Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 3 mars 2016, et un mémoire ampliatif enregistré le 27 juin 2016, la commune de Versailles, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande des sociétés ERDF et GRDF ;
3° de mettre à la charge des sociétés ERDF et GRDF le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement qui adopte une motivation commune pour l'annulation de trois articles du règlement dépendant de circonstances de droit et de fait différentes, est insuffisamment motivé ;
- le jugement annule l'intégralité des dispositions de l'article 46 qui étaient pourtant divisibles et n'étaient pas critiquées ;
- le fait que certaines dispositions de l'article 46 du règlement de voirie imposent la réalisation de travaux qui vont au-delà des prescriptions de la norme NF P 98-331 relative " aux chaussées et dépendances-tranchées : ouverture, remblayage, réfection " ne permet nullement d'en déduire qu'elles seraient irrégulières ; cette norme ne peut être regardée comme représentative de l'état de l'art au sens de l'article R. 141-14 du code de la voirie routière ; la référence aux normes techniques n'est pas suffisante, donc le conseil municipal pouvait prendre en considération les règles de l'art ne résultant pas nécessairement de l'application de normes techniques, notamment lorsqu'elles sont indispensables à la conservation de la voirie en bon état ;
- les règles fixées par l'article 46 qui sont adaptées, justifiées et proportionnées et poursuivent un triple objectif de stabilité de la voirie, d'esthétique par un aspect homogène et de bonne gestion des deniers de la commune, ne portent pas atteinte au droit d'occupation du domaine public par les sociétés ERDF et GRDF et ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; elles n'imposent nullement aux intervenants de réaliser des travaux au-delà du périmètre de l'emprise des travaux effectués ; la sur-largeur de 20 cm ne devient obligatoire que si aucun test de compactage n'est fourni par l'occupant du domaine alors qu'il permet de garantir les travaux de reprise effectués sur le domaine public ;
- les règles fixées par l'article 47 édictant des règles plus contraignantes de réfection pour les voies nouvelles ou rénovées depuis moins de 3 ans diffèrent de celles de l'article 46 ; elles poursuivent un triple objectif de stabilité de la voirie, d'esthétique par un aspect homogène et de bonne gestion des deniers de la commune ; ces dispositions ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., pour la commune de Versailles et de MeB..., pour les sociétés ENEDIS et GRDF.
1. Considérant que la commune de Versailles relève appel du jugement du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a annulé les articles 45, 46 et 47 du règlement de voirie de la commune de Versailles adopté par délibération du conseil municipal du 15 décembre 2011 ; que, par la voie de l'appel incident, les sociétés ENEDIS et GRDF demandent à la Cour d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'article 25 de ce règlement de voirie ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'en se fondant sur l'illégalité de deux alinéas, sur les trois qu'elle comportait, de la section 46.01 relative aux prescriptions pour les revêtements traités aux liants hydrocarbonés de l'article 46 relatif à la réfection définitive des voiries de plus de trois ans du règlement de voirie pour annuler, en totalité, l'article 46 de ce règlement, sans relever si les dispositions ainsi adoptées formaient un tout indivisible, le tribunal administratif de Versailles n'a pas suffisamment motivé son jugement ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu aux considérants 6 à 8 du jugement au moyen tiré de l'illégalité des dispositions des articles 45 et 47 du règlement de voirie en raison de ce qu'elles excèdent la remise en état des lieux et portent une atteinte excessive au droit des sociétés ENEDIS et GRDF d'occupation du domaine public et sont ainsi entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant que le jugement attaqué doit, par suite, être annulé, seulement en tant qu'il prononce l'annulation totale de l'article 46 du règlement de voirie ; qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Versailles par les sociétés ENEDIS et GRDF à fin d'annulation de l'article 46 du règlement de voirie de la commune de Versailles et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la requête d'appel de la commune de Versailles ;
Sur la demande tendant à l'annulation de l'article 46 du règlement de voirie de la commune de Versailles :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 323-1 du code de l'énergie :
" La concession de transport ou de distribution d'électricité confère au concessionnaire le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11, sous réserve du respect des dispositions du code de la voirie routière, en particulier de ses articles L. 113-3 et L. 122-3. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 433-3 du même code relatif à la distribution de gaz : " La concession de distribution confère au concessionnaire le droit d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages en se conformant aux conditions du cahier des charges, des règlements de voirie et des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 433-15 sous réserve du respect des dispositions du code de la voirie routière, en particulier de ses articles L. 113-3 et L. 122-3. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public et les services publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre. " ; qu'aux termes de l'article R. 141-14 du même code : " Un règlement de voirie fixe les modalités d'exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l'art. Il détermine les conditions dans lesquelles le maire peut décider que certains des travaux de réfection seront exécutés par la commune. / Ce règlement est établi par le conseil municipal après avis d'une commission présidée par le maire et comprenant, notamment, des représentants des affectataires, permissionnaires, concessionnaires et autres occupants de droit des voies communales. " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le droit d'occupation du domaine public routier reconnu aux sociétés ENEDIS et GRDF ne peut s'exercer que dans les conditions prévues par les règlements de voirie ; que les autorités compétentes pour édicter ces règlements peuvent subordonner au respect de certaines prescriptions, sur le fondement de leur pouvoir de police et de conservation dudit domaine, l'exercice du droit dont il s'agit aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage répondant à sa destination, à la condition de ne pas porter une atteinte excessive au droit permanent d'occupation du domaine viaire dont disposent ces opérateurs en application des dispositions précitées du code de l'énergie et du code de la voirie routière ;
8. Considérant qu'aux termes de la section 46.01 relative aux prescriptions pour les revêtements traités aux liants hydrocarbonés de l'article 46 relatif à la réfection définitive des voiries de plus de trois ans du règlement de voirie : " Pour les matériaux de surface traités aux liants hydrocarbonés, les travaux devront répondre aux prescriptions ci dessous : / réfection des délaissés de largeur inférieure à 0,30 m sur trottoirs et sur chaussées le long des façades, des bordures, des caniveaux et des joints de tranchées antérieures aux travaux ainsi qu'à la rencontre des ouvrages de surface tels que regards de visite, bouches à clé, mobiliers urbains, / suppression des redans espacés de moins de 3 m et réalisés lors d'une même opération, (...) " ; que le point 1 relatif aux tranchées sur chaussées de cette section prévoit que : " La reprise d'assise s'effectuera en continuité verticale de la tranchée réalisée. La réalisation d'un test de compactage doit l'accompagner dans tous les cas de figure. / Si aucun test de compactage n'est fourni, il sera obligatoire de reprendre l'assise sur l'intégralité de son épaisseur avec une sur largeur de 20 cm de part et d'autre de la tranchée creusée (...). / La couche de roulement sera obligatoirement reprise avec une sur largeur de 10 cm de part et d'autre de l'assise nouvellement effectuée conformément aux prescriptions du guide du SETRA ou suivant des textes qui viendraient le modifier ou le remplacer. (...) " ; qu'aux termes du point 2 relatif aux tranchées sur trottoirs de cette même section : " La reprise d'assise s'effectuera dans la continuité de la largeur verticale de la tranchée effectuée, / La reprise du revêtement aura une sur largeur de 10 cm par rapport à la reprise d'assise. / Pour toute intervention ayant détruit 75 % de la largeur du revêtement du trottoir, l'intervenant aura l'obligation de reprendre l'intégralité de la largeur du trottoir sur la longueur impactée par ses travaux. " ; qu'enfin, le point 3 de cette section, relatif aux cas particuliers, prévoit qu'en cas de tranchée diagonale, " que ce soit sur trottoir ou sur chaussée, la réfection du revêtement en diagonale est proscrite. Dans ce cas de figure, la réfection définitive formera un rectangle parallèle à la bordure de trottoir et englobera la reprise d'assise avec une sur largeur de 10 cm par rapport aux angles extrêmes (...) " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ces prescriptions, qui excèdent la simple remise en état de la chaussée, ne sont pas indispensables pour assurer la protection des portions concernées de voirie, notamment leur stabilité, et garantir un usage répondant à leur destination ; que, par suite, les dispositions précitées de la section 46.01 portant sur la réfection des délaissés de largeur inférieure à 0,30 m, la suppression des redans espacés de moins de 3 m, la reprise de l'assise avec une sur largeur de 10 ou 20 cm de part et d'autre de la tranchée creusée, l'obligation de reprendre l'intégralité de la largeur du trottoir sur la longueur impactée pour toute intervention ayant détruit 75 % de la largeur du revêtement du trottoir et les prescriptions de réfection des tranchées diagonales, qui sont divisibles des autres dispositions du règlement de voirie, doivent être annulées ;
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 47 relatif à la réfection définitive pour les voiries nouvelles ou rénovées depuis moins de trois ans : " Compte tenu de l'existence d'une procédure de coordination définie à l'article 5 du présent règlement et du caractère exceptionnel que doivent revêtir des interventions sur voirie neuves comme indiqué à l'article 6 du présent règlement, la réfection définitive d'une voie nouvelle ou rénovée depuis moins de 3 ans, l'intervenant devra prendre en charge certains travaux supplémentaires : / section 47.01 tranchées sur chaussées:/ Les tranchées longitudinales feront l'objet d'un rabotage et d'un tapis sur toute la largeur de la voie entamée et sur une longueur égale à l'emprise totale des travaux augmentée d'une distance d'1 m (un mètre) de part et d'autre (...) " ; que la section 47.02 relative aux tranchées sur trottoir prévoit que : " Pour des fouilles sur trottoir, il sera demandé une réfection de la couche de revêtement étendue à la totalité de la largeur du trottoir sur la zone impactée par les travaux, et ce, quelle qu'en soit la largeur sur la longueur de la fouille avec une sur largeur d'un mètre de part et d'autre de la fouille./ Les tranchées transversales répétées sur un trottoir donneront lieu à une réfection de la couche de roulement, sur toute la largeur du trottoir, sur une longueur comprise entre les deux tranchées extrêmes (quelque soit la distance les séparant) augmentées d'une sur largeur d'un mètre. (...) " ;
