Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- M. A...n'a pas établi qu'il aurait fait l'objet en Autriche d'une décision définitive d'éloignement dont l'exécution serait inévitable ; les autorités autrichiennes évalueront les risques réels encourus du seul fait de son retour en Afghanistan ; l'intéressé n'allègue pas ni n'établit qu'il ne pourrait pas présenter une demande de réexamen en Autriche ;
- l'intéressé n'apporte aucun élément probant montrant qu'il serait effectivement originaire de la province de Nangarhar ; il n'établit pas davantage encourir des risques en cas d'un simple transit par Kaboul.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Geffroy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., né le 4 novembre 1992, de nationalité afghane, est entré irrégulièrement en France en 2018 pour y solliciter l'asile. Par un arrêté du 28 septembre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa remise aux autorités autrichiennes en leur qualité d'autorités de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Le préfet des Hauts-de-Seine relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...)Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. ".
3. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...)/ Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat.". Aux termes de l'article L. 712-1 du même code : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : (...) c) S'agissant d'un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. ". Il appartient, en outre, en tout état de cause, aux autorités titulaires du pouvoir de police générale, garantes du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine, de veiller, notamment, à ce que le droit de toute personne à ne pas être soumise à des traitements inhumains ou dégradants soit garanti et de prendre toute mesure en ce sens.
4. L'arrêté litigieux est notamment fondé sur le motif tiré de ce que M. A..." n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Afghanistan ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien l'intéressé a informé le préfet que l'Autriche avait rejeté sa demande d'asile, rejet définitif confirmé sur pièces à l'audience tenue devant le tribunal ainsi qu'en appel. Il résulte des sources publiquement disponibles, détaillées par la demande de première instance, retenues par le jugement attaqué, notamment le rapport publié par la mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (UNAMA) au mois de février 2018, que la situation dans la région et dans la ville même de Kaboul, ville par laquelle l'intéressé est tenu de transiter, est susceptible d'être qualifiée de violence aveugle résultant d'un conflit armé interne au sens de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la protection subsidiaire. Dans ces conditions, pour décider, plutôt que de l'autoriser à enregistrer sa demande en France, de transférer M. A...en Autriche, le préfet des Hauts-de-Seine, qui ne soutient pas ni même n'allègue, avoir vérifié que M. A...ne serait pas renvoyé vers son pays d'origine sans une évaluation des risques encourus, a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des textes précités relatifs au droit de tout Etat d'examiner lui-même une demande de protection internationale, quand bien même cette demande relèverait de la compétence d'un autre Etat. Le préfet des Hauts-de-Seine n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de transfert litigieuse.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 septembre 2018.
6. Le présent arrêt confirme le jugement attaqué du magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise annulant l'arrêté du 28 septembre 2018 du préfet des Hauts-de-Seine et enjoignant à ce dernier ou au préfet territorialement compétent, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement en cause, d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile. Il n'implique donc pas d'autre mesure d'exécution que celle ainsi prononcée par le premier juge. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions susvisées d'injonction présentées par M.A....
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser au conseil de M.A..., au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Hauts-de-Seine est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Lerein, avocate de M.A..., une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
N° 18VE03943 2