Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2017, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1607441 du 17 janvier 2017 ;
2° de rejeter la demande de MmeF....
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté contesté, dès lors que les articles R. 311-2-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la proportionnalité de la mesure de police contestée devant être appréciée au regard de la ou des finalités recherchées par le pouvoir réglementaire ;
- le règlement n° 1030/2002 du 13 juin 2002 n'exclut pas la mémorisation des empreintes digitales dans une base ;
- le recueil des empreintes digitales des dix doigts est nécessaire au fonctionnement et à l'interopérabilité du fichier AGDREF 2 qui vise, outre l'authentification des documents, l'identification des personnes ;
- l'intéressée n'était pas fondée, en l'absence d'impossibilité physique, à refuser de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ;
- l'autorité préfectorale ne dispose, s'agissant de la formalité en cause, d'aucun pouvoir d'appréciation, mais est placée en situation de compétence liée.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants des pays tiers, dans sa rédaction issue du règlement (CE) n° 380/2008 du 18 avril 2008 ;
- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guével,
- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeA..., pour MmeF....
1. Considérant que MmeF..., ressortissante russe, entrée en France le 13 décembre 2011, a obtenu une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " que le préfet des Hauts-de-Seine n'a toutefois pas renouvelée par un arrêté du
27 juin 2016 portant obligation de quitter le territoire français ; qu'elle relève appel du jugement n° 1607441 en date du 17 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté ci-dessus ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers, non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 311-1 peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 311-2-1 du même code : " La délivrance ou le renouvellement du titre de séjour à un étranger est subordonné(e) à la collecte, lors de la présentation de sa demande, des informations le concernant qui doivent être mentionnées sur le titre de séjour selon le modèle prévu à l'article R. 311-13-1, ainsi qu'au relevé d'images numérisées de sa photographie et, sauf impossibilité physique, des empreintes digitales de ses dix doigts aux fins d'enregistrement dans le traitement automatisé mentionné à l'article R. 611-1. " ; qu'aux termes de l'article R. 311-13-1 : " Le titre de séjour est établi selon un modèle conforme au modèle prévu par le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers et son annexe, modifié par le règlement (CE) n° 380/2008 du Conseil du 18 avril 2008. Il comporte les mentions énumérées au A de la section 2 de l'annexe 6-4 au présent code, et un composant électronique contenant les données à caractère personnel énumérées au A de la section 3 de la même annexe. " ; que selon le A de la section 2 de l'annexe 6-4, le composant électronique du titre de séjour contient notamment les images numérisées de deux empreintes digitales ; qu'aux termes de l'article R. 611-1 : " Est autorisée la création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé AGDREF2 (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), relevant du ministre chargé de l'immigration. Ce traitement a pour finalités de garantir le droit au séjour des ressortissants étrangers en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers en France des ressortissants étrangers et, à cet effet : 1° De permettre aux services centraux et locaux du ministère dont relève le traitement d'assurer l'instruction des demandes et la fabrication des titres de séjour des ressortissants étrangers, de leurs titres de voyage et des documents de circulation délivrés aux ressortissants étrangers, ainsi que la gestion de leurs dossiers respectifs ; 2° De mieux coordonner l'action des services chargés de mettre en oeuvre des procédures intéressant les ressortissants étrangers ; 3° D'améliorer les conditions de vérification de l'authenticité des titres de séjour et celles de l'identité des étrangers en situation irrégulière ; 4° De permettre la gestion des différentes étapes de la procédure applicable aux mesures d'éloignement ; 5° D'établir des statistiques en matière de séjour et d'éloignement des ressortissants étrangers. Le traitement peut être consulté et mis en relation avec d'autres traitements concernant les procédures intéressant les ressortissants étrangers. " ; qu'aux termes de l'article R. 611-2 : " Le traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 611-1 comporte les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des étrangers suivants : 1° Etrangers demandeurs ou titulaires d'un titre de séjour, d'un titre de voyage d'une durée de validité supérieure à un an ou de la carte de frontalier mentionnée à l'annexe 6-4 ;/(...) ; L'impossibilité de collecte totale ou partielle des empreintes digitales est mentionnée dans le traitement. Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de l'image numérisée de la photographie. " ;
4. Considérant que l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit le recueil, la conservation et le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie des ressortissants étrangers mentionnés par cet article, notamment ceux qui sollicitent un titre de séjour, sont en situation irrégulière ou font l'objet d'une mesure d'éloignement ; que le relevé et la mémorisation des empreintes digitales de certains ressortissants étrangers et la possibilité d'un traitement automatisé de ces informations dans les conditions prévues par les articles R. 311-2-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, conformément aux garanties prévues par la loi du 6 janvier 1978, justifiés par la protection de l'ordre public et les objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur, ne portent pas dans ces conditions une atteinte excessive à la protection de la vie privée garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme F...a refusé de se soumettre à la collecte de ses empreintes digitales à l'occasion de l'instruction de sa demande de renouvellement de carte de séjour temporaire, sans établir ni même alléguer une impossibilité physique qui aurait pu l'en exempter comme le prévoient les dispositions de l'article R. 311-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que dans ces circonstances, le préfet des Hauts-de-Seine a pu légalement retenir, pour rejeter la demande précitée, le motif tiré de la résistance de l'intéressée à se conformer à l'obligation du relevé des empreintes de ses
