Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801120 du 21 février 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a jugé que la décision portant obligation de quitter le territoire français était illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus d'entrée sur le territoire ;
- les autres moyens invoqués par Mme A...en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à MmeA..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. MmeA..., ressortissante nicaraguayenne née le 10 septembre 1998, est arrivée en France, à l'aéroport Roissy Charles de Gaulle, le 2 février 2018, en provenance de Panama (Nicaragua), et devait y monter dans un autre vol à destination de Malaga (Espagne). Par une décision du même jour, l'accès au territoire français lui a été refusé au motif qu'elle ne détenait pas un document valable attestant le but et les conditions de son séjour en Europe. Il ressort des procès-verbaux de police que Mme A...a, à trois reprises, les 4 février 2018, 10 février 2018 et 11 février 2018, refusé d'embarquer sur des vols à destination du Nicaragua et qu'elle a, par son comportement, rendu impossible le réacheminement vers le pays de provenance. Ces faits étant susceptibles de caractériser l'infraction pénale prévue par l'article L. 624-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui punit d'une peine de trois ans d'emprisonnement l'étranger qui se soustrait ou qui tente de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, Mme A...a été placée en garde à vue le 11 février 2018. Le 12 février 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui a constaté qu'elle séjournait irrégulièrement en France, a pris à son encontre un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Melun :
2. Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes: [...] c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ".
3. MmeA..., qui, du fait de sa nationalité, est exemptée de visa pour effectuer un séjour de moins de 90 jours dans l'Espace Schengen, a déclaré à son arrivée en France le 2 février 2018 se rendre à Malaga, puis à Barcelone pour y faire du tourisme. Elle présentait des billets d'avion Roissy-Malaga, aller le 2 février et retour depuis Barcelone le 11 février, ainsi que le billet d'un vol retour de Roissy vers Panama puis Managua le 12 février. A son arrivée, elle disposait également d'un passeport en cours de validité, d'une attestation d'assurance médicale couvrant l'intégralité de son séjour, de la somme de 1 000 euros et 10 dollars américains, ainsi que d'une carte de crédit. Elle disposait par ailleurs de deux réservations d'hôtel couvrant la totalité de son séjour. Elle remplissait ainsi les conditions d'entrée sur le territoire Schengen prévue par les dispositions précitées pour un séjour de moins de 90 jours. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux d'audition, que Mme A...a expressément reconnu, dès son contrôle par les services de police aux frontières, être en réalité venue pour s'installer et travailler en Espagne pour une durée d'un an. Il résultait ainsi de ses propres déclarations, sur lesquelles le préfet était en droit de se fonder, que Mme A...entrait sur le territoire Schengen pour un séjour de plus 90 jours et ne pouvait dès lors se prévaloir du respect des conditions d'entrée sur le territoire Schengen dans le cadre des dispositions précitées du c du 1 de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas des pièces du dossier, et il n'est pas soutenu, qu'elle remplissait les conditions d'un séjour de plus de trois mois sur le territoire Schengen. En conséquence, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté contesté au motif que l'intéressée remplissait les conditions d'une entrée régulière sur le territoire Schengen et en France et que ses déclarations n'avaient pas d'incidence sur la régularité de son séjour.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun.
Sur les autres moyens soulevés par MmeA... :
5. En premier lieu, si Mme A...soutient que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente, un tel moyen doit être écarté comme infondé dès lors que Nathalie Malecot-Bour, signataire dudit arrêté, a bénéficié d'une délégation à cet effet consentie par un arrêté n° 18 - 0110 du 12 janvier 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté pour signer les décisions l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, ne peuvent qu'être écartés.
6. En deuxième lieu, si Mme A...soutient que l'arrêté contesté était insuffisamment motivé, celui-ci vise le code des relations entre le public et l'administration, et notamment son article L. 211-2, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne par ailleurs le fait que Mme A...a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire, d'un maintien en zone d'attente en ce qu'elle ne remplissait pas les conditions d'un séjour de plus de trois mois sur le territoire Schengen, et qu'elle a tenté de se soustraire à ladite mesure de refus d'entrée. L'arrêt mentionne également le fait qu'elle ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, qu'elle n'a pas effectué de démarches en vue de régulariser sa situation, que la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et que Mme A...n'établit pas être exposée à des risques de traitements inhumains dans le pays de renvoi. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en ce qui concerne les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire ne peuvent qu'être écartés.
7. En troisième et dernier lieu, Mme A...soutient que l'arrêté contesté est entaché, en ce qui concerne les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire, d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle remplissait les conditions d'entrée sur le territoire Schengen et se rendait en Espagne pour un bref séjour dans sa famille. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que son moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 12 février 2018.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801120 du 21 février 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNILe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01764