Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 janvier 2014, 30 janvier 2015 et
21 janvier 2016, la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE, représentée par le cabinet d'avocats C/M/A..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction des suppléments d'imposition contestés ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- conformément aux dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts et au règlement du comité de la réglementation bancaire n° 91-01 du 16 janvier 1991, norme comptable applicable en l'espèce, et eu égard aux particularités de l'opération de crédit-bail, la taxe foncière et la taxe sur les bureaux refacturées au crédit-preneur par le crédit-bailleur, qui grève les biens qu'il finance et en constitue l'accessoire, constitue pour ce dernier une charge sur opérations de crédit-bail (poste 4 du compte de résultat) déductible, en tant que telle, de la valeur ajoutée servant de base au calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle ; cette analyse est confortée par le courrier du 24 janvier 2013 adressé par l'Autorité des normes comptables à l'Association française des sociétés financières, qui a force obligatoire, ainsi que le rappelle la réponse ministérielle Colibeau du 25 octobre 1972, et s'impose aux sociétés de crédit-bail ; dès lors que l'analyse économique doit commander l'application du réalisme fiscal, l'administration n'est donc pas fondée à se prévaloir de l'arrêt SA Bati Lease de la Cour de céans du 4 juin 2013 qui précise que " l'exigence du réalisme fiscal implique qu'eu égard à sa nature, la taxe foncière soit rattachée au poste 15 " charges générales d'exploitation ", puisque, du point de vue économique, la taxe foncière émise à raison de l'immeuble financé par crédit-bail est bien une charge sur opération de crédit-bail au sens du règlement CRB n° 91-01 ;
- les immeubles donnés en crédit-bail ont été acquis en indivision, chaque
co-indivisaire est réputé redevable de sa quote-part de taxe foncière et de taxe annuelle sur les bureaux ; la circonstance qu'elle se soit déclarée, chef de file de cette indivision, n'a pas pour effet de la rendre redevable légale des taxes afférentes à ces immeubles ; les quotes-parts acquittées pour les co-indivisaires, s'établissant à 10 171 767 euros, constituent donc une charge générale d'exploitation déductible de la valeur ajoutée ; à défaut, il convient d'exclure les produits correspondant aux refacturations de ces quotes-parts, lesquels ne pourraient symétriquement pas constituer un excédent hors taxe de production au sens du 1. du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- en application des dispositions de l'article 1647 B sexies II du code général des impôts et de la réglementation comptable, et conformément à la solution retenue par la jurisprudence, les taxes supportées par la requérante au cours des années 2007 à 2008 à raison des immeubles loués en crédit-bail ne peuvent pas être admises en déduction pour le calcul de la valeur ajoutée ;
- la circonstance que la société ait été désignée chef de file de l'indivision et qu'elle supporte à ce titre des impôts dont elle ne serait pas le redevable légal n'a pas pour effet de conférer à ces impôts le caractère de consommations de biens et services de tiers au sens de l'article susmentionné.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le règlement n° 91-01 du 16 janvier 1991 du comité de la réglementation bancaire, modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de Me Roche, avocat de la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE, qui exploite une activité de crédit-bail immobilier et de location immobilière, et aux termes d'une proposition de rectification du 23 juillet 2010, le service vérificateur a remis en cause le calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle effectué par la société au titre des années 2007 et 2008 au motif qu'elle avait, à tort, déduit de la valeur ajoutée servant de base à cette cotisation les taxes foncières et taxes sur les bureaux afférentes aux immeubles qu'elle louait en crédit-bail ; que la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE relève appel du jugement du 18 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de cotisation minimum de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie par voie de conséquence de cette rectification au titre des années 2007 et 2008 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée " ; qu'aux termes de l'article 1647 E du même code, alors en vigueur : " I. - La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à