dix doigts, au respect de laquelle sont notamment subordonnés la délivrance comme le renouvellement du titre de séjour à un étranger conformément aux dispositions de l'article R. 311-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet des Hauts de Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise s'est fondé sur le motif tiré de l'inconventionnalité des articles R. 311-2-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 27 juin 2016 ;
5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F...tant devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise que devant la cour ;
Sur les autres moyens invoqués par Mme F...en première instance et en appel :
6. Considérant que l'arrêté du 27 juin 2016 est signé de M. E...D...,
sous-préfet d'Antony et de Boulogne-Billancourt, auquel le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation, par arrêté n° MCI n°2016-32 du 24 mai 2016 publié le 27 mai 2016 au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, actes et correspondances en toutes matières, sauf exceptions au nombre desquelles ne figurent pas les décisions attaquées portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence manque en fait ;
7. Considérant que l'arrêté contesté du 27 juin 2016 du préfet des Hauts-de-Seine comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
8. Considérant que Mme F...fait valoir qu'elle réside en France depuis décembre 2011 et y vit depuis lors avec M.C..., ressortissant israélien, avec lequel elle conclut un Pacs en 2011 avant de l'épouser le 24 septembre 2015, et qu'elle attend un enfant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine a refusé, par un arrêté du même jour, d'accorder à son conjoint le renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir à l'encontre des décisions attaquées, qui ne fixent par elles-mêmes aucun pays de destination, de la circonstance que M. C...et elle-même sont de deux nationalités différentes ; qu'ainsi, ces décisions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de la vie privée et familiale ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ; que, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté ;
9. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 4 bis du règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 susvisé : " le modèle uniforme de titre de séjour comporte un support de stockage contenant une image faciale et deux images d'empreintes digitales du titulaire " ; qu'aux termes de l'article 4 ter du même règlement : " les Etats membres relèvent les identifications biométriques, comprenant l'image faciale et deux empreintes digitales, des ressortissants des pays tiers " et " les identificateurs biométriques suivants sont collectés : une photographie fournie par le demandeur ou prise au moment de la demande, et deux empreintes digitales relevées à plat et numérisées " ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que le titre de séjour délivré par les autorités françaises, dont le composant électronique contient notamment les images numérisées de deux empreintes digitales, est établi conformément au modèle prévu par le règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002, modifié en 2008, établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers et son annexe ; que
Mme F...soutient qu'en tant qu'elles prévoient la collecte, la conservation et le traitement automatisé des empreintes digitales des dix doigts du ressortissant étranger demandeur de titre de séjour, les dispositions des articles R. 311-2-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux dispositions des articles 4 bis et 4 ter du règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 modifié ; que, toutefois, ces dispositions, qui limitent à deux empreintes digitales le relevé des identifications biométriques des ressortissants des pays tiers en vue de l'établissement de leur titre de séjour, ne font pas obstacle à la collecte des empreintes digitales des dix doigts des ressortissants étrangers, destinée à garantir l'efficacité de la lutte contre la fraude et à faciliter les démarches des usagers souhaitant renouveler leur titre de séjour ou en obtenir un duplicata, notamment en permettant l'identification des personnes comme l'authentification des documents ; qu'ainsi, la collecte des images numérisées du visage et des empreintes digitales des dix doigts des ressortissants étrangers, dans les conditions prévues par les dispositions précitées des articles R. 311-2-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu des restrictions et précautions dont ce traitement est assorti, est adéquate, pertinente et non excessive par rapport aux finalités légitimes du traitement ainsi institué ; que par suite les dispositions des articles R. 311-2-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas contraires aux dispositions des articles 4 bis et 4 ter du règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 modifié ;
11. Considérant que Mme F...ne peut utilement se prévaloir des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), dès lors que ce règlement est, aux termes de son article 99, applicable à partir du 25 mai 2018, soit postérieurement à la décision attaquée du 27 juin 2016 ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes de l'arrêté contesté, que le préfet des Hauts-de-Seine, qui n'était pas placé en situation de compétence liée, a, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de MmeF... ;
13. Considérant que, pour les motifs exposés aux points ci-dessus, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'est pas privée de base légale et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce que précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la mesure d'instruction sollicitée, que la demande de Mme F...présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par MmeF... :
15. Considérant que le présent arrêt qui rejette la demande de Mme F...n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à verser à Mme F...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1607441 du 17 janvier 2017 du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme F...devant le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise et ses conclusions d'appel sont rejetées.
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N° 17VE00557