Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2021, M. B... représenté par Me Binakdane demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105247 du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 18 février 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et, subsidiairement, de réexaminer sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit résultant de la méconnaissance, par le préfet, de son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Un mémoire en défense a été enregistré le 10 mars 2022 pour le préfet de police, qui conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité tunisienne, né le 12 décembre 1977, est entré en France en juillet 2007 selon ses déclarations. Il a bénéficié de plusieurs titres de séjours entre 2015 et 2019. Le 22 septembre 2020, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 18 février 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. B... fait régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-1102 du 28 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2020-433 de la préfecture de Paris du même jour et au bulletin municipal de la ville de Paris du 5 janvier 2021, le préfet de police a donné délégation à Mme Catherine Kergonou, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, cheffe du 9ème bureau, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté critiqué ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision contestée comprend, de manière suffisamment précise et circonstanciée, les éléments de fait sur lesquels elle se fonde. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation en fait doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de police, qui n'est pas tenu de faire état dans son arrêté de tous les éléments produits par la requérante au soutien de sa demande, n'aurait pas examiné sa situation administrative au regard des pièces transmises par la requérante. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 14 janvier 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier d'un traitement approprié. Toutefois, M. B... produit un certificat médical en date du 2 juillet 2021, émanant d'un gastroentérologue de l'institut mutualiste Monsouris qui indique que l'intéressé est suivi dans le cadre d'une maladie de Crohn avec atteinte iléale étendue ayant nécessité une résection du grêle et qu'en juin 2021, ce dernier a connu un nouvel épisode occlusif qui a mis en évidence une atteinte étendue sur plus de 40 cm d'iléon avec des zones sténosées courtes et qu'il bénéficie désormais d'un traitement par Stelara en raison d'une réponse insuffisante, une perte de réponse ou une intolérance à un traitement conventionnel ou par anti-TNFa. Si M. B... allègue que cette substance active ne serait pas disponible en Tunisie, les éléments mentionnés sur le site internet du laboratoire Jansen qui a développé le traitement ne permettent pas de démontrer que le seul médicament efficace pour contenir sa maladie serait le Stelara et qu'il n'est pas disponible dans son pays d'origine. Par ailleurs, s'il soutient qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'une prise en charge adaptée en Tunisie en raison du coût de ses traitements, dès lors que le régime de prise en charge en vigueur en Tunisie ne bénéficie de fait qu'aux personnes disposant d'une activité professionnelle, il ne justifie pas, par ses allégations, ne pas pouvoir bénéficier du régime de sécurité sociale en Tunisie à raison d'une impossibilité d'exercer une activité professionnelle, ou d'une impossibilité de faire face aux dépenses entraînées en Tunisie par le suivi et les examens auxquels il est astreint. Par suite, le moyen tiré de ce que l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de police, qui s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII, serait erronée, doit être écarté. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En cinquième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit au point 11 du jugement entrepris, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. B... se borne à reproduire en appel.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 8 du présent arrêt, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. B.... Par ailleurs, l'intéressé ne justifie pas de circonstances humanitaires exceptionnelles qui auraient dû conduire le préfet de police à faire usage de son pouvoir de régularisation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. L'exception d'illégalité du refus de titre doit être écartée par les motifs des points 2 à 8 du présent arrêt.
En ce qui concerne la fixation du pays de destination :
11. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté par les motifs du point 10 du présent arrêt.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05802