à la société Mécarex, locataire d'une partie des locaux, correspond à une réduction de loyer demandée par cette société et est justifiée par des difficultés économiques et financières de cette dernière ; elle n'a ainsi accompli aucun acte anormal de gestion car cette réduction lui permettait de conserver sa locataire ;
- les honoraires facturés par l'entreprise libérale de M. B...C...sont justifiés par des attestations de l'avocat de la société, les rapports d'expertise mentionnant l'intervention de M. C... et la présence de ce dernier lors des opérations de contrôle ;
- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à l'avoir de 116 150 euros consenti à la société Mécarex n'est pas fondé dès lors que l'avoir procédait d'une gestion normale ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet et 18 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu partiel à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable en l'absence de moyens soulevés au stade de l'appel et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, la Sarl GKC Immo s'est vu notifier, selon la procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et 2012, assortis de pénalités. La Sarl GKC Immo relève appel du jugement du 23 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 19 octobre 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de 34 967 euros, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes réclamés à la Sarl GKC Immo au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2011. Les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la provision pour risques et charges d'un montant de 150 000 euros :
3. Aux termes du 5° de l'article 39 du code général des impôts applicable au litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise, et enfin, si la provision tend à permettre ultérieurement la réalisation de travaux d'entretien ou de réparation, que ceux-ci excèdent par leur nature et par leur importance, sans pour autant procurer à l'entreprise une augmentation de ses valeurs d'actif, les travaux d'entretien ou de réparation dont le coût entre dans les charges annuelles normales de l'entreprise.
5. Lors des opérations de contrôle, le service a constaté que la Sarl GKC Immo a, au titre de l'exercice clos en 2009, comptabilisé une provision pour risques et charges, d'un montant de 150 000 euros, figurant toujours au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2011. La Sarl GKC Immo, qui a acquis un terrain situé à Otterswiller (67 700) sur lequel sont implantés des bâtiments industriels et commerciaux et des transformateurs électriques, loue une partie du bâtiment industriel à la société Sicat. Pour justifier l'inscription de cette provision en comptabilité, la Sarl GKC Immo se prévaut de dégradations commises par son locataire sur l'immeuble loué. Il résulte de l'instruction que l'huissier diligenté par la société Sicat lors de son départ le 18 août 2010 a dressé un procès-verbal mentionnant que les locaux sont en bon état. Il résulte également de l'instruction que la société requérante a été déboutée à deux reprises de ses demandes d'expertise visant à faire constater d'éventuelles dégradations du site, par ordonnance du juge des référés du 16 juillet 2010 et par jugement du tribunal de grande instance de Saverne le 1er octobre 2010, estimant que les demandes de la société n'étaient pas fondées en l'absence de production d'éléments probants. La société requérante, qui n'avait pas fait procéder à un état des lieux lors de la prise à bail des bâtiments, se prévaut d'un procès-verbal d'huissier établi le 3 septembre 2010 ainsi que de plusieurs devis établis par des entreprises spécialisées estimant le coût des travaux à effectuer d'un montant de 156 940 euros. Toutefois, par les pièces produites, la société ne démontre pas que les travaux relatifs à la provision litigieuse constituent des réparations d'une importance excédant celle des opérations courantes d'entretien et de réparation et consistant en la remise en état, la réfection, voire le remplacement d'équipements et qui sauraient être considérés comme essentiels pour maintenir l'immeuble en état d'être utilisé conformément à sa destination. Par ailleurs, les articles de presse produits, qui se bornent à présumer un départ de la société Sicat en raison de l'opposition des riverains au projet d'extension de l'entreprise, sont sans rapport avec les dégradations alléguées par la société requérante. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats de la société requérante la provision litigieuse d'un montant de 150 000 euros.
En ce qui concerne la provision pour risques et charges d'un montant de 350 000 euros :
6. Lors des opérations de contrôle, le service a constaté que la Sarl GKC Immo a, au titre de l'exercice clos en 2011, comptabilisé une provision pour risques et charges, d'un montant de 350 000 euros pour pollution du bâtiment loué par la société Sicat sur la base d'un rapport établi en juin 2011 par le cabinet Corevade lequel estime que les locaux ne peuvent plus être affectés à une activité agro-alimentaire en raison de la présence de poussières susceptibles d'apporter des risques sur la santé au niveau des consommateurs. Pour justifier du montant des opérations de dépollution et de la provision litigieuse, la Sarl GKC Immo se borne à produire un devis établi le 1er octobre 2012 mentionnant un montant global de 574 288 euros hors taxes sans détail de chiffrage ni ventilation sur les travaux envisagés ainsi qu'un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 %, lequel n'est applicable qu'à compter de 2014. Par ailleurs, ce devis ne fait état d'aucune dépollution et précise que tous les déchets seront évacués dans une décharge classique. Après avoir exercé son droit de communication auprès de la société ayant établi ce devis et en avoir obtenu une copie, le service a constaté, d'une part, que le devis établi par le fournisseur mentionne un taux de taxe sur la valeur ajoutée différent de celui figurant dans celui remis lors des opérations de contrôle et, d'autre part, que le dirigeant de cette société ne connaissait pas la Sarl GKC Immo mais M. C...et qu'il avait établi ce devis sans se déplacer sur place. Dans ces conditions, en l'absence de lien entre les travaux envisagés, consistant à remplacer les bardages intérieurs et la toiture, et la dépollution du site, la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir du contenu du courrier du 25 février 2017 établi par le cabinet Corevade, n'établit pas que ces travaux avaient pour objet de dépolluer les bâtiments préalablement à toute nouvelle location. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a estimé que les travaux envisagés, qui auraient pour effet de prolonger la durée d'utilisation des bâtiments, portaient sur des éléments amortissables et ne pouvaient donc faire l'objet de la provision litigieuse.
