Par un jugement n°s 1702616, 1704643 du 12 novembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2018, la SARL New Good Foods, représentée par Me Leblic, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 30 juin 2015 est insuffisamment motivée, dès lors que le vérificateur a déterminé un prix de vente moyen selon des critères non vérifiables, en excluant certains prix qu'il a considérés comme aberrants et sans préciser les raisons pour lesquelles il a écarté la table des prix de vente unitaire produite par la société ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue par le vérificateur est radicalement viciée, dès lors que l'identification et le suivi des produits de l'achat à la revente n'est pas possible, les données du logiciel qui édite les factures de vente sont aberrantes, les données utilisées pour la reconstitution de recettes proviennent d'une sélection aléatoire et reposent sur des traitements subjectifs, et que le vérificateur ne tient pas compte des pertes alors même qu'il s'agit pour l'essentiel de denrées alimentaires périssables ;
- une méthode alternative de reconstitution de recettes pourrait être utilisée, qui s'appuierait sur l'addition des sommes portées au crédit de ses deux comptes bancaires, données objectives et non contestables ; en tout état de cause, l'administration n'établit pas que des recettes n'auraient pas été comptabilisées sur les deux comptes bancaires de la société ;
- à titre subsidiaire, si la méthode reconstitution de recettes proposé par l'administration devait être validée, elle devrait faire l'objet d'un correctif, par l'application d'un taux de perte de 10 % correspondant aux pertes pour denrées périssables ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées, dès lors que la reconstitution des résultats proposée par la requérante aboutit à des résultats très proches de ceux initialement déclarés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) New Good Foods, qui a pour activité le négoce et l'import-export de tous produits alimentaires et de boissons sans alcool ainsi que la vente aux particuliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période comprise entre le 1er août 2012 et le 31 décembre 2013, étendue au 30 avril 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard et des majorations prévues par les articles 1727, 1728 et 1729 du code général des impôts, lui ont été notifiés au titre des années 2012 et 2013. Par ailleurs, dans le cadre de son droit de reprise, le service vérificateur a examiné la situation fiscale de la requérante au titre des années 2014 et 2015 et lui a notifié des redressements en matière d'impôt sur les sociétés, assortis des intérêts de retard et des majorations prévues par les articles 1727 et 1728 du code général des impôts, au titre de ces deux années. La SARL New Good Foods relève régulièrement appel du jugement du 12 novembre 2018, par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités et intérêts de retard mis à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. [...] ".
3. La proposition de rectification du 30 juin 2015 comporte la désignation des impôts concernés, les dispositions légales fondant les redressements ainsi que les périodes d'imposition au titre desquelles les rectifications litigieuses ont été établies. Elle énonce également les motifs pour lesquels le service a rejeté la comptabilité présentée par l'entreprise ainsi que les principaux éléments de la méthode de reconstitution utilisée. En particulier, elle comporte, notamment, un tableau précisant, pour chaque article retenu, les bornes à l'extérieur desquelles les prix unitaires de vente figurant sur une facture ont été écartés comme aberrants. Elle décrit enfin les conséquences financières des rehaussements envisagés. La circonstance que l'administration n'indique pas expressément la raison pour laquelle elle ne s'est pas fondée sur la table des prix de vente fournie par la société n'a pas placé celle-ci dans l'impossibilité de présenter utilement ses observations sur la portée de la rectification, ce qu'elle a fait, au demeurant, par un courrier du 31 juillet 2015. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 30 juin 2015 doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la reconstitution de recettes au titre de 2012 :
4. Il résulte de l'instruction que les rectifications relatives à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012, qui ont été notifiées à la SARL New Good Foods, par la proposition de rectification du 30 juin 2015, l'ont été dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire. Il est constant que la requérante a contesté, par courrier du 31 juillet 2015, ces rehaussements. Par suite, il incombe à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions en litige.
5. Pour reconstituer les recettes de la SARL New Good Foods, l'administration a calculé un coefficient de bénéfice brut à appliquer au montant des achats revendus. Toutefois, la comptabilité de la requérante n'assurant pas la traçabilité des produits de l'achat à la revente, comme elle le reconnaît elle-même dans ses écritures, l'administration a dû sélectionner des produits présentant un volume de vente significatif avec une désignation claire et non équivoque sur les factures d'achat et de revente afin de permettre le rapprochement. Cependant, compte tenu de la très grande amplitude des prix unitaires de vente figurant sur certaines factures établies par la société requérante, l'administration a calculé un prix de vente moyen par article, en écartant les prix de vente qu'elle a considérés comme aberrants. En se fondant sur les prix unitaires ainsi obtenus et sur les prix d'achat obtenus à partir d'un échantillon de 71 factures, l'administration a calculé des coefficients de bénéfice brut par article puis un coefficient de bénéfice brut moyen pondéré en fonction des volumes de vente de chaque article. Le chiffre d'affaires toutes taxes comprises de la SARL New Good Foods en 2012 et 2013 a été reconstitué en multipliant les achats réputés revendus par le coefficient de bénéfice brut obtenu à partir des données de l'année considérée. En se bornant à soutenir que l'identification et le suivi des produits de l'achat à la revente n'est pas possible et que les données du logiciel qui édite les factures de vente sont aberrantes, la requérante ne conteste pas utilement la méthode retenue par l'administration, eu égard à ces difficultés. En outre, la SARL New Good Foods ne peut utilement soutenir que les données utilisées pour la reconstitution de recettes proviendraient d'une sélection aléatoire et reposeraient sur de traitements subjectifs. Par ailleurs, si elle soutient que le vérificateur aurait dû retenir un abattement au titre des pertes subies, fixé à 10 %, eu égard à une étude de 2011 de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture sur les pertes et gaspillages alimentaires dans le monde, il résulte des termes de la proposition de rectification que plusieurs entretiens ont été organisés avec les gérants pour discuter des conditions d'exploitation de la société, laquelle n'a produit aucun élément tiré des conditions de son fonctionnement propre de nature à permettre à la cour de déterminer un pourcentage de pertes. Enfin si la requérante soutient que le vérificateur aurait dû reconstituer ses recettes à partir des seuls encaissements effectués sur les deux comptes bancaires de la société, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que l'ensemble de ses recettes auraient été encaissées sur ces deux comptes. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme justifiant que la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle elle a procédé n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire et n'a pas conduit à fixer des montants de recettes excessifs au titre de l'année 2012.
