Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 7 avril 2021 sous le n° 21PA01780, le préfet de la
Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2015010 en date du 8 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de M. B... C... en annulant son arrêté du 17 décembre 2020 lui refusant un titre de séjour au titre de l'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination
2°) de rejeter la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Montreuil.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'il avait méconnu les dispositions de l'article
L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le relevé d'information de la base de données " Telemofpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, permet d'établir que la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 octobre 2020 a bien été notifiée à M. C... le 16 octobre 2020 ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis a été communiquée à la dernière adresse connue de M. C..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête enregistrée le 7 avril 2021 sous le n° 21PA01781, le préfet de la
Seine-Saint-Denis demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2015010 en date du 8 mars 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- le jugement en litige méconnaît les dispositions des articles L. 743-1 et R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis a été communiquée à la dernière adresse connue de M. C..., lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers :
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant mauritanien, né le 31 décembre 1978 à Tachott (Mauritanie), a fait l'objet d'un arrêté pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis, le 17 décembre 2020, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. Par une requête n° 21PA01780, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 8 mars 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et, par une requête n° 21PA01781, en demande le sursis à exécution.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 21PA01780 et n° 21PA01781 présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 21PA01780 :
Sur le motif d'annulation retenu par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil :
3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article
L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la décision de l'Office français de protection des réfugiés apatrides (OFPRA) du 17 janvier 2020, rejetant la demande d'asile de M. C... a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 8 octobre 2020. Dès lors, en application des dispositions précitées, M. C... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français à compter de cette dernière décision. Au demeurant et en tout état de cause, il ressort du relevé d'information de la base de données " Telemofpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision de la CNDA du 8 octobre 2020, a été notifiée à M. C... le 16 octobre 2020.
5. Il suit de là que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 17 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil s'est fondée sur le motif tiré de ce qu'il n'avait pas apporté la preuve de la notification régulière à M. C... A... la décision de la CNDA le concernant.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal.
Sur les autres moyens soulevés par M. C... :
En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions attaquées :
7. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-0665 du 16 mars 2020, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation, notamment, à Mme D... E..., cheffe du bureau de l'asile, pour signer les décisions de la nature de celles contestées. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
9. L'arrêté attaqué vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment celles alors codifiées aux articles L. 511-1 et suivants. Il relève que M. C..., de nationalité mauritanienne, a fait l'objet d'une décision de l'OFPRA en date du 17 janvier 2020, notifiée le 31 janvier 2020 et que la CNDA a rejeté sa demande le 8 octobre 2020 par une décision notifiée le 16 octobre 2020. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui le fondent et est ainsi suffisamment motivé. En outre, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et d'examen particulier de la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, des décisions par lesquelles l'administration octroie ou refuse un délai de départ volontaire, fixe le pays à destination duquel il sera reconduit et lui interdit le retour sur le territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code et prévoient notamment la mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable à leur édiction, ne peuvent être utilement invoquées par M. C... à l'encontre des décisions contestées
11. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse, non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Cet étranger peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée.
12. M. C... soutient que l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à son droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne. Toutefois, il a été mis à même, dans le cadre de sa demande d'asile, lors de l'entretien dont il a bénéficié, de porter à la connaissance de l'administration, et des instances chargées de l'asile, l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir. En outre, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soit prise à son encontre la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent
chapitre : / (...) 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ". Aux termes de l'article R. 311-1 du même code : " Tout étranger (...) est tenu de se présenter (...) à la préfecture (...) pour y souscrire une demande de titre de séjour (...). ".
14. Le requérant soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions de du 10° l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. C... a adressé une nouvelle demande en qualité d'étranger malade au préfet par courrier réceptionné par les services de la préfecture le 10 novembre 2020, antérieurement à la date de l'arrêté du 17 décembre 2020, le préfet n'était pas tenu de tenir compte d'une nouvelle demande de titre de séjour effectuée par courrier au regard des dispositions précitées de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, il ne résulte pas des pièces du dossier, et notamment pas d'un certificat médical du 20 avril 2018, que les cicatrices post herpétiques présentées par M. C..., à supposer que l'absence de soins ait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne pourraient faire l'objet d'un traitement dans son pays d'origine. De même, il ne ressort pas du certificat médical du 30 octobre 2020 versé au dossier de première instance, faisant état de séquelles d'une probable poliomyélite survenue dans l'enfance, laquelle se traduit par une amyotrophie du membre inférieur droit impliquant le port d'une orthèse, que le défaut de prise en charge ainsi allégué serait susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé du requérant. Par suite, l'état de santé de M. C... ne faisait pas obstacle à son éloignement et son retour dans son pays d'origine et la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En quatrième lieu, comme il a été indiqué supra, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'étant pas tenu de tenir compte d'une nouvelle demande de titre de séjour effectué par courrier, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant la saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), est inopérant.
16. En dernier lieu, au regard des éléments précités, il ne résulte ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne se serait pas livré à un examen approfondi de la situation de M. C....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. C... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
18. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...)./ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.".
19. M. C... étant ressortissant d'un pays d'origine sûr, le préfet de la Seine-Saint-Denis a constaté qu'il ne disposait plus droit de se maintenir en France après la décision de la CNDA mentionnée au point 4 ci-dessus. M. C... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation de l'OFPRA et de la CNDA quant aux risques encourus dans son pays d'origine dont, au demeurant, il ne précise pas la teneur. Dès lors, les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève faisaient obstacle à ce que son droit au séjour prît fin après l'intervention de la décision de la CNDA ne peuvent qu'être écartés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 17 décembre 2020 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi, et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C.... Par suite, les articles 2 à 4 de ce jugement doivent être annulés, et la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montreuil doit être rejetée.
Sur la requête n° 21PA01781 :
21. La Cour se prononçant par le présent arrêt sur la requête n° 21PA01780 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du 17 décembre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 21PA01781 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les frais relatifs à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais d'instance exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA01781.
Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement du 17 décembre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. B... C... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRÈRE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01780, 21PA01781