Cergy-Pontoise a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 septembre 2015 et 2 mémoires enregistrés les 19 et
20 octobre 2015, le DEPARTEMENT DU VAL-D'OISE, représenté par Me Bazin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande du préfet du Val-d'Oise ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le DEPARTEMENT DU VAL-D'OISE soutient que :
- le courrier du 30 juin 2014 ne présente pas de caractère réglementaire et ne contient qu'une orientation insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et que le jugement est donc irrégulier en ce qu'il n'a pas jugé que la demande était irrecevable ;
- l'article L. 121-7-8 du code de l'action sociale et des familles donne à l'Etat compétence pour la prise en charge de toute personne sans abri ou en situation de détresse ;
- la seule absence de logement d'une femme enceinte ou d'une mère accompagnée d'un enfant de moins de trois ans ne suffit pas à présumer l'existence de difficultés rendant automatique la prise en charge par les services départementaux d'aide sociale à l'enfance ;
- la prise en charge par les services du département ne peut se faire qu'après une évaluation préalable des situations.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Colrat,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant Me Bazin, pour le DEPARTEMENT DU VAL-D'OISE.
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant que l'interprétation que, par voie notamment de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ;
2. Considérant que par l'instruction portée à la connaissance du préfet du département par le courrier en date du 30 juin 2014, le président du conseil général du Val-d'Oise a ordonné aux services de cette collectivité territoriale de n'instruire les demandes d'hébergement d'urgence présentées par les femmes enceintes et mères d'enfants de moins de trois ans que si elles ont fait l'objet de l'information préoccupante prévue à l'article L. 221-5 1° du code de l'action sociale et des familles ; qu'en ajoutant ce critère non prévu par les textes applicables sans qu'il puisse y être dérogé pour tenir compte des situations individuelles ou de motifs d'intérêt général, le président du conseil général du Val-d'Oise doit être regardé comme ayant donné à l'instruction litigieuse un caractère impératif susceptible d'ouvrir à son encontre la faculté d'exercer un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, le DEPARTEMENT DU VAL-D'OISE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré recevable la demande du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation de ladite instruction ;
Sur le fond du litige :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-7 du code de l'action sociale et des familles : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 " ; qu'aux termes de l'article L. 345-1 du même code : " Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " (....) les prestations d'aide sociale à l'enfance mentionnées au présent chapitre sont accordées par décision du président du conseil général du département où la demande est présentée " ; qu'aux termes de l'article
L. 222-2 du même code : " L'aide à domicile est attribuée sur sa demande, ou avec son accord, à la mère, au père ou, à défaut, à la personne qui assume la charge effective de l'enfant, lorsque la santé de celui-ci, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent et, pour les prestations financières, lorsque le demandeur ne dispose pas de ressources suffisantes (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 222-3 de ce code : " L'aide à domicile comporte (...) : (...) le versement d'aides financières, effectué sous forme soit de secours exceptionnels, soit d'allocations mensuelles, à titre définitif ou sous condition de remboursement, éventuellement délivrés en espèces " ; qu'aux termes de l'article L. 222-4 du même code : " Les secours et allocations mensuelles d'aide à domicile sont incessibles et insaisissables. Toutefois, à la demande du bénéficiaire, ils peuvent être versés à toute personne temporairement chargée de l'enfant (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 222-5 du code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil général : (...) 4° Les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu'elles sont sans domicile (...) " ;
5. Considérant que s'il résulte des dispositions précitées des articles L. 121-7 et L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles que sont en principe à la charge de l'Etat les mesures d'aide sociale relatives à l'hébergement des familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques ou de logement, la prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin, notamment parce qu'elles sont sans domicile, d'un soutien matériel et psychologique incombe au département au titre de l'aide sociale à l'enfance en vertu de l'article L. 222-5 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'Etat serait seul compétent pour la prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées d'enfants de mois de trois ans demandant à bénéficier d'un hébergement d'urgence doit être écarté ;
6. Considérant que l'annulation par les premiers juges de l'instruction litigieuse au motif de ce que le président du conseil général du Val-d'Oise n'était pas compétent pour ajouter aux textes législatifs applicables pour définir les modalités de prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées d'enfants de moins de trois ans un critère de transmission d'une information préoccupante au sens de l'article L. 221-5 1° du code de l'action sociale et des familles n'a pas pour effet de priver cette collectivité territoriale de la possibilité de procéder à une évaluation individuelle de la situation globale des personnes concernées ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'absence de logement ne saurait impliquer une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et de ce qu'une telle prise en charge ne peut intervenir qu'après une évaluation des situations individuelles sont sans influence sur le bien-fondé du jugement attaqué ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DU
VAL-D'OISE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'instruction du président du conseil général du
Val-d'Oise en date du 30 juin 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DU VAL-D'OISE est rejetée.
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N° 15VE02924