Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mars 2014, et un mémoire complémentaire enregistré le 3 juin 2014, M.B..., représenté par la SCP Didier et Pinet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3° d'enjoindre au maire de la commune de Sermaise d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal la question de l'abrogation de l'emplacement réservé institué sur les parcelles cadastrées C1430 et C1431 ;
4° de mettre à la charge de la commune de Sermaise le versement de la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dans la mesure où tous les mémoires produits par la commune ne lui ont pas été communiqués ; les premiers juges n'ont pas davantage suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que la commune n'avait pas l'intention d'aménager un espace vert sur ses parcelles ;
- la délibération du 17 juin 1998 méconnaît les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme en l'absence de concertation préalable, une enquête auprès des habitants ne pouvant en tenir lieu, et le conseil municipal n'ayant pas délibéré sur les objectifs poursuivis par la révision ni sur les modalités de la concertation, de sorte qu'il ne peut être déterminé si la commune a respecté les modalités qu'elle avait fixées ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en retenant que ses parcelles se situaient en bordure du centre-bourg alors que la commune elle-même reconnaissait dans ses écritures qu'elles se situaient en centre-bourg ; ils ont également entaché leur jugement d'une erreur de droit en ne recherchant pas si les indices qu'il invoquait relevaient une absence manifeste d'intention de réaliser l'aménagement litigieux sur ses parcelles ;
- la décision de créer et de maintenir ses parcelles, situées en centre-bourg, en emplacement réservé pour la création d'un espace vert sur un territoire se trouvant à l'état naturel à 91 %, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'intention de la commune d'aménager ses parcelles n'est pas avérée, ou, à tout le moins, a été abandonnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2014, la commune de Sermaise, représentée par Me Rolin (SELARL Atys), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme est irrecevable en application de l'article L. 600-1 du même code, le plan d'occupation des sols contesté ayant pris effet plus de 6 mois avant l'enregistrement de la requête ;
- les parcelles du requérant se trouvent bien en bordure de Sermaise ;
- les premiers juges ont à bon droit recherché les indices manifestant la volonté de la commune de réaliser l'aménagement considéré, lequel n'avait pas à être précisément défini ; elle a au demeurant accepté en avril 2011 de procéder à l'acquisition de ses parcelles ;
- aucune erreur manifeste d'appréciation ne peut être retenue.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 30 avril 2015, M. B...conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et ajoute que :
- l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme n'est pas opposable dans le cadre d'un litige portant sur la demande d'abrogation du document d'urbanisme ;
- la commune ne conteste pas le bien-fondé de ses moyens de légalité externe alors que l'absence de concertation a privé les administrés d'une garantie ;
- le prix proposé par la commune pour l'achat de ses parcelles étant dérisoire, elle devait s'attendre à ce qu'il ne l'accepte pas mais elle n'a cependant pas saisi le juge de l'expropriation.
Par une ordonnance en date du 21 mai 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au
18 juin 2015 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., exploitant agricole, est propriétaire de deux parcelles C 1430 et C1431, anciennement ZA 7a et ZA 8, d'une superficie totale de 8 210 m2 que la commune de Sermaise a classées, lors de l'adoption, le 4 décembre 1986, de son plan d'occupation des sols, en emplacement réservé pour un équipement scolaire ; qu'à l'occasion de l'adoption du nouveau plan d'occupation des sols le 17 juin 1998, ces parcelles, classées en
zone ND, sont demeurées affectées à un emplacement réservé en vue, cette fois, de l'aménagement d'espaces verts paysagers ; que M. B...a saisi le maire de la commune de Sermaise, le 9 novembre 2011, d'une demande tendant à l'abrogation de cette dernière délibération ; que le maire de la commune de Sermaise n'ayant pas donné suite à cette demande dans un délai de deux mois, une décision implicite de rejet est née dont M. B... a demandé l'annulation pour excès de pouvoir ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Sermaise a produit un seul mémoire en défense, lequel a été communiqué à M.B... ; que, par suite, le moyen soulevé par l'intéressé tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure en ce que l'ensemble des mémoires ne lui auraient pas été communiqués manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant, d'autre part, que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à chacun des arguments avancés par le requérant à l'appui de son moyen tiré de ce que la création de l'emplacement réservé serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation du fait de l'absence d'intention de la commune de créer un espace vert paysager sur les parcelles en cause, ont suffisamment motivé leur réponse à son moyen ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme aux termes desquelles l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un plan d'occupation des sols ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet de ce document, n'ont ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité ouverte à tout requérant de demander l'abrogation d'actes réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former des recours pour excès de pouvoir contre d'éventuelles décisions de refus explicites ou implicites ; que la commune ne peut donc utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre d'un recours dirigé contre un refus d'abrogation partielle d'un plan local d'urbanisme ;
