Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2018, M. A..., représenté par Me Levildier, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Livenais a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant ivoirien né le 27 septembre 2018, relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2017 du préfet du Val-de-Marne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'informant qu'il est procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la même durée ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui ne résidait sur le territoire français que depuis trois ans à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire français contesté, est sans enfant ; que s'il affirme avoir noué une relation de concubinage avec MmeC..., ressortissante française, qu'il aurait épousé religieusement au mois d'août 2017, et qu'il participerait à l'entretien et à l'éducation de l'enfant de celle-ci, les documents produits par l'intéressé ne permettent pas de regarder comme suffisamment établie l'existence d'une vie commune entre l'intéressé et MmeC..., que M. A...a d'ailleurs présenté comme sa cousine lors de son audition par les services de police, le 2 novembre 2017 ; que M. A...ne justifie pas davantage de son insertion sociale et professionnelle en France en produisant une promesse d'embuche, d'ailleurs postérieure à la décision litigieuse, signée par la gérante de la société " New Pro Services " ; qu'enfin, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où réside notamment son frère et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision du préfet du Val-de-Marne obligeant M. A...à quitter le territoire français aurait été édictée en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur portant interdiction de retour sur le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier et du deuxième alinéa du III du l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " ; qu'aux termes du huitième alinéa du même article : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français " ;
5. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;
6. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué fait mention des dispositions du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 précité et indique que M.A..., qui est entré en France en 2014 et s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire à l'expiration de son visa, et qu'aucune circonstance particulière, notamment familiale, propre à la situation de l'intéressé n'est de nature à expliquer son séjour irrégulier ; que, si le préfet du Val-de-Marne n'a pas fait référence, dans sa décision, au critère relatif à la menace à l'ordre public que représenterait la présence de l'intéressé sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...représenterait une telle menace et que l'autorité préfectorale aurait retenu une telle circonstance à l'encontre de l'intéressé ; qu'enfin, M. A...n'ayant pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle il se serait soustrait, le préfet du Val-de-Marne n'était pas tenu, en l'espèce, de faire mention expresse de l'examen de cette circonstance ; qu'ainsi, dans la mesure où les termes de l'ensemble de l'arrêt litigieux établissent que la situation du requérant a été appréciée au regard de sa durée de présence en France, des conditions de son séjour et de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet du Val-de-Marne a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
8. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés précédemment, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans les conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de M.A... ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
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N° 18VE00138