Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2017, M.A..., représenté par la société Inter-Barreaux C.R.T.D et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600283 du 18 mai 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler la décision du 28 avril 2016 et l'arrêté du 10 août 2009 ;
3°) d'enjoindre au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 608 368 euros, assortie des intérêts au taux légal capitalisés, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de sa révocation ;
5°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le mémoire en défense de la Nouvelle-Calédonie ne lui a pas été communiqué ;
- les premiers juges ont méconnu leur office dès lors qu'ils n'ont pas examiné la légalité de la décision du 28 avril 2016 en se référant aux motifs de la révocation prononcée le 10 août 2009 et aux pièces de la procédure disciplinaire ;
- le jugement de relaxe dont il a bénéficié, qui s'impose au juge administratif, remet en cause les faits retenus pour le révoquer ;
- les motifs de ce jugement ont pour conséquence qu'il ne peut être regardé comme l'auteur d'une faute justifiant la sanction de la révocation ;
- en raison de l'illégalité de sa révocation, il a droit à la réparation du préjudice financier, égal au traitement dont il aurait bénéficié, déduction faite des rémunérations perçues en métropole, et du préjudice moral, constitué par l'atteinte portée à sa réputation professionnelle et à son honneur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2018, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SELARL Milliard-Million, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de liaison du contentieux ;
- les moyens soulevés par le requérant sont infondés.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2009, en raison de leur tardiveté.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code pénal ;
- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;
- la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux ;
- la délibération n° 139/CP du 26 mars 2004 portant statut des praticiens des établissements hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement :
1. En première instance, le président du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, par une ordonnance du 17 janvier 2017, a fixé la clôture d'instruction au 31 janvier 2017 à 15 heures. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'avait auparavant pas réagi à la communication de la demande de M.A..., a produit un mémoire en défense le 30 janvier 2017. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour que, par une lettre datée du 2 février 2017, le greffe du Tribunal administratif a communiqué ce mémoire à la société d'avocats représentant M.A..., ce qui valait réouverture de l'instruction. D'après l'avis de réception et les mentions figurant sur l'enveloppe renvoyée à l'expéditeur, le pli recommandé contenant ce mémoire a été présenté le 9 février 2017 à l'adresse de cette société d'avocats, qui ne l'a pas réclamé bien qu'elle ait été avisée de cette présentation. Le mémoire en défense doit ainsi être regardé comme ayant été notifié, conformément aux exigences de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure contentieuse doit dès lors être écarté.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2009 :
2. En vertu des dispositions combinées des articles R. 421-1, R. 421-6 et R. 421-7 du code de justice administrative, dans leur rédaction alors en vigueur, M.A..., qui habitait en métropole, disposait d'un délai de recours de quatre mois pour saisir le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté du 10 août 2009 du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie prononçant sa révocation.
3. Le délai de recours commence, en principe, à courir à compter de notification complète et régulière de l'acte attaqué. Toutefois, à défaut, il court, au plus tard, à compter, pour ce qui concerne un demandeur donné, de l'introduction de son recours contentieux contre cet acte.
4. Selon le point 12 de l'arrêt nos 10PA00444, 11PA01279, 11PA01280 du 2 octobre 2012, M. A...dans un mémoire enregistré le 30 juillet 2010, a demandé à la Cour l'annulation de l'arrêté du 10 août 2009. Ces conclusions, révélant la connaissance qu'avait M. A...de cet acte, qui mentionnait le délai de recours contentieux, ont fait courir le délai mentionné au point 2. Les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2009 présentées par M. A...dans la demande enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie le 8 août 2016 sont par suite irrecevables en raison de leur tardiveté.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :
5. En vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision.
6. Dans sa lettre datée du 13 novembre 2015, reçue par la Nouvelle-Calédonie au plus tôt le 7 décembre 2015, M. A...n'a pas demandé le versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 10 août 2009. Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, dans son mémoire en défense de première instance, avant sa défense au fond, a opposé aux conclusions indemnitaires de M. A...une fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux. Ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur la légalité de la décision du 28 avril 2016 :
7. M.A..., praticien hospitalier titulaire, qui exerçait des fonctions d'anesthésiste au centre hospitalier territorial de Nouméa, a fait l'objet d'une révocation à titre disciplinaire par un arrêté du 10 août 2009. Cet arrêté est motivé par les manquements à ses obligations professionnelles dans le cadre de la prise en charge d'un patient qui est décédé le 1er août 2008 des suites d'une intervention chirurgicale.
8. M.A..., à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile des héritiers du patient décédé, a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nouméa comme prévenu notamment du délit d'homicide involontaire prévu par l'article 221-6 du code pénal. Par un jugement du 17 novembre 2014 devenu définitif, le tribunal correctionnel de Nouméa l'a relaxé. A la suite de ce jugement, par une lettre datée du 13 novembre 2015, M.A..., estimant que le juge pénal ne l'avait pas déclaré responsable du décès du patient, a demandé au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de revenir sur sa révocation et de le réintégrer dans ses fonctions.
9. La personne qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire a droit à ce que sa situation soit réexaminée en vue, notamment, de sa réintégration dans son grade, lorsque les faits qui ont motivé la sanction et qui avaient fait l'objet de poursuites pénales ont donné lieu à un jugement de relaxe.
10. Pour relaxer M. A...du délit d'homicide involontaire, le tribunal correctionnel a décidé qu'il était suffisamment établi par la seconde des expertises ordonnées dans le cadre de l'instruction, celle confiée au docteurB..., que le prévenu n'avait pas directement causé le décès de M.A.... Il a également décidé qu'il ne pouvait être regardé comme punissable, au sens de l'article 121-3 du code pénal. Il a cependant relevé que si l'expertise de M. B...contenait des conclusions selon lesquelles les agissements de M. A...avaient concouru à un retard dans la mise en oeuvre d'un traitement adapté, ces agissements ne peuvent entraîner sa condamnation car ils ne " constituent pas la perte de chance exclusive pour le patient d'éviter l'issue fatale ".
11. Le juge pénal n'a ainsi pas exclu que les manquements de M. A...a ses obligations professionnelles aient contribué à faire perdre au patient une chance d'éviter le décès survenu le 1er août 2008. Il résulte de l'expertise du docteur B...que M.A..., en ne se renseignant pas suffisamment sur l'état de santé du patient, avant de l'anesthésier au masque, le 1er août 2008, avant l'intervention chirurgicale consistant à extraire la lame du drain ayant pénétré dans son abdomen et ne procédant pas à une intubation immédiate avec ventilation contrôlée, lorsque des éléments anormaux sont apparus à la suite de cette intervention, a été l'auteur de tels manquements, même s'ils révèlent aussi un manque de cohésion de l'équipe médicale qui ne lui est pas exclusivement imputable. En maintenant la révocation de M.A..., compte tenu de la nature des fonctions exercées par l'intéressé, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne peut dès lors être regardé comme ayant confirmé une sanction disciplinaire disproportionnée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDINLe greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02482 2