Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mai 2017 et le 21 juillet 2017,
M.FAURE, représenté par Me Vernon, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1605971/5-3 du 23 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 23 février 2016 du directeur de la Caisse des dépôts et consignations ;
3°) de le rétablir dans son statut d'adjoint administratif principal de 2ème classe ;
4°) de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser la somme de 13 euros au titre des droits de plaidoirie non compris dans les dépens de première instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner la Caisse des dépôts et consignations à verser la somme de 2 000 euros à Me Vernon, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucun des courriers qui lui ont été adressés ne précisait qu'il s'exposait à une mesure de radiation des cadres sans procédure disciplinaire ;
- l'administration ne lui a pas imparti de délai pour reprendre ses fonctions ;
- il a justifié par la production d'un certificat médical et d'un arrêt de travail que son état de santé l'empêchait de communiquer avec son administration et de mesurer la portée de la mise en demeure qui lui avait été adressée ;
- la mesure de radiation des cadres est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2017, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête de première instance, qui ne comportait l'exposé d'aucun moyen de légalité externe ou interne, était irrecevable ;
- M. FAUREne peut soulever pour la première fois en appel des moyens de légalité externe, fondés sur une cause juridique distincte ;
- par le courrier du 25 janvier 2016, elle a mis en demeure M. FAUREde reprendre son service dans les 48 heures et l'a informé des conséquences d'un éventuel refus de sa part sur sa situation administrative ;
- la décision de radiation des cadres est motivée et mentionne les voies et délais de recours ;
- le certificat médical communiqué ne fait état d'un arrêt de travail qu'à compter du 4 avril 2016 ; M. FAUREn'apporte pas d'élément pour justifier son absence du service à compter du 7 décembre 2015 ; par son comportement, M. FAUREa manifestement rompu le lien qui l'unissait au service.
M. FAUREa été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris en date du 31 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,
- et les observations de Me Vernon, avocat de M. FAUREet de Me Quaderi, avocat de la Caisse des dépôts et consignations.
1. Considérant que, par un arrêté du 23 février 2016, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a prononcé la radiation des cadres de M.FAURE, adjoint administratif principal de 2ème classe des administrations de l'Etat, pour abandon de poste ; que M. FAURErelève appel du jugement en date du 23 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2016 ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Caisse des dépôts et consignations :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) " ; que, dans la requête qu'il a introduite le 18 avril 2016 devant le Tribunal administratif de Paris, M. FAUREexpose les circonstances, telles que son ancienneté, la dégradation de son état de santé ou le harcèlement dont il aurait été victime, qui sont de nature, selon lui, à affecter la légalité de l'arrêté du 23 février 2016 ; qu'il doit ainsi être regardé comme invoquant le moyen de légalité interne tiré de ce qu'il n'était pas en mesure de reprendre son service en raison notamment de son état de santé ; que sa requête répondait dès lors aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
3. Considérant, d'autre part, que M. FAUREsoutient en appel, notamment, que l'administration ne lui a pas imparti de délai pour reprendre ses fonctions ; que ce moyen concerne une condition de fond nécessaire à la caractérisation d'un abandon de poste ; qu'il n'est donc pas fondé sur une cause juridique distincte de l'argumentation invoquée en première instance par M. FAUREet ne constitue pas une demande nouvelle ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. Considérant qu'une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 23 février 2016 a été précédé d'un courrier du 25 janvier 2016, dans lequel le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations précisait à M. FAUREqu'en l'absence de reprise de ses fonctions ou de justification de son absence, la Caisse des dépôts serait " fondée à envisager à [son] encontre une procédure pour abandon de poste " et l'invitait en conséquence " à produire à [ses] services toute pièce justifiant [sa] situation sous 48 heures à compter de la date de réception de ce courrier " ; que ce courrier ne précisait donc pas que M. FAUREs'exposait, à défaut de réaction de sa part, à une mesure de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ; que, par ailleurs, le délai de 48 heures qu'il laissait à l'intéressé l'était pour lui permettre de produire toute pièce justifiant de sa situation et non pour rejoindre son poste ou reprendre son service ; qu'ainsi, ce courrier ne respectait pas les prescriptions rappelées au point 4 ci-dessus ; qu'aucune lettre ne comportant les mentions requises n'a été adressée à M. FAUREantérieurement à la décision contestée ; que l'arrêté du 23 février 2016 étant ainsi entaché d'illégalité, M. FAUREest fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions tendant à son annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'en cas d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir d'une mesure mettant fin aux fonctions d'un agent, celui-ci doit être regardé comme n'ayant jamais été évincé de son emploi ; que cette annulation a ainsi pour effet de replacer l'agent dans la situation administrative où il se trouvait avant l'intervention de la mesure contestée ; que l'annulation de l'arrêté du 23 février 2016 implique la réintégration de M. FAUREà compter de la date d'effet de la mesure de radiation des cadres ; qu'il y a lieu en conséquence d'enjoindre à la Caisse des dépôts et consignations de procéder à cette réintégration, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. FAUREa obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Vernon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Vernon de la somme de 1 500 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. FAUREd'une somme de 13 euros correspondant au droit de plaidoirie restant à sa charge ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1605971/5-3 du 23 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 23 février 2016 du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la Caisse des dépôts et consignations de procéder, à compter de la date d'effet de la radiation des cadres de M.FAURE, à la réintégration de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Vernon une somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. FAUREest rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...FAURE, à la Caisse des dépôts et consignations et à Me Vernon.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01864