Procédure devant la Cour :
Par une requête, et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les
2 avril 2014 et 23 juin 2015, M.A..., représenté par Me Viannay, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner la commune d'Asnières-sur-Seine à lui verser la somme de
967 400 euros portant intérêts au taux légal à compter de la réception par la commune de sa demande indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts ;
3° d'ordonner éventuellement une expertise en vue d'évaluer les chefs de préjudice subis, notamment celui tiré du non versement du complément de prix stipulé dans la promesse de vente ;
4° de mettre à charge de la commune d'Asnières-sur-Seine la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que :
- l'existence d'un lien de causalité direct entre le refus de permis de construire illégal et les préjudices subis est établie, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la promesse de vente comportait d'autres conditions suspensives autres que celle tenant à la délivrance d'un permis de construire, lesquelles ne posaient d'ailleurs pas de difficultés dans la mesure où, d'une part, le promoteur a conclu le même jour une promesse de vente sur les deux autres parcelles contigües et, d'autre part, l'obtention du prêt locatif aidé, qui a pour origine la volonté de la commune d'imposer la réalisation de logements sociaux, relevait de la simple formalité ;
- les préjudices subis présentent un caractère certain ; s'agissant du préjudice tiré de la différence entre le prix stipulé dans la promesse de vente et la valeur de son bien à la suite de la déchéance de celle-ci, il est avéré dans la mesure où sa maison ne présente plus qu'une valeur attachée à sa surface habitable déjà construite, le plan local d'urbanisme ayant réduit les possibilités de construire sur sa parcelle et les deux autres parcelles qui devaient former, avec son terrain, l'assiette du projet d'immeuble, ayant été vendues depuis ; s'agissant du complément de prix prévu dans la promesse, la commune elle-même reconnaît à travers son plan local d'urbanisme que le prix des mutations des biens immobiliers n'a fait qu'augmenter depuis 2009 ;
- la demande indemnitaire est recevable quand bien même le permis de construire serait définitif et il n'est responsable d'aucune carence fautive ;
- le refus de permis de construire fondé sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est illégal, le projet refusé, qui venait s'insérer dans une dent creuse et former une continuité bâtie avec l'existant, s'insérant dans le quartier concerné, caractérisé par la grande disparité d'habitats, de styles architecturaux, de gabarits d'immeubles et d'équipements publics ;
- le préjudice constitué par la différence entre le prix qu'il pouvait escompter s'il avait vendu son bien et la valeur de celui-ci désormais peut être évalué à la somme de 967 400 euros correspondant à la différence entre le prix stipulé de 2 250 000 euros et l'estimation la plus haute qui peut être faite de sa maison désormais, soit 1 282 600 euros ;
- la détermination du montant du second préjudice lié au complément de prix stipulé dans la promesse de vente nécessite une expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 16 juillet 2015, la commune d'Asnières-sur-Seine, représentée par Me Phelip, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A...le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le caractère définitif du refus de permis de construire opposé à la SCI Asnières rue du Maine exclut toute action en responsabilité pour faute de la commune sur le fondement de l'illégalité de ce refus ;
- le refus de permis de construire pris sur le fondement de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme n'est pas entaché d'illégalité dans la mesure où le projet de la SCI Asnières
rue du Maine, par son aspect moderne et son volume, ne s'intégrait pas dans un quartier marqué par un tissu urbain aéré marqué par des ruptures de rythme architectural d'alternance entre immeubles collectifs et pavillons ;
- il n'existe pas de lien de causalité entre ce refus et les préjudices allégués ; le requérant n'a pas attaqué le refus de permis, n'a pas négocié la vente de son terrain avec d'autres promoteurs alors qu'il disposait de plusieurs offres d'achat et n'établit pas qu'il a été empêché de réaliser l'opération souhaitée ; en tout état de cause, il n'établit pas que les autres conditions suspensives auraient eu des chances sérieuses de se réaliser ;
- le requérant demeure propriétaire de son bien et n'a ainsi subi aucun préjudice ; en tout état de cause, l'indemnité réclamée n'est pas justifiée ; le préjudice lié au complément de prix demeure purement éventuel.
