Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 mars 2015, 15 septembre 2015 et
9 février 2016, la société ALSABAIL, représentée par le cabinet d'avocats C/M/A..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- conformément aux dispositions des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts et au règlement du comité de la réglementation bancaire n° 91-01 du
16 janvier 1991, norme comptable applicable en vertu de l'article 38 quater de l'annexe III audit code, à la doctrine administrative (6 E-10-85) et à la jurisprudence, et eu égard aux particularités de l'opération de crédit-bail, la taxe foncière refacturée au crédit-preneur après avoir été acquittée pour son compte par le crédit-bailleur constitue pour ce dernier une charge sur opérations de crédit-bail (postes 4 et 9 du compte de résultat) déductible, en tant que telle, de la valeur ajoutée servant d'assiette, selon le cas, à la cotisation minimale de taxe professionnelle ou à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; ce traitement comptable, dont ni l'administration ni le tribunal ne pouvaient s'écarter, est confirmé par le courrier du 24 janvier 2013 adressé par l'Autorité des normes comptables à l'Association française des sociétés financières, qui a force obligatoire, ainsi que le rappelle la réponse ministérielle Colibeau du
25 octobre 1972, et s'impose aux sociétés de crédit-bail ;
- en tout état de cause, quand bien même les charges en cause seraient comptabilisées au poste " impôts et taxes ", elle serait en droit d'inscrire le produit de la refacturation en diminution dudit compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les taxes foncières et taxes sur les bureaux relatives au immobilisations données en crédit-bail et qui ont été refacturées aux preneurs ont la nature de taxes et non de charges sur opérations de crédit-bail, quel que soit le compte dans lequel elles ont été comptabilisées ; par suite, et ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, c'est par une exacte application des dispositions des articles 1649 E et 1647 B sexies du code général des impôts (années 2007 à 2009) ainsi que de celles des articles 1586 ter et 1586 sexies (années 2010 et 2011) que le service a refusé d'admettre en déduction de la valeur ajoutée servant d'assiette à ses cotisations minimales de taxe professionnelle et à ses cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, les taxes foncière et taxes sur les locaux à usage de bureaux qu'elle a supportées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le règlement n° 91-01 du 16 janvier 1991 du comité de la réglementation bancaire, modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de Me Roche, avocat de la société ALSABAIL.
1. Considérant que la société ALSABAIL, qui exploite une activité de crédit-bail immobilier et de location d'immeubles professionnels, a fait l'objet de trois vérifications de comptabilité qui ont porté globalement sur les années 2007 à 2011 ; qu'aux termes de deux propositions de rectification en date des 30 juin 2010 et 30 juillet 2012, le service vérificateur a remis en cause le calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle effectué par la société au titre des années 2007, 2008 et 2009 au motif qu'elle avait, à tort, déduit de la valeur ajoutée servant de base à cette cotisation les taxes foncières et taxes sur les bureaux afférentes aux immeubles qu'elle louait en crédit-bail ; qu'aux termes d'une troisième proposition de rectification du 30 juillet 2012, l'administration a, pour le même motif, rehaussé la valeur ajoutée retenue pour l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises due par la société au titre des années 2010 et 2011 ; que la société ALSABAIL relève appel du jugement du 9 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments de cotisation minimum de taxe professionnelle et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui lui ont été assignées en conséquence de ces rectifications ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2007 à 2009 : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée " ; qu'aux termes de l'article 1647 E du même code, alors en vigueur : " I.- La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies " ; qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction applicable aux années 2007 à 2009 : " II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. (...) 3. La production des établissements de crédit, des entreprises ayant pour activité exclusive la gestion des valeurs mobilières est égale à la différence entre : / D'une part, les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires ; / Et, d'autre part, les charges d'exploitation bancaires " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts, applicable aux années 2010 et 2011 : " (...) II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies (...) " ; qu'aux termes de l'article 1586 sexies du même code : " (...) III.