Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2015 et le 27 janvier 2016, Mme B..., représentée par la SELARL Kihl-Drié, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1406528/1-3 du 10 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en l'absence de vérification de comptabilité des sociétés en participation au capital desquelles Mme B...avait souscrit et d'opérations de contrôle sur place ; en ne procédant pas à la vérification de comptabilité des sociétés à l'origine des investissements, l'administration a en outre manqué à son obligation de loyauté envers la contribuable, l'a privée des garanties attachées à une procédure de vérification de comptabilité et commis un détournement de procédure ;
- il résulte des termes de l'article 95 Q de l'annexe II au code général des impôts que l'année de réalisation de l'investissement est celle de sa livraison à l'entreprise au sens de l'article 1604 du code civil ; il s'ensuit que le droit à réduction est acquis du seul fait de la livraison de l'investissement, sans aucune condition tenant à sa mise en service ; en conditionnant le droit à la réduction d'impôt à ce que l'investissement ait obtenu l'agrément du CONSUEL, ait fait l'objet d'une demande d'autorisation préalable ou soit raccordé au réseau EDF, les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts et de l'article 95 K de l'annexe II au même code ;
- en tout état de cause, les SEP Sunra Fluide 1043, SEP Sunra Fluide 1044 et SEP Sunra Fluide 1045 ont déposé leurs dossiers de demande de raccordement auprès d'EDF et leurs dossiers de certification auprès du CONSUEL avant le 31 décembre 2010 ; elle produit les attestations du CONSUEL qui datent du 15 décembre 2010 ;
- il ressort de la doctrine fiscale 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 n° 148 que, pour la réduction d'impôt en litige, l'administration renvoie pour la date de réalisation de l'investissement à la définition de l'article 1604 du code civil donc à la remise effective des immobilisations.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 janvier 2016 et le 10 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A...B...relève appel du jugement du 10 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2010 par suite de la remise en cause des réductions d'impôt dont elle avait bénéficié sur le fondement des dispositions de l'article 199 B undecies du code général des impôts à raison d'investissements réalisés outre-mer par les sociétés en participation Sunra Fluide 1043, Sunra Fluide 1044 et Sunra Fluide 1045, dont elle était l'associée, et consistant en l'acquisition de panneaux photovoltaïques destinées à être mises à la disposition d'entreprises exploitantes situées à la Réunion ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) " ;
3. Considérant que le supplément d'impôt mis à la charge de Mme B...au titre de l'année 2010 résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont elle se prévalait à raison d'investissements outre-mer réalisés selon elle en 2010 par les SEP Sunra Fluide 1043, SEP Sunra Fluide 1044 et SEP Sunra Fluide 1045, et non du rehaussement du résultat de ces sociétés, résultat taxable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes ; que Mme B...ne fait au demeurant état d'aucun supplément d'imposition résultant directement du rehaussement du résultat déclaré par ces sociétés ; qu'en conséquence, l'imposition en litige doit être regardée comme procédant exclusivement du contrôle sur pièces dont elle a fait l'objet ; qu'il suit de là qu'en raison de l'indépendance des procédures d'imposition, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence de vérification de comptabilité et de rectification du résultat des sociétés en participations entacherait d'irrégularité la procédure d'imposition à l'origine du litige, ni en tout état de cause qu'elle procèderait d'un détournement de procédure ou d'un manquement de loyauté de l'administration à son égard ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010 : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 K de cette annexe : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date à laquelle, du fait de sa livraison effective ou de sa création dans un département ou un territoire d'outre-mer, l'immobilisation peut être effectivement exploitée ; que, dans le cas d'une création d'immobilisation, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise dispose matériellement de l'investissement productif et peut commencer son exploitation effective ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
5. Considérant que, pour l'application des dispositions précitées, l'exploitation effective d'une centrale photovoltaïque ne peut commencer que lorsque les panneaux qui la composent ont été livrés puis assemblés, et que la centrale a été raccordée au réseau public d'électricité ; qu'il résulte en l'espèce de l'instruction, et notamment des attestations établies par EDF dans le cadre du droit de communication de l'administration fiscale, qu'à la date du 31 décembre 2010, les installations en litige n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité ; que l'administration fiscale était par suite en droit de remettre en cause, pour ce motif, la réduction d'impôt dont Mme B... avait bénéficié au titre de l'année 2010 ;
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; que Mme B...ne saurait utilement se prévaloir de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, qui ne fait pas des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ;
7. Considérant que MmeB... se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 dont le paragraphe n° 148, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée, précise que : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) " ; que, toutefois, il résulte des termes même du paragraphe dont elle se prévaut que l'instruction en cause prévoit que la réduction d'impôt ne peut être pratiquée que si l'immobilisation a été achevée au cours de l'année en cause ; que, des centrales photovoltaïques ne constituant pas, par elles-mêmes, des moyens d'exploitation permanents ou durables capables, avant toute installation, de fonctionner de manière autonome, l'interprétation donnée par la doctrine invoquée de la notion de livraison est, en l'espèce, sans incidence sur le fait générateur du droit à déduction ; qu'ainsi, la doctrine invoquée ne contient aucune interprétation du texte fiscal différente de celle dont l'administration a fait application en l'espèce ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02210