Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 8 décembre 2017, le préfet de police, dont par un mémoire enregistré le 30 janvier 2018, le ministre de l'intérieur s'est approprié les conclusions, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1612724/5-1 du 9 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme C...une indemnité de 21 500 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 12 août 2016 ;
2°) de rejeter dans cette limite la demande présentée par Mme C...devant ce tribunal.
Il soutient que :
- Mme C...ne remplissant pas les conditions règlementaires pour bénéficier de la prime informatique et ne tirant d'aucun texte un droit à conserver le même niveau de rémunération, elle ne saurait se prévaloir d'aucun préjudice financier indemnisable résultant du non versement de diverses primes, nonobstant les éventuelles promesses qui auraient pu lui être faites à ce sujet ;
- le tribunal a jugé à tort que la préfecture de police s'était engagée à ce que Mme C... conserve le même niveau de rémunération que lors de son détachement en qualité d'inspecteur de première classe des douanes, la préfecture s'étant seulement engagée à ce que Mme C... conserve la prime informatique ;
- le tribunal pouvait seulement indemniser le préjudice résultant de l'absence de versement de la prime informatique et a ainsi jugé à tort que le préjudice financier subi par Mme C...correspondait à la différence entre le traitement net que l'intéressée a perçu entre le 1er juillet 2015 et octobre 2017 et celui qu'elle aurait dû percevoir si la promesse de l'administration avait été tenue ;
- Mme C...a commis une faute de nature à exonérer l'administration de la moitié la responsabilité, compte tenu de son expérience, de son grade et de son niveau de responsabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, MmeC..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle a été introduite par le préfet de police qui n'avait pas qualité pour faire appel et que le ministre de l'intérieur s'en est approprié les conclusions postérieurement à l'expiration du délai d'appel ;
- les moyens soulevés par le préfet de police et le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- l'arrêté du 22 décembre 2008 fixant la liste des primes et indemnités relevant des exceptions prévues à l'article 7 du décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- l'arrêté du 27 août 2015 pris en application de l'article 5 du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouyx, avocat de MmeC....
1. Considérant que MmeC..., attachée principale d'administration de l'Etat, placée en position de détachement depuis le 27 février 2006 auprès du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en qualité d'inspecteur principal de 1ère classe des douanes, a été réintégrée dans le corps des attachés d'administration de l'Etat à compter du 1er juillet 2015 et mutée à compter de cette date à la préfecture de police en qualité d'attachée principale d'administration de l'Etat, 9ème échelon, à la direction opérationnelle des services techniques et logistiques ; que par un courriel du 13 octobre 2015, l'intéressée a sollicité de la direction des ressources humaines de la préfecture de police le versement des primes qu'elle percevait lors de son détachement dès lors que la préfecture s'était, selon elle, engagée à ce qu'elle conserve sa rémunération antérieure ; que par un courriel du 16 juin 2016, la direction des ressources humaines de la préfecture de police a informé Mme C...du rejet de sa demande ; que le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 9 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme C... une indemnité de 21 500 euros avec les intérêts au taux légal ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par MmeC... :
2. Considérant que, conformément à l'article R. 811-10 du code de justice administrative, le ministre de l'intérieur a seul qualité pour relever appel du jugement du 9 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris dès lors que le présent litige n'est pas né de l'activité des services de la préfecture de police dans les matières énumérées par l'article R. 811-10-1 du même code ; que le ministre de l'intérieur a, par le mémoire visé ci-dessus, pu régulariser la requête présentée par le préfet de police dans le délai d'appel en s'appropriant, même après l'expiration de ce délai, les conclusions de celle-ci ; qu'il en résulte que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du préfet de police et de la régularisation tardive effectuée par le ministre de l'intérieur doit être écartée ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 susvisé, applicable au corps des attachés d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer en vertu d'un arrêté du 9 février 2011 : " La prime de fonctions et de résultats est exclusive de toutes autres indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre intéressé. " ; que l'arrêté du 22 décembre 2008 fixant la liste des primes et indemnités relevant des exceptions prévues à l'article 7 du décret du 22 décembre 2008 n'inclut pas la prime informatique-chef de projet dont bénéficiait Mme C...au ministère de l'économie ; qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " L'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel sont exclusifs de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget " ; que l'arrêté du 27 août 2015 pris en application de cet article n'inclut pas la prime informatique dans la liste des exceptions à ce principe ; qu'il s'ensuit que Mme C...ne pouvait bénéficier de cette prime dans ses nouvelles fonctions à la préfecture de police ;
4. Considérant que Mme C...soutient n'avoir accepté sa réintégration et sa mutation à la préfecture de police qu'au vu de l'assurance qui lui avait été donnée qu'elle y percevrait une rémunération équivalente à celle qui était la sienne antérieurement au 1er juillet 2015, en qualité d'inspecteur principal de 1ère classe des douanes ; que, cependant, le ministre de l'intérieur n'admet l'existence d'un tel engagement qu'en ce qui concerne la prime informatique, d'un montant mensuel de 516,03 euros, à l'exclusion des autres primes, d'un montant total mensuel de 574,10 euros et il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait engagée à verser ces dernières primes à MmeC... ;
5. Considérant que si l'administration ne pouvait respecter légalement l'engagement d'accorder la prime informatique à MmeC..., ainsi qu'il a été dit au point 3, le ministre ne conteste pas que le détachement de l'intéressée dans le corps des ingénieurs des systèmes d'information et de communication aurait permis de l'honorer, comme l'a jugé le Tribunal administratif ; qu'ainsi, en donnant à Mme C...des assurances qu'elle n'a pas respectées, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, toutefois, Mme C...a commis une imprudence en ne prenant pas en compte le risque que l'administration ne soit pas en mesure d'honorer l'engagement qu'elle prenait ; que, compte tenu de cette imprudence, il y a lieu d'évaluer la part de responsabilité de l'Etat à 70 % ;
6. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel et des troubles dans les conditions d'existence de Mme C...à raison de sa période d'affectation à la préfecture de police, du 1er juillet 2015 au 1er mars 2017, en ramenant de 21 500 euros à 8 500 euros, intérêts moratoires compris, le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat par le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat en remboursement des frais exposés par MmeC..., qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 21 500 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme C...par le jugement n° 1612724/5-1 du 9 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est ramenée à 8 500 euros, intérêts moratoires compris.
Article 2 : Le jugement n° 1612724/5-1 du 9 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03727