-Pour les établissements de crédit et, lorsqu'elles sont agréées par l'Autorité de contrôle prudentiel, les entreprises mentionnées à l'article L. 531-4 du code monétaire et financier : 1. Le chiffre d'affaires comprend l'ensemble des produits d'exploitation bancaires et des produits divers d'exploitation autres que les produits suivants (...) 2. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré des reprises de provisions spéciales et des récupérations sur créances amorties lorsqu'elles se rapportent aux produits d'exploitation bancaire ; b) Et, d'autre part : - les charges d'exploitation bancaires autres que les dotations aux provisions sur immobilisations données en crédit-bail ou en location simple (...) " ;
4. Considérant que les dispositions des articles 1647 B sexies et 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle et qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, sous réserve qu'elles ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la société ALSABAIL a le statut d'établissement de crédit et se trouve ainsi soumise au règlement du comité de la réglementation bancaire n° 91-01 du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels des établissements de crédit ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la société ALSABAIL soutient que les particularismes de l'opération de crédit-bail, qui constitue un mode d'accession à la propriété, justifient que les charges afférentes à la taxe foncière et à la taxe sur les bureaux, refacturées au crédit-preneur, soit neutres pour le crédit-bailleur et que ces taxes soit regardées comme des charges d'exploitation bancaire devant venir en déduction de la valeur ajoutée ; que, toutefois, la circonstance que la taxe foncière ou la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux soient acquittées à raison d'un immeuble donné en crédit-bail n'a pas pour effet de leur conférer le caractère d'une charge sur opération de crédit-bail relevant des postes 4 ou 9 de la réglementation comptable applicable, compte tenu, d'une part, que le fait générateur de ces taxes n'est pas lié à l'opération en cause et, d'autre part, que le crédit-bailleur, auquel la taxe foncière et la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux incombent en sa qualité de propriétaire au 1er janvier de l'année d'imposition, en vertu, respectivement, des articles 1400 et 231 ter du code général des impôts, n'acquitte pas ces taxes pour le compte du crédit-preneur qui peut choisir ou non d'acquérir le bien à l'expiration du contrat ; qu'eu égard à leur nature, ces taxes locales relèvent du poste 15 " charges générales d'exploitation " qui comprend les charges salariales et sociales, les impôts et taxes afférents aux frais de personnels ainsi que les autres frais administratifs " dont les impôts et taxes (...) ", sans que leur refacturation ne puisse venir en diminution de ce compte ; qu'est sans incidence à cet égard le fait que l'article 3.5 du règlement du 16 janvier 1991 prévoit, ce qui n'est d'ailleurs qu'une faculté, que les charges refacturées et les produits rétrocédés au franc le franc puissent être déduits des produits et des charges auxquels ils se rapportent ; qu'en conséquence, la taxe foncière et la taxe sur les locaux à usage de bureaux ne peuvent être regardées comme des charges d'exploitation bancaire déductibles de la valeur ajoutée au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles 1647 B sexies et
1586 sexies du code général des impôts ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la société ALSABAIL n'est pas fondée à se prévaloir de la lettre adressée, le 24 janvier 2013, par l'Autorité des normes comptables à l'Association française des sociétés financières en ce que ce courrier, qui, au demeurant, ne prend pas expressément parti sur la question en litige et est, en tout état de cause, postérieur aux années d'imposition concernées, ne constitue ni une doctrine émanant de l'administration fiscale qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni une norme comptable à laquelle il y aurait lieu, en vertu de la réponse ministérielle " Colibeau " du 25 octobre 1972, de se reporter pour l'application de la loi fiscale ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ALSABAIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société ALSABAIL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ALSABAIL et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bergeret, président,
M. Huon, premier conseiller,
Mme Moulin-Zys, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
C. HUONLe président,
Y. BERGERETLe greffier,
C. FOURTEAULa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
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N° 15VE00950