Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août 2014 et 30 juin 2015, la société Concept USA Llc, représentée par l'association d'avocats DJP Avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1308564/1-1 du 18 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge 1) de la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts en cas d'opposition à contrôle fiscal, dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 2005, 2) de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes couvrant les années 2006 et 2007, 3) de la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts en cas de défaut de souscription de déclaration dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2007 et 4) de l'amende de 100 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts, dont a été assortie cette même cotisation ;
2°) de prononcer la décharge de ces majorations et de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne conteste plus la qualification retenue par le service en ce qui concerne l'existence de son siège de direction effective en France et accepte en conséquence les impositions supplémentaires mises à sa charge en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'administration ne pouvait appliquer l'article 117 du code général des impôts, dès lors que l'article 115 quinquies de ce code institue une présomption de distribution des bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères, au profit des associés étrangers de ces sociétés ; le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a confirmé ce point dans une réponse à trois questions écrites posées par M.A..., publiée au JO Sénat du 18 novembre 2010 ;
- la majoration qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1732 du code général des impôts est infondée car elle ne s'est pas opposée au contrôle fiscal, sa dirigeante et son conseil ayant réagi aux démarches du vérificateur ;
- les majorations de 40 % pour manquement délibéré sont infondées dès lors qu'elle n'était pas résident fiscal français, qu'elle n'avait donc pas à acquitter d'impôt en France et qu'elle a souscrit des déclarations dans l'Etat où son siège social est situé.
Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 février 2015 et 21 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
1. Considérant que la société de droit américain Concept USA Llc, qui exerce une activité de fabrication et de commercialisation de prothèses de hanche, a fait l'objet en 2008 et 2009 d'une vérification de comptabilité, portant sur les années 2005, 2006 et 2007, à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'elle exerçait son activité en France, dans les locaux de sa sous-filiale française Ceram Concept France, a, en l'absence de comptabilité tenue par la société selon les règles du droit interne, procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses bénéfices imposables ; qu'elle l'a assujettie à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 et à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2007 ; qu'elle lui a en outre infligé, au titre de l'année 2007, l'amende de 100 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts ainsi que la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, au titre de l'année 2005, la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts en cas d'opposition à contrôle fiscal et, au titre des années 2006 et 2007, la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que la société Concept USA Llc relève appel du jugement du 18 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ; que, dans le dernier état de ses écritures, elle ne conteste ce jugement qu'en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge de ces majorations et de cette amende ;
Sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) " ; qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. /En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; que l'article 115 quinquies du même code dispose : " 1. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France./ Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés (...) " ;
3. Considérant que la société Concept USAL Llc conteste l'amende de 100 % qui lui a été infligée au titre de l'année 2007, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, pour ne pas avoir révélé l'identité du ou des bénéficiaires de la distribution correspondant au rehaussement du résultat de l'exercice 2007 ;
4. Considérant que si les dispositions de l'article 115 quinquies du code général des impôts instituent une présomption de distribution des bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères, au profit des associés étrangers desdites sociétés, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration, en application de l'article 117 du code général des impôts, invitât la société Concept USA Llc à lui désigner les bénéficiaires de la distribution, dès lors que l'article 115 quinquies ne désigne pas précisément les associés étrangers réputés avoir appréhendé la distribution, que les bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, au sens de l'article 109-1 1° du code général des impôts, sont nécessairement inclus dans la masse des revenus distribués visée à l'article 117 du code général des impôts et qu'en l'espèce, en l'absence de comptabilité tenue selon les règles du droit interne par la société Concept USA Llc, le rehaussement du résultat de l'exercice 2007 de cette société avait nécessairement le caractère d'un bénéfice " non mis en réserve ou incorporé au capital " et, par suite, d'un revenu distribué, au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que la société requérante ne peut en tout état de cause se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses du ministre à trois questions posées au Sénat par M. C...A..., dès lors que ces réponses ont été publiées le 18 novembre 2010, postérieurement à la mise en recouvrement, le 23 juin 2010, de l'amende litigieuse ;
Sur la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) " ;
6. Considérant que l'administration a envoyé le 9 juin 2008 à la société Concept USA Llc à l'adresse de cette société aux Etats-Unis et à celle de son établissement en France un avis de vérification, annonçant une première intervention le 26 juin 2008 ; que le 26 juin 2008, l'ancien dirigeant de la société présent sur place, M.B..., a informé le vérificateur qu'il avait démissionné et qu'il ne pouvait représenter la société ; que le vérificateur a en conséquence adressé le 27 juin 2008 un courrier à la nouvelle dirigeante de la société, pour l'informer que la première intervention aurait lieu le 11 juillet 2008 ; qu'aucune personne habilitée n'a pu le recevoir ce jour-là ; que, par courrier du 15 juillet 2008, le vérificateur a donc mis en garde la société, en l'informant d'une nouvelle intervention le 5 septembre 2008 ; que les deux plis, celui envoyé aux Etats-Unis et celui envoyé en France, ont été retournés au service, le dernier avec la mention " refusé-retour à l'envoyeur " ; que le vérificateur a réitéré cette mise en garde le 1er septembre 2008 par deux télécopies, l'une adressée aux Etats-Unis, l'autre en France ; que le 5 septembre 2008, la nouvelle dirigeante de la société Concept USA Llc a indiqué au vérificateur, par télécopie, que sa société n'avait pas d'établissement stable en France, que la comptabilité était tenue aux Etats-Unis et que la démarche du vérificateur était sans fondement ; que le vérificateur a envoyé le 11 septembre 2008 à la société Concept USA Llc une autre mise en garde, en invitant sa dirigeante à prendre contact avec lui afin d'organiser le contrôle ; que la société n'a donné aucune suite à ces courriers ; qu'en conséquence, le vérificateur a établi le 8 octobre 2008 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal ;
7. Considérant que, compte tenu de ces éléments, l'administration était fondée à estimer que le contrôle ne pouvait avoir eu lieu du fait de l'attitude de la société Concept USA Llc et à mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que les conclusions tendant à la décharge de la majoration de 100 %, dont, en application de l'article 1732 du code général des impôts, les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Concept USA Llc au titre de la période couvrant l'année 2005, ont été assortis, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;
9. Considérant que la société Concept USA Llc ne conteste ni que ses opérations étaient taxables en France à la taxe sur la valeur ajoutée, ni que son dirigeant a, par des courriers du 23 février 2006 et du 7 avril 2006, indiqué au centre des impôts dont elle relevait, ne disposer d'aucun local ni d'aucune présence en France et n'y être soumis à aucun impôt ; que, dans ces conditions, l'administration établit l'intention délibérée de la société Concept USA Llc d'éluder la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, le bien-fondé des majorations de 40 % pour manquement délibéré dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant les années 2006 et 2007 ;
Sur la majoration de 40 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai (...) " ;
11. Considérant que la société Concept USA Llc ne soulève aucun moyen au soutien de ses conclusions tendant à la décharge de la majoration de 40 % dont, en application des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2007 a été assortie ; que ces conclusions ne peuvent donc, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Concept USA Llc n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Concept USA Llc est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Concept USA Llc et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03752