11. Considérant que la commune de Versailles soutient que les règles précitées de réfection pour les voies nouvelles ou rénovées depuis moins de 3 ans poursuivent un triple objectif de stabilité de la voirie, d'esthétique par un aspect homogène et de bonne gestion des deniers de la commune ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que ces prescriptions de travaux supplémentaires, qui excèdent la simple remise en état de la chaussée, ne sont pas rendues indispensables pour assurer la protection des portions concernées de voirie, notamment leur stabilité, ou en garantir un usage répondant à leur destination ; qu'eu égard au droit d'occupation du domaine public routier reconnu aux sociétés ENEDIS et GRDF rappelé au point 7, l'esthétique des voies et trottoirs, à la supposer atteinte à la suite de travaux de réfection en raison de différences d'aspect dans les revêtements, n'est pas une condition qui se révèle indispensable pour assurer la protection du domaine public routier ; que, par suite, la commune de Versailles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles les a annulées ;
Sur l'appel incident des sociétés ENEDIS et GRDF :
12. Considérant que, dès lors que l'appel principal tend à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif, à la demande des sociétés ENEDIS et GRDF, a annulé certains articles du règlement de voirie adopté par la commune de Versailles, les sociétés ENEDIS et GRDF, demandeurs de première instance sont recevables, par la voie de l'appel incident, à contester le jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions dirigées contre d'autres articles de ce règlement ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune de Versailles doit être écartée ;
13. Considérant que les dispositions de l'article 25 du règlement de voirie adopté le
15 décembre 2011 disposent que : " Tous les chantiers et les dépôts de matériels ou de matériaux doivent être signalés et protégés. Les fouilles doivent être entourées par un barriérage rigide, jointif et continu de type " Ville de Paris " suffisamment stable pour ne pas être renversé en cas d'accrochage accidentel par un piéton ou en cas de vent " et interdisent l'usage de barrières tubulaires pour des travaux excédant une journée ;
14. Considérant que si le maire peut, sur le fondement de son pouvoir de police et de conservation du domaine public, soumettre l'exécution des travaux effectués sur le domaine public routier communal à des contraintes d'organisation, les règles qu'il édicte ne doivent pas porter une atteinte excessive au droit des titulaires de concession d'occupation de ce domaine ; qu'ainsi, les prescriptions qui ne se bornent pas à réglementer l'exercice par les concessionnaires de leur droit d'occupation du domaine, mais les obligent à utiliser des modalités techniques d'exploitation échappant à la compétence de la commune sont illégales ; qu'en l'espèce, l'article 25 fixe de manière détaillée les conditions matérielles et techniques de la tenue des chantiers qui relèvent de leur maitrise par l'exploitant, notamment en ce qui concerne les obligations faites en cas de travaux de plus d'une journée et d'obligation de mettre en oeuvre de la barrière type " Ville de Paris " ; que, par suite, les dispositions de l'article 25, en tant qu'il interdit l'usage des barrières tubulaires et impose la mise en oeuvre de la barrière type Ville de Paris, portent une atteinte excessive au droit d'occupation dont disposent les sociétés ENEDIS et GRDF sur le domaine public routier et, ces dispositions étant divisibles des autres dispositions du règlement de voirie, doivent être annulées ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés ENEDIS et GRDF, par la voie de l'appel incident, sont fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à annuler les dispositions précitées de l'article 25 du règlement de voirie ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés ENEDIS et GRDF, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la commune de Versailles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Versailles le versement aux sociétés ENEDIS et GRDF d'une somme de 2 000 euros au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1203883 du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il a annulé l'article 46 du règlement de voirie de la commune de Versailles et en tant qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'article 25 de ce règlement, est annulé.
Article 2 : L'article 46 du règlement de voirie et les sections 1 à 3 de cet article, en tant qu'ils portent sur la réfection des délaissés de largeur inférieure à 0,30 m, la suppression des redans espacés de moins de 3 m, la reprise de l'assise avec une sur largeur de 10 ou 20 cm de part et d'autre de la tranchée creusée, l'obligation de reprendre l'intégralité de la largeur du trottoir sur la longueur impactée pour toute intervention ayant détruit 75 % de la largeur du revêtement du trottoir et les prescriptions de réfection des tranchées diagonales, sont annulés.
Article 3 : L'article 25 du règlement de voirie, en tant qu'il porte sur l'interdiction du barriérage des chantiers par des barrières tubulaires et sur la prescription de barrières type " Ville de Paris ", est annulé.
Article 4 : La commune de Versailles versera aux sociétés ENEDIS et GRDF une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N° 16VE00767 2