5. Considérant toutefois que les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme qui, dans leur rédaction applicable à la date de la délibération du 17 juin 1998 portant révision du plan d'occupation des sols, prévoient que la concertation mise en place par le conseil municipal doit associer les habitants, les associations et les autres personnes concernées lorsque la révision du plan d'occupation des sols ouvre à l'urbanisation tout ou partie d'une zone d'urbanisation future, ne peuvent utilement être invoquées à l'encontre de la délibération litigieuse en tant qu'elle crée un emplacement réservé sur les parcelles de M.B..., lesquelles n'ont pas été ouvertes à l'urbanisation par l'effet de la révision mais ont été classées en zone ND ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les plans d'occupation des sols peuvent, aux termes du 8° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme en vigueur à la date de révision du plan d'occupation des sols, repris par les dispositions du 8° de l'article L. 123-1-5 dudit code dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée, " fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts " ;
7. Considérant qu'il ressort du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Sermaise issu de la révision litigieuse que l'emplacement réservé n° 3 a été créé sur les parcelles C 1430 et C1431 pour permettre l'aménagement d'espaces verts paysagers ;
8. Considérant, d'une part, que ces parcelles, ainsi qu'il a été dit, se situent en zone ND que l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme alors en vigueur définissait comme une zone " à protéger en raison, d'une part, de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique " ; qu'elles se situent sur la route de la Charpenterie à l'entrée du centre bourg et, n'étant pas bâties, offrent un point de vue, en venant de cette route ou au débouché de la route de Blancheface, sur un site constitué d'un manoir du XVIII siècle entouré d'espaces boisés classés et d'espaces verts qui, pour ne pas être mentionné dans le plan d'occupation des sols ou le site internet de la commune, n'en constitue pas moins un bâtiment de qualité situé près du centre bourg que la commune a entendu mettre en valeur par l'aménagement d'espaces verts paysagers ; que si le rapport de présentation n'explicite pas plus avant les raisons de la création de cet emplacement réservé sur les deux parcelles de M. B..., il ressort cependant de ce rapport que la commune de Sermaise est un hameau au " caractère rural très fort ", qu'elle " offre un lieu privilégié pour la détente, la chasse et les randonnées pédestres par la proximité immédiate de la forêt et des champs " et que la commune a entendu préserver " son caractère villageois et ses particularités paysagères " ; qu'ainsi, ce choix est fondé sur la situation particulière des parcelles de M. B...et sur des motifs d'urbanisme même si la commune présente un caractère rural et est dotée de nombreux espaces verts ; que la circonstance que les parcelles de M. B...aient été classées dans le précédent plan d'occupation des sols en emplacement réservé pour la construction de bâtiments scolaires ne suffit pas à établir l'absence de volonté de la commune, à l'occasion de l'adoption de son nouveau plan d'occupations des sols, de créer des espaces verts paysagers sur les parcelles concernées ; qu'enfin l'absence d'intention de la commune de créer des espaces verts paysagers sur les deux parcelles du requérant n'est pas établie par le défaut de mise en oeuvre de ce projet depuis l'adoption du plan d'occupation des sols ou par son choix d'acquérir ces terrains par la voie amiable ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier qu'à l'occasion de la révision de son plan d'occupation des sols en 2012 la commune de Sermaise, dans le cadre du débat sur les orientations du plan d'aménagement et de développement durable a réaffirmé que " plusieurs points de vue offrent de belles perspectives, et la mairie souhaite mettre en place les dispositions nécessaires pour en assurer leur maintien : (...) l'arrivée sur le manoir en descendant de Blancheface " ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le classement des parcelles C 1430 et C 1431 en zone ND et frappées d'une servitude en vue de la création d'espaces verts paysagers est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ;
10. Considérant que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sermaise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de
M. B...le versement à la commune de Sermaise de la somme de 2 000 au titre des frais exposés qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : M. B...versera à la commune de Sermaise la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la commune de Sermaise.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Brumeaux, président de chambre,
Mme Geffroy, premier conseiller,
Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
N. RIBEIRO-MENGOLILe président,
M. BRUMEAUX Le greffier,
V. HINGANT
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 14VE00673