En ce qui concerne l'avoir d'un montant de 116 150 euros hors-taxes consenti en 2011 à la société Mécarex :
7. Les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.
8. La Sarl GKC Immo a donné en location en 2004 une partie du bâtiment industriel dont elle est propriétaire à la société Mécarex, présidée par le fils du gérant de la société requérante, moyennant un loyer annuel initialement prévu d'un montant de 170 000 euros. Lors des opérations de contrôle, le service a constaté que la Sarl GKC Immo a, au titre de l'exercice 2011, comptabilisé un loyer annuel de 214 180 euros et enregistré le 31 octobre 2011 un avoir de 116 150 euros au bénéfice de sa locataire. Ce faisant elle a décidé d'octroyer à cette dernière une remise de 50 % du montant du loyer dû. Le service a considéré qu'en accordant une telle remise, la Sarl GKC Immo avait renoncé à la perception de recettes dans le cadre d'une gestion commerciale anormale. La société requérante se borne à se prévaloir des difficultés financières de son locataire pour en déduire qu'elle avait un intérêt à son maintien dans les locaux, afin de préserver ses recettes en assurant la survie économique de son locataire, sans apporter aucun élément de nature à justifier d'une contrepartie pour elle en rapport avec le montant de l'avantage consenti par cette société à la société Mécarex. En se prévalant, d'une part, d'un rapport indiquant que le montant du loyer de la société Mécarex est presque trois fois supérieur à la valeur locative des locaux dans la région et, d'autre part, d'un courrier de décembre 2011 de la société Mécarex, au demeurant postérieur à l'inscription de l'avoir en comptabilité, par lequel elle sollicite une réduction du loyer compte tenu de sa situation financière déficitaire et de la conjoncture économique du secteur industriel sinistré dans la région, la Sarl GKC Immo ne démontre pas avoir bénéficié de contrepartie à cette remise importante de loyers et avoir agi dans son propre intérêt. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que cet abandon de créance constituait un acte anormal de gestion.
En ce qui concerne les charges d'honoraires octroyés à M. B...C... :
9. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".
10. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
11. A l'issue des opérations de contrôle, le vérificateur a remis en cause en application de l'article 39 du code général des impôts la déduction par la Sarl GKC Immo de charges de sous-traitance, à concurrence de 44 000 euros en 2011 et de 48 000 euros en 2012. En produisant des attestations de l'avocat de la société et de rapports d'expertise mentionnant l'intervention de M. C... et en se prévalant de la présence de ce dernier lors des opérations de contrôle, la Sarl GKC Immo ne justifie pas de la réalité des prestations de consultant prétendument réalisées par M. B... C.... Par ailleurs, elle ne produit aucun justificatif de nature à établir les déplacements de M. B... C...dont elle se prévaut. Dans ces conditions, l'administration était fondée à réintégrer les charges indûment déduites du résultat de la société.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...).
13. Pour appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées aux redressements litigieux, l'administration s'est fondée sur la circonstance que M. C...ne pouvait ignorer que l'intégralité des recettes doit être comptabilisée, que le montant des recettes occultées de l'ordre de 35 % est important, qu'en sa qualité de gérant de fait M. B...C...ne pouvait ignorer que la société avait accordé sans justification un avoir à la société Mécarex dont il était le gérant de droit, que le gérant M. A...C...ainsi que ses enfants Gilles et Josiane C...ont eu en charge les dépôts en banque et disposaient de la signature sur les comptes bancaires, que M. B...C...a présenté un devis de travaux différent de celui communiqué au service par le fournisseur M2C Chantiers tendant ainsi à égarer l'administration dans ses pouvoirs de contrôle et que des charges d'honoraires facturées par M. B...C...lui-même ont été comptabilisées sans justification suffisante. L'administration apporte ainsi la preuve qui lui incombe de l'existence des manquements délibérés.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que la Sarl GKC Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la Sarl GKC Immo à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl GKC Immo et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03932