Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- le premier juge a, à tort, estimé que l'arrêté contesté méconnaissait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que la décision de rejet de l'OFPRA n'aurait pas été notifiée à M. F... alors que tel a été le cas ;
- les autres moyens soulevés par M. F... devant le premier juge ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant malien né le 31 décembre 1991 à Karakoro (Mali), a sollicité, le 10 décembre 2018, son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision de rejet de la part de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 29 janvier 2019. Par un arrêté en date du 21 mai 2019, le PREFET DE LA
SEINE-SAINT-DENIS a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a notamment annulé cet arrêté.
2. Pour annuler l'arrêté du 21 mai 2019 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, le premier juge a estimé que cette décision méconnaissait les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour l'administration de justifier de la notification à M. F... de la décision de l'OFPRA du 29 janvier 2019 rejetant sa demande d'asile.
3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article R. 72319 du même code : " I.- La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / (...). /III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. / IV.- La preuve de la notification de la décision du directeur général de l'office peut être apportée par tout moyen. ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA ou de la CNDA a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de l'office ou de la cour.
5. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS produit en appel le relevé des informations de la base de données "TelemOfpra" relative à l'état des procédures de demandes d'asile et tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), attestant de ce que la décision du 29 janvier 2019, par laquelle l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de M. F..., a été notifiée à l'intéressé le 4 mars 2019. M. F... n'apporte aucun élément de nature à contredire les mentions figurant sur ce document, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire par application des dispositions précitées de l'article R. 723-19. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS justifie d'ailleurs également, par la production d'une copie du pli de notification, que l'arrêté contesté a été adressé à M. F... par les services préfectoraux, par pli recommandé avec accusé de réception, à la dernière adresse que l'intéressé avait indiquée être la sienne à l'occasion de sa demande mais qu'il est revenu toutefois le 4 mars 2019 avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Dès lors, la notification devait être regardée comme ayant été régulièrement faite le 4 mars 2019 au plus tard, soit antérieurement à la date de l'arrêté attaqué du 21 mai 2019. Dans la mesure où M. F... ne disposait plus, à cette date, du fait de la notification régulière de la décision de l'OFPRA, du droit de se maintenir sur le territoire français, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté.
6. Il résulte de ce qui précède que PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris du 12 juillet 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé pour ce motif l'arrêté du 21 mai 2019 pris à l'encontre de M. F....
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-1076 du 29 avril 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a donné délégation à Mme D... I... pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration, de Mme M..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux, de Mme L... G..., Mme K... H... et M. C... J..., adjoints au chef de bureau, l'ensemble des actes relevant des attributions de ce dernier bureau, dont relèvent notamment les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait. A cet égard, la circonstance que la signature portée sur l'arrêté attaqué est illisible est sans incidence, dès lors qu'elle est apposée en-dessous de la mention parfaitement lisible des nom et prénom de son auteur.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". En application de l'article L. 211-5 du même code, la motivation " doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; / (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".
10. D'une part, la décision refusant d'admettre M. F... au séjour au titre de l'asile mentionne la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et expose, de façon suffisamment précise et circonstanciée, que la demande d'asile présentée par l'intéressé a fait l'objet d'un rejet de la part de l'OFPRA en date du 29 janvier 2019, notifié le 4 mars suivant, qu'il ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale telle que la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention susmentionnée en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays dans lequel il est effectivement admissible. Cette décision, dont la rédaction n'est pas stéréotypée et qui n'était pas tenue de rappeler l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée.
11. D'autre part, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise notamment les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, comme indiqué au point 10., rappelle notamment la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile et qu'il ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale telle que la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Elle comporte ainsi une motivation suffisante en droit et en fait. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
12. Enfin, la décision fixant le pays de destination mentionne que M. F... est de nationalité malienne et, après avoir rappelé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et visé les dispositions des articles L. 513-1 à 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour vers le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il est effectivement admissible. Cette décision est donc également motivée de façon suffisante.
Sur les moyens communs aux décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
13. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".
14. En l'espèce, dès lors qu'il se borne à faire valoir qu'il est entré en France en novembre 2018 et qu'il y vit de façon habituelle et ininterrompue depuis, M. F... n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA
SEINE-SAINT-DENIS aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation de M. F.... Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le moyen dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
17. Il résulte des pièces du dossier, ainsi que cela a été rappelé au point 5., que la demande d'asile de M. F... a été rejetée, de manière définitive, par décision du 29 janvier 2019, notifiée le 4 mars suivant. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre des étrangers définitivement déboutés de leur demande d'asile.
Sur les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :
18. D'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination.
19. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
20. Si M. F... se prévaut des risques qui pèseraient sur lui en cas de retour au Mali, au motif que son héritage est convoité par son oncle et qu'il a subi des pressions, menaces et agressions de ce fait, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors, d'ailleurs, que l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté. Il ne résulte pas davantage des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, à ce titre, au regard de la situation de M. F....
21. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a notamment annulé l'arrêté attaqué et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. F....
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1906119 du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
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N° 19VE02821