Procédure devant le Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 19, 25 novembre 2021, 22 décembre 2021, 26 janvier et 21 février 2022, M. A... représenté par Me Teelokee demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2115028 du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 juin 2021 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte atteinte à son droit à la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :
- elle a été signée par une autorité incompétente
- elle est insuffisamment motivée
- elle méconnaît les articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Un mémoire en défense a été enregistré le 23 février 2022 pour le préfet de police.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 décembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu :
- l'ordonnance n° 21PA05923 du 2 décembre 2021 du président de la 9ème chambre de la Cour rejetant la demande de suspension de l'arrêté attaqué ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 29 mars 1978, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour dans le cadre d'une admission exceptionnelle. Par arrêté du 14 juin 2021, le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retour sur le territoire français pendant deux ans. M. A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
2. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué à l'appui desquels le requérant reprend purement et simplement l'argumentation soumise aux juges de première instance, il y a lieu de les écarter par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 4 de leur jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
4. Si M. A... soutient résider en France de façon habituelle depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté, les pièces produites au dossier pour les années 2011, 2012, et les six premiers de mois de 2013, constituées essentiellement, s'agissant de 2011, d'un bon de vente commercial et de cinq documents médicaux (ordonnances, comptes-rendus d'examen radiographique et de prélèvement, bulletin de traitement externe en hôpital), s'agissant de 2012, d'une facture commerciale et de six documents médicaux analogues à ceux présentés pour 2011, s'agissant de l'année 2013, pour la période précédant le mois de juillet, date d'effet de son admission à l'aide médicale d'Etat de quatre documents médicaux, et, pour toutes les années en cause, d'avis d'imposition dont les montants sont nuls, ne permettent pas, à elles seules, eu égard à leur caractère espacé et ponctuel, d'établir l'existence d'une résidence habituelle en France, au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au cours d'une période de plus de dix ans précédant la date de la décision attaquée. Ainsi, à la date à laquelle a été pris l'arrêté attaqué, M. A... ne justifiait pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Le préfet de police n'était donc pas tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.
5. De plus, si le requérant se prévaut de sa vie professionnelle en France, il ne produit à l'appui de ses allégations que quelques bulletins de salaire pour les années 2014, 2016 et 2021 qui ne permettent pas d'établir la réalité de l'insertion sociale et professionnelle alléguée. Par ailleurs, si le requérant indique avoir postulé en 2021 pour suivre une formation de retoucheur, cet élément qui est postérieur à l'arrêté attaqué est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué. En outre, il ressort des pièces du dossier que, l'intéressé est entré en France à l'âge de trente-six ans au plus tôt, il est père d'une enfant mineure au Sénégal dont il n'est pas allégué qu'elle n'y résiderait plus. Si l'intéressé déclare ne plus avoir de lien avec cette dernière, il ne le démontre pas. Enfin, s'il n'est pas contesté que ses parents sont décédés, et que son frère et sa sœur résident en Italie, M. A... n'établit pas, pour autant, qu'il serait désormais dépourvu de toute attache personnelle ou familiale au Sénégal, pays dans lequel il a vécu, comme il a été indiqué supra, au moins jusqu'à l'âge de 36 ans. Ainsi, et dès lors que par ailleurs il n'établit résider habituellement en France que depuis 2010, il ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité, et n'est par suite pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu lesdites dispositions.
6. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans dans son pays d'origine où il conserve des attaches familiales proches puisqu'il ne conteste pas que son enfant y vit, et, par ailleurs, qu'il n'établit ni n'allègue avoir de la famille ou avoir tissé des liens amicaux sur le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, ni, par suite, qu'il méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Selon l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour fixer la durée de l'interdiction de retour, " l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
8. L'ensemble des circonstances, propres à la situation personnelle et à ses conditions de séjour en France de M. A..., décrites aux points aux points 4 et 5 du présent arrêt, est de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qui n'est pas disproportionnée dans les circonstances de l'espèce. Si à la date de la décision en litige, la France a fait face à des épisodes de grèves dans les transports puis à une situation sanitaire exceptionnelle eu égard à l'épidémie de Covid-19, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces événements auraient rendu impossible le retour des ressortissants en situation irrégulière vers leur pays d'origine. Dès lors, le moyen, tiré de l'inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que, les moyens soulevés contre la légalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français devant être écartés, les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions attaquées doivent l'être par voie de conséquences.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05922