Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 septembre 2015, 8 février 2016 et 15 mars 2016, M. et MmeE..., représentés par Me Guidet, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement,
2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions en litige,
3° à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise portant sur le décompte du nombre de jours passés à l'étranger par M. E... ;
4° de leur accorder le remboursement des frais exposés pour un montant de 5 000 euros.
Ils soutiennent que :
- s'agissant de la régularité de la procédure d'imposition, la proposition de rectification du 19 décembre 2008, qui concerne les revenus perçus au titre de l'année 2005, n'est pas motivée quant aux revenus distribués à hauteur de 131 598 euros, en violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- s'agissant du bien-fondé, les rectifications opérées en matière de revenus distribués ne sont pas justifiées dès lors qu'il n'a jamais eu la disposition des sommes versées sur le compte ouvert auprès de la Banque internationale du Luxembourg (BIL) : la société Renault F1 a confirmé, par une attestation du 19 juillet 2010, que la société BD Consultants avait mis des personnels à sa disposition et qu'elle avait autorisé le recours à la sous-traitance ; ce document " Renault Team " mentionne un " coût à l'étranger " facturé annuel de 131 670 euros qui correspond, à 72 euros près, au total des sommes versées en 2005 sur le compte de
M. E...à la BIL, qui s'élève à 151 598 euros, document confirmé par le
procès-verbal de police établi le 24 novembre 2009 ; d'ailleurs c'est également ce qu'a constaté le Tribunal de grande instance de Paris dans son jugement du 17 janvier 2012, qui l'a relaxé du délit d'usage de faux s'agissant des factures ainsi réglées, émanant de la société Euroadvisory ; les sommes taxées n'ont en réalité fait que transiter sur le compte luxembourgeois et il ne s'est pas enrichi ainsi que l'a relevé le juge pénal ;
- l'article 81 A du code général des impôts permettant l'exonération au titre d'une activité salariée exercée à l'étranger, est applicable ; sa mission de prospection à l'étranger ressort de façon non équivoque de son contrat de travail ; en outre, il y aurait lieu pour la Cour d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article L. 621-1 du code de justice administrative afin de confirmer le nombre de jours passés à l'étranger en tenant compte des termes de l'instruction fiscale BOI-RSA-GEO-10-20 n° 220 du 7 mai 2014 concernant les jours de récupération ;
- les pénalités au titre de l'année 2005, doivent être déchargées compte tenu des développements relatifs au bien-fondé ainsi que de la décision judiciaire de relaxe.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que M.E..., dirigeant de sociétés, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal au titre de l'année 2005, et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, au titre des années 2006 et 2007 ; qu'il conteste les suppléments de cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales en résultant, mises à sa charge selon la procédure contradictoire en ce qui concerne les années 2005 et 2007, et selon la procédure de taxation d'office en ce qui concerne l'année 2006 ; que M. et Mme E...relèvent régulièrement appel du jugement rendu le 2 juillet 2015, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'au terme de l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " la notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, l'année d'imposition et la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
3. Considérant que la proposition de rectification adressée à M. E...le 19 décembre 2008, qui concerne les revenus perçus au titre de l'année 2005 et dont la motivation est seule contestée, précise la nature, le montant et les motifs des rehaussements envisagés au titre de l'impôt sur le revenu 2005, et mentionne les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts servant de base légale au redressement ; qu'elle précise encore qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société BD Consultants, l'administration a remis en cause le double remboursement de frais professionnels et a constaté l'appréhension sans cause de fonds sociaux par le requérant, qu'elle précise les éléments de droit et de fait relatifs aux contributions sociales et justifie les intérêts de retard, fournit par ailleurs toutes les précisions chiffrées et comprend en annexe les conséquences financières ; que l'ensemble des éléments ainsi notifiés au contribuable était, dans ces conditions, suffisamment précis pour lui permettre d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait le 2 mars 2009 ; qu'enfin le caractère suffisant de la motivation d'une proposition de rectification ne dépend pas du bien fondé de ses motifs et qu'ainsi, la circonstance alléguée par les appelants, que les éléments de fait susévoqués ne permettraient pas de justifier l'appréhension des sommes litigieuses, est sans incidence sur le caractère suffisant en la forme de la motivation de la proposition de rectification du 19 décembre 2008 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve
4. Considérant, d'une part, que les impositions en litige au titre de l'année 2006 ayant été établies d'office en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, les requérants supportent la charge de la preuve de leur exagération ; que d'autre part, les impositions en litige au titre des années 2005 et 2007 ayant été établies en vertu des articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales et n'ayant pas été acceptées par les contribuables, la charge de la preuve incombe à l'administration fiscale ;
En ce qui concerne les revenus distribués imposés sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts au titre des années 2005 et 2006
5. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. E... a reçu sur son compte bancaire personnel ouvert à la Banque Internationale Luxembourgeoise (BIL) des sommes débitées, sur son ordre, depuis le compte bancaire de sa société BD Consultants, à savoir, premièrement, une somme totale de 131 598,11 euros pour l'année 2005, correspondant à huit virements effectués les 8 avril 2005 pour 23 775,49 euros, 30 mai 2005 pour 28 601,08 euros, le 16 juin 2005 pour 13 083,33 euros, le 12 septembre 2005 pour 23 589,81 euros, le 7 octobre 2005 pour 14 043,91 euros, le 22 novembre 2005 pour 11 994,47 euros, le 5 décembre 2005 pour 9 530,50 euros et le 16 décembre 2005 pour 6 979,52 euros et, deuxièmement, une somme de 23 093,30 euros correspondant à un virement du 21 février 2006 ; que, d'une part, les appelants sont fondés à se prévaloir des termes du jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Versailles le 17 janvier 2012 prononçant notamment la relaxe de M. E..., du délit d'abus de biens sociaux commis entre 2005 et 2009 qui mentionne qu'une somme totale de 176 876 euros a transité en 2005 et 2006 par son compte personnel à la BIL aux fins de rémunérer des chauffeurs employés par une de ses sociétés et que ces transferts d'argents n'ont pas servi à l'enrichir personnellement ; que, d'autre part, ils peuvent se prévaloir également des derniers documents produits, notamment d'un procès-verbal établi le 24 novembre 2009 par la brigade de répression de la délinquance économique, comportant en annexe un tableau récapitulatif des crédits et débits du compte bancaire détenu par M. E...à la BIL et faisant état de virements provenant de sa société BD Consultants et d'opérations débitrices au bénéfice de cinq personnes, à savoir M. G..., M.F..., M. B..., M. D...et M.C... ; que si les dates et les montants des débits et crédits bancaires ne correspondent pas parfaitement puisqu'un écart de quelques jours sépare les dates des virements de celles auxquelles ils sont été réceptionnés et qu'une différence de 20 à 50 euros est à noter s'agissant de plusieurs crédits, il ressort de ce document, produit pour la première fois en appel et, au surplus, corroboré par l'attestation détaillée du 19 juillet 2010 de la société Renault F1 Team, certifiant avoir sous-traité en 2005, à la société BD Consultants, des activités logistiques liés au transport et à la sécurité, que plusieurs des sommes ainsi créditées ont été reversées dans le mois, à des personnes physiques ; que par ailleurs il résulte de l'examen des mêmes pièces que MM. G..., F..., B...et D...étaient alors effectivement employés en tant que chauffeurs par Renault F1 Team et qu'ils étaient rémunérés au moyen de sommes provenant du compte BIL de M. E... ; qu'ainsi, à concurrence des sommes versées à ces quatre personnes, les crédits correspondants ne devaient pas être imposés entre les mains de M. et Mme E..., à l'exclusion toutefois des sommes versées avant le 11 avril 2005, date du premier crédit taxé, les contribuables n'alléguant pas que le compte aurait été à découvert à cette date ; qu'en revanche, s'agissant du dernier bénéficiaire, M. C..., aucune pièce du dossier ne permet d'établir sa qualité d'employé par la société Renault F1 Team puisque son nom n'apparaît ni dans le jugement du tribunal de grande instance, ni sur l'attestation de la société Renault F1 Team et qu'ainsi, M. et Mme E... n'établissent pas qu'ils n'auraient pas eu la libre disposition des montants versés à cette personne ; qu'il suit de là qu'il y a seulement lieu d'accorder aux requérants une réduction des revenus distribués assignés par le service, à concurrence du montant des sommes versées à MM. G..., F..., B...et D...entre le 20 avril 2005 et le 13 avril 2006, à savoir, une décharge en base, au titre de l'année 2005, de 119 330,44 euros et, au titre de l'année 2006, de 23 093,30 euros, les versements qui excèdent les distributions taxées n'ayant pas à être pris en compte pour cette dernière année ;
En ce qui concerne les traitements et salaires perçus à l'étranger :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 81 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Les personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui exercent une activité salariée et sont envoyées par un employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d'établissement de cet employeur peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu à raison des salaires perçus en rémunération de l'activité exercée dans l'Etat où elles sont envoyées. / (...). / L'exonération d'impôt sur le revenu mentionnée au premier alinéa est accordée si les personnes justifient remplir l'une des conditions suivantes : / 1° Avoir été effectivement soumises, sur les rémunérations en cause, à un impôt sur le revenu dans l'Etat où s'exerce leur activité et sous réserve que cet impôt soit au moins égal aux deux tiers de celui qu'elles auraient à supporter en France sur la même base d'imposition ; / 2° Avoir exercé l'activité salariée dans les conditions mentionnées aux premier et deuxième alinéas : / (...), / (...) pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs lorsqu'elle se rapporte à des activités de prospection commerciale. / (...). " ;
8. Considérant que les requérants, en cause d'appel, n'invoquent que les dispositions du 2° du I de l'article 81 A du code général des impôts, précité, relatives à l'exercice d'une activité salariée, en faisant valoir l'existence d'une mission de prospection commerciale, pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs ; que toutefois et, à supposer même que M. E... aurait exercé une activité salariée dans le cadre d'un lien de subordination avec sa société BD Consultants au titre des deux années en litige, l'administration soutient sans être valablement contestée, qu'il était en France pendant deux cent vingt-trois jours en 2006 contre onze jours seulement à l'étranger, et pendant deux cents cinq jours en 2007 contre trente-neuf à l'étranger, ce qui implique qu'il n'est pas fondé à se prévaloir du bénéfice des dispositions du 2° du I de l'article 81 A du code général des impôts, qui exigent un séjour à l'étranger pendant une durée supérieure à cent vingt jours au cours d'une période de douze mois consécutifs ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise ; que M. E...invoque en vain les termes de l'instruction fiscale BOI-RSA-GEO-10-20 n° 220 du 7 mai 2014 concernant les jours de récupération, entrée en vigueur postérieurement au litige ;
En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :
9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que
M. et Mme E...ne sont fondés à demander la décharge des pénalités pour manquement délibéré par voie de conséquence des impositions principales que dans la limite de la réduction de base prononcée au point 6. ; que, d'autre part, en invoquant le fait que M. E...qui, en sa qualité de dirigeant a signé les ordres de virement sur