Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2015, M.B..., représenté par Me Boudjellal, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1428201/1-2 du 12 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 20 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en ne rouvrant pas l'instruction après le mémoire en défense du préfet, le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;
- la formalité prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'a pas été accomplie antérieurement à la décision de retrait des titres de séjour qui lui avaient été délivrés ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé car il ne fait pas apparaître le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- la décision de refus de séjour contenue dans l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2014 est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas examiné s'il pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6-1 et 6-5 de la convention franco-algérienne, qu'il invoquait ;
- il peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de cette convention dès lors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans, en particulier au cours des années 2005 à 2009, contestées par le préfet ;
- il remplit également les conditions pour obtenir un titre sur le fondement de l'article 6-5 de cette convention ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les observations de Me Boudjellal, avocat de M. B...;
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, né en 1972, entré en France le
29 mars 2001 selon ses déclarations, a sollicité en 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que le préfet de police a rejeté sa demande, par un arrêté du 26 août 2011 ; que cet arrêté ayant été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 avril 2012, le préfet de police a en conséquence, tout en ayant fait appel de ce jugement, délivré à M. B...un certificat de résidence valable du 3 avril 2012 au 2 avril 2013, renouvelé du 3 avril 2013 au 2 avril 2014 ; que, par un arrêt en date du 30 avril 2013, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 avril 2012 ; qu'en conséquence de cet arrêt, par un arrêté du 20 octobre 2014, le préfet de police, après avoir reçu M. B...en préfecture le 4 avril 2014, a, d'une part, retiré les deux certificats de résidence, d'autre part, rejeté une demande de titre de séjour présentée par M. B...le 4 avril 2014 et assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par la présente requête, M. B...relève appel du jugement en date du 12 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2014 ;
Sur la légalité de la décision de retrait des deux certificats de résidence :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) " ; que ces dispositions, qui sont applicables à la décision par laquelle l'autorité administrative retire un titre de séjour, quand bien même ce titre aurait été accordé pour exécuter une décision juridictionnelle, elle-même annulée par une décision juridictionnelle ultérieure, impliquent que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations ; qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B...aurait été avisé de la mesure de retrait que le préfet de police s'apprêtait à prendre et qu'un délai suffisant lui aurait été laissé pour présenter ses observations ; que la circonstance qu'il ait été reçu en préfecture le 4 avril 2014, préalablement à l'arrêté contesté en date du 20 octobre 2014, ne suffit pas à établir que cette formalité a été respectée ; que M. B...est en conséquence fondé à soutenir qu'en tant qu'il prévoit le retrait des deux certificats de résidence dont il a bénéficié du 3 avril 2012 au 2 avril 2013, puis du 3 avril 2013 au 2 avril 2014, l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2014 est entaché d'illégalité ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de sa réception à la préfecture le 4 avril 2014, M. B...a demandé le renouvellement des certificats de résidence qui lui avaient été délivrés en exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 avril 2012 ; qu'il doit par suite être regardé comme ayant demandé la délivrance du certificat de résidence prévu par les stipulations précitées du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
5. Considérant que devant le Tribunal et la Cour, M. B...a notamment produit des attestations annuelles d'admission à l'aide médicale de l'Etat à compter du 23 juillet 2004 et divers documents permettant d'établir l'existence de consultations médicales régulières au cours des dix années suivantes ; qu'il produit également le courrier d'un opérateur de téléphonie mobile exploitant un réseau en France indiquant qu'il est l'un de ses clients depuis le 7 septembre 2001 ; que par ailleurs, l'un des cachets administratifs figurant sur son passeport confirme son arrivée en France le 29 mars 2001 ; qu'il est constant par ailleurs que l'ensemble des pièces produites par M. B...mentionnent une adresse identique en France dont il n'est pas contesté qu'elle correspond à celle de ses parents, lesquels résident régulièrement sur le territoire national, l'intéressé étant hébergé chez eux depuis 2001, ainsi que le confirment les attestations qu'il produit ; que dans ces conditions, compte tenu de la cohérence générale des éléments de preuve produits par le requérant et nonobstant la circonstance qu'ils sont constitués en grande partie de documents à caractère médical,
M.B..., qui justifie par les éléments qu'il apporte, résider en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, est fondé à soutenir qu'en tant qu'il refuse son admission au séjour, l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2014 méconnaît les stipulations précitées de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; que si le préfet de police a invoqué devant le Tribunal l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 30 avril 2013 mentionné au point 1 en ce qui concerne la justification de la présence en France du requérant au cours des années 2005 à 2009, ce moyen de défense ne peut qu'être écarté dès lors que le litige précédemment jugé par la Cour, qui concernait une décision de refus de séjour différente, n'avait pas le même objet que le présent litige ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu par voie de conséquence d'annuler ce jugement, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, ainsi que l'arrêté du préfet de police du 20 octobre 2014 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. B...d'un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer au requérant ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que M. B...demande en remboursement des frais qu'il a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 mai 2015 et l'arrêté du préfet de police du 20 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 23 juin 2016 .
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02383