Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2016, MmeA..., représentée par Me Partouche-Kohana, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler les décisions attaquées ;
3° d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et ce dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil,
Me Partouche-Kohana, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Mme A...soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- il est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation au regard de l'article 1er du 11 juillet 1979 ;
- le préfet a commis une erreur de droit en n'admettant pas le caractère habituel de sa résidence en France depuis 2013 alors qu'elle produit des documents dont la force probante est incontestable ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation au regard de l'article 1er du 11 juillet 1979 ;
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995 et le décret n° 2002-337 du 5 mars 2002, portant publication de ladite convention ;
- le décret n° 2009-1073 du 26 août 2009 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé à Dakar le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord signé à Dakar le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruno-Salel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante sénégalaise née le 7 septembre 1984, demande l'annulation du jugement du 10 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la
Seine-Saint-Denis du 5 mai 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays dans lequel elle pourra être renvoyée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que la requérante faisait valoir dans sa requête de première instance que le refus de titre de séjour était insuffisamment motivé aux motifs notamment qu'il comportait une erreur sur sa date d'entrée en France, la date de naissance de son enfant et le caractère irrégulier de son entrée et qu'il ne citait pas les documents probants qu'elle avait produit pour justifier de sa résidence habituelle en France et de son intégration professionnelle : que, toutefois, les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante ni de citer l'ensemble des documents qu'elle a produit à l'appui de sa demande, ont considéré que la décision de refus de séjour attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent, était suffisamment motivé " quand bien même elle mentionnerait par erreur que Mme A...est entrée en France irrégulièrement le 11 novembre 2012 alors qu'il ressort des mentions de son passeport qu'elle est entrée régulièrement en France le 14 novembre 2012 et que son enfant est né le 14 novembre 2012 alors qu'il ressort de son acte de naissance qu'il est né le 14 septembre 2013 " ; que la requérante faisait valoir également valoir dans sa requête de première instance que la décision de refus de séjour était entachée d'erreurs de fait ; que les premiers jugements ont considéré à cet égard que " la circonstance que la décision attaquée soit entachée d'erreurs matérielles est, en l'espèce, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que le préfet de la
Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision même s'il avait indiqué une entrée régulière en France et la naissance de l'enfant de Mme A...le 14 septembre 2013 " ; qu'ainsi, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement ;
Sur la légalité de la décision de refus de lui délivrer un titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
5. Considérant que la décision litigieuse vise notamment l'article L. 313-14 et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision attaquée mentionne qu'il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de l'intéressée qu'elle peut bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité car si elle déclare être entrée en France irrégulièrement le 11 novembre 2012 et s'y maintenir depuis, elle ne justifie pas de la réalité de cette date ni de sa résidence habituelle sur le territoire français de manière probante avant 2013, et ne peut donc se prévaloir d'une longue présence sur le territoire, qu'au surplus, célibataire et mère d'un enfant en bas-âge né le 14 novembre 2012, elle ne fait valoir aucune attache familiale en France et ne justifie pas d'obstacle à poursuivre sa vie familiale dans son pays où elle n'établit pas être isolée et qu'elle ne justifie pas d'une insertion professionnelle ; que le préfet indique que pour ces mêmes raisons, l'intéressée ne peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que la décision de refus de séjour énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée ; que la circonstance que le préfet ait pu commettre des erreurs de fait dans l'analyse de la situation de MmeA... n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision manque en fait et doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ; que les stipulations du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code ;
7. Considérant que si Mme A...fait valoir qu'elle réside en France depuis
novembre 2012 avec son enfant né sur le territoire le 14 septembre 2013 et qu'elle a travaillé en février 2015 comme aide-cuisinière, elle ne justifie pas d'une réelle insertion professionnelle lui permettant de subvenir à ses besoins ni d'attaches qu'elle aurait développé en France ni qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays où elle a elle-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans ; que ces circonstances ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande tendant à la délivrance, sur le fondement de ces dispositions, d'une carte de séjour temporaire portant la mention
" vie privée et familiale ", le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 en question ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et qu'en vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)
7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;
9. Considérant que, pour les motifs de fait énoncés au point 7, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à Mme A...un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
11. Considérant que pour les motifs de fait énoncés au point 7, et eu égard au très jeune âge de son enfant et à l'absence d'obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté l'attention requise à l'intérêt supérieur de son enfant ; par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui vient d'être dit, que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme A...;
Sur la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :
13. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens selon lesquels la décision attaquée lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente et qu'elle est insuffisamment motivée ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
14. Considérant, en deuxième lieu, que pour les motifs de fait énoncés au point 7, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme A...;
15. Considérant, en dernier lieu, que pour les motifs de fait énoncés aux points 7 et 11, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
16. Considérant que quand bien même Mme A...ne serait pas rentrée au Sénégal depuis plus de trois ans, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la
Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme A...;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, d'astreinte, et celles tendant à l'application de des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
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N° 16VE01971