7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies " ; qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. (...) 3. La production des établissements de crédit, des entreprises ayant pour activité exclusive la gestion des valeurs mobilières est égale à la différence entre : / D'une part, les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires ; / Et, d'autre part, les charges d'exploitation bancaires " ; que ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle et qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, sous réserve qu'elles ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la société requérante a le statut d'établissement de crédit et se trouve ainsi soumise au règlement du comité de la réglementation bancaire n° 91-01 du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels des établissements de crédit ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE soutient que les particularismes de l'opération de crédit-bail, qui constitue un mode d'accession à la propriété, justifient que les charges afférentes à la taxe foncière et à la taxe sur les bureaux, refacturées au crédit-preneur, soient neutres pour le crédit bailleur et que ces taxes soit regardées comme des charges d'exploitation bancaire devant venir en déduction de la valeur ajoutée ; que, toutefois, la circonstance que la taxe foncière ou la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux soient acquittées à raison d'un immeuble donné en crédit-bail n'a pas pour effet de leur conférer le caractère d'une charge sur opération de crédit-bail relevant des postes 4 ou 9 de la réglementation comptable applicable, compte tenu, d'une part, que le fait générateur de ces taxes n'est pas lié à l'opération en cause et, d'autre part, que le crédit bailleur, auquel la taxe foncière et la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux incombent en sa qualité de propriétaire au 1er janvier de l'année d'imposition, en vertu, respectivement, des articles 1400 et 231 ter du code général des impôts, n'acquitte pas ces taxes pour le compte du crédit-preneur qui peut choisir ou non d'acquérir le bien à l'expiration du contrat ; qu'eu égard à leur nature, ces taxes locales relèvent du poste 15 " charges générales d'exploitation " qui comprend les charges salariales et sociales, les impôts et taxes afférents aux frais de personnels ainsi que les autres frais administratifs " dont les impôts et taxes (...) ", sans que leur refacturation ne puisse venir en diminution de ce compte ; qu'est sans incidence à cet égard le fait que l'article 3.5 du règlement du 16 janvier 1991 prévoit, ce qui n'est d'ailleurs qu'une faculté, que les charges refacturées et les produits rétrocédés au franc le franc puissent être déduits des produits et des charges auxquels ils se rapportent ; qu'en conséquence, la taxe foncière et la taxe sur les locaux à usage de bureaux ne peuvent être regardées comme des charges d'exploitation bancaire déductibles de la valeur ajoutée en application des dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE n'est pas fondée à se prévaloir de la lettre adressée, le 24 janvier 2013, par l'Autorité des normes comptables à l'Association française des sociétés financières en ce que ce courrier, qui, au demeurant ne prend pas expressément parti sur la question en litige et est, en tout état de cause, postérieur aux années d'imposition en litige, ne constitue ni une doctrine émanant de l'administration fiscale qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni une norme comptable à laquelle il y aurait lieu, en vertu de la réponse ministérielle " Colibeau " du 25 octobre 1972, de se reporter pour l'application de la loi fiscale ;
6. Considérant, enfin, que la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE soutient, à titre subsidiaire, qu'elle n'est qu'un redevable partiel des taxes concernées pour les immeubles qu'elle détient en indivision et que, dans ces conditions, les quotes-parts de taxes qu'elle paie pour le compte des autres propriétaires indivis sont déductibles de la valeur ajoutée ; que, toutefois d'une part, le choix de la société de supporter une partie des cotisations de taxe foncière et de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux dont les autres propriétaires indivis sont légalement redevables, outre qu'il constitue une décision de gestion qui lui est opposable, ne saurait avoir pour conséquence de modifier la nature de ces dépenses, lesquelles ne présentent pas, ainsi qu'il vient d'être dit, le caractère de charges d'exploitation bancaire affectant la valeur ajoutée définie à l'article 1647 sexies du code général des impôts ; que, d'autre part, la refacturation desdites taxes aux crédit-preneurs, et non à leurs autres co-redevables, à qui les recettes ainsi encaissées ne sont pas rétrocédées, ont - de même que les quotes-parts de taxes que la requérante refacture aux mêmes crédits-preneurs en sa qualité de redevable partielle de ces taxes - la nature de produits accessoires à prendre en compte dans la production des établissements de crédit servant de détermination à la valeur ajoutée ; que, par suite, la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE ne saurait soutenir que ces produits devraient être exclus du calcul de cette dernière ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société HSBC REAL ESTATE LEASING FRANCE et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bergeret, président,
M. Huon, premier conseiller,
Mme Moulin-Zys, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
C. HUONLe président,
Y. BERGERETLe greffier,
C. FOURTEAU La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier
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N° 14VE00079