En ce qui concerne la reconstitution de recettes au titre de 2013 :
6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même code : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".
7. Il résulte de l'instruction que faute pour la société requérante d'avoir satisfait à ses obligations déclaratives en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013, les rectifications mises à sa charge à ce titre, l'ont été dans le cadre de la procédure de taxation d'office, en application des dispositions de l'article L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales. Par suite, en application des dispositions précitées des articles L. 193 et R. 193 de ce même code, la requérante ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions supplémentaires qu'elle conteste qu'en rapportant la preuve de leur exagération. A cette fin, et dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact du chiffre d'affaires et des bénéfices en résultant en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, elle peut, soit critiquer la méthode de reconstitution que l'administration a mise en oeuvre en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une méthode d'évaluation alternative aboutissant à des résultats plus satisfaisants.
8. La comptabilité de la société requérante a été reconstituée ainsi qu'il a été dit au point 5. En se bornant à soutenir que l'identification et le suivi des produits de l'achat à la revente n'est pas possible, que les données du logiciel qui édite les factures de vente sont aberrantes et que les données utilisées pour la reconstitution de recettes proviennent d'une sélection aléatoire et reposent de traitements subjectifs, la requérante n'établit que la méthode de reconstitution mise en oeuvre par l'administration serait imprécise ou excessivement sommaire. En outre, si la requérante soutient que le vérificateur n'a retenu aucun abattement au titre des pertes inhérentes à tout commerce de denrées alimentaires périssables et que ce pourcentage devrait être fixé à 10 % eu égard à une étude de 2011 de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture sur les pertes et gaspillages alimentaires dans le monde, l'étude produite porte sur le gaspillage alimentaire constaté tout au long de la filière alimentaire, par catégorie de produits, et par région du monde et ne permet pas de déterminer un taux propre à la requérante, eu égard à ses conditions d'exploitation au cours de l'année en litige. Par suite, la méthode retenue par l'administration ne peut être regardée comme manifestement viciée ou excessivement sommaire.
9. La SARL New Good Foods propose de reconstituer son chiffre d'affaires à partir des seuls encaissements observés sur le compte CIC de la société, sur lequel l'ensemble des recettes aurait été encaissé en 2013, et soutient que cette méthode conduit à un résultat proche de celui qui ressort de sa comptabilité. Toutefois, il est constant que la comptabilité de la requérante a été écartée comme non probante. En outre, la circonstance que de très nombreuses remises de chèques et d'espèces apparaissent au crédit de ce compte bancaire est insuffisante à justifier que l'ensemble des recettes a été encaissé sur ce compte bancaire et que seules ces recettes l'ont été. Par suite, cette méthode alternative ne saurait être regardée comme permettant d'évaluer son chiffre d'affaires de manière plus précise ou réaliste que la méthode retenue par l'administration.
10. Si la SARL New Good Foods demande, à titre subsidiaire, que soit appliqué un coefficient de 10 % au titre des pertes de produits alimentaires périssables, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la requérante ne justifie pas d'un tel abattement, au regard à ses conditions d'exploitation au cours de l'année en litige.
11. Enfin, si la requérante demande la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013, ainsi que celle des rectifications d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012, 2014 et 2015, elle ne produit aucun moyen au soutien de ses conclusions.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / [...] ".
13. La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et son intention délibérée d'éluder l'impôt.
14. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré mise à la charge de la SARL New Good Foods au titre de l'année 2012, l'administration fiscale s'est fondée sur l'importance de la minoration de recettes qui s'élevait à 549 786 euros au titre de cet exercice et à la circonstance qu'un professionnel du commerce de gros, tel que l'est la requérante, ne pouvait ignorer les principales règles fiscales s'appliquant à l'activité d'achat revente, telles que la comptabilisation de l'ensemble des recettes et leur justification. La circonstance que la méthode de reconstitution alternative qu'elle propose permet d'aboutir à un résultat proche de celui qu'elle a déclaré, est, à cet égard, sans incidence, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 8, la méthode alternative proposée par la requérante ne peut être regardée comme suffisamment fiable ou précise et que, au demeurant, elle ne saurait justifier les manquements ayant conduit le service vérificateur à écarter la comptabilité de la société. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements commis par la SARL New Good Foods.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL New Good Foods n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL New Good Foods est rejetée.
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N° 18VE04090