Par une ordonnance en date du 23 juillet 2015 la clôture de l'instruction a été fixée au
8 septembre 2015 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la commune d'Asnières-sur-Seine ;
1. Considérant que M.A..., propriétaire d'un terrain bâti cadastré à la section AO
n° 53 situé 18-20 rue du Maine à Asnières-sur-Seine a conclu le 14 mai 2009 une promesse de vente portant sur cette parcelle avec la société Sogeprom comportant neuf conditions suspensives, dont notamment l'acquisition des parcelles attenantes cadastrées section AO nos 54 et 82 servant d'assiette au projet du bénéficiaire de la promesse, l'obtention d'un permis de démolir et de construire définitifs et l'obtention d'une décision favorable d'agrément de prêt locatif social ; qu'à la suite du rejet par le maire d'Asnières-sur-Seine, par un arrêté en date du
19 juin 2009, de la demande de permis de construire déposée par la SCI Asnières rue du Maine, venant aux droits de la société Sogeprom, en vue de la construction d'un bâtiment R+5 de
52 logements dont 10 logements sociaux, sur les trois parcelles susvisées, le bénéficiaire de la promesse de vente a notifié à M.A..., le 28 septembre 2009, sa décision de ne pas poursuivre la vente projetée ; que M. A...a entrepris, en 2012, de solliciter l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'illégalité, selon lui, de la décision de refus de permis de construire du 19 juin 2009 ; que sa demande indemnitaire, reçue le 15 juin 2012, a été implicitement rejetée par le maire de la commune d'Asnières-sur-Seine ;
Sur la faute :
2. Considérant que le maire d'Asnières-sur-Seine a refusé le permis de construire sollicité par la SCI Asnières rue du Maine sur le fondement des dispositions de l'article
R. 111-21 du code de l'urbanisme dans leur rédaction alors en vigueur au motif que " le projet, de par son architecture et ses dimensions à édifier, est de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et qu'il ne s'intègre pas dans son environnement " ;
3. Considérant que le terrain d'assiette du projet, lequel se trouve au croisement formé par les rues du Maine et de l'Embranchement, est situé en bordure du centre-ville, dans un quartier caractérisé par une alternance d'immeubles collectifs d'aspect peu massif et de pavillons agrémentés de leurs jardins privatifs, de facture classique, employant des matériaux comme la pierre de taille ou la brique, donnant au quartier un aspect aéré en dépit de la présence d'un lycée technique à l'un des angles du carrefour ; que cet aspect aéré est conforté par la présence de jardins sur les parcelles situées aux angles du carrefour formé par les rues du Maine et de l'Embranchement, à l'exception de la parcelle supportant le lycée technique qui est, toutefois, construit en retrait par rapport à l'alignement ; que l'immeuble R+5 projeté devant accueillir 52 logements, d'une hauteur de 18 m, construit d'un seul tenant à l'alignement des rues du Maine et de l'Embranchement, présentant un linéaire de façade sur rue de plus de 65 mètres au total, et une emprise au sol de plus 75 % , était de nature, eu égard à son implantation, à sa volumétrie et à son aspect massif que les revêtements projetés en façade, tels le zinc quartz, ne contribuent pas à atténuer, à porter atteinte au caractère et à l'intérêt du quartier dans lequel son implantation est projetée ; que, par suite, le maire d'Asnières-sur-Seine était légalement fondé à refuser le permis de construire litigieux sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que M. A...n'est donc pas fondé à soutenir que le refus de permis de construire litigieux étant illégal, la responsabilité de la commune serait engagée pour faute à son égard ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Asnières-sur- Seine, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A...le versement à la commune d'Asnières-sur-Seine de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : M. A...versera la somme de 2 000 euros à la commune d'Asnières-sur-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la commune d'Asnières-sur-Seine.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Brumeaux, président de chambre,
Mme Geffroy, premier conseiller,
Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
N. RIBEIRO-MENGOLILe président,
M. BRUMEAUX Le greffier,
V. HINGANT
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 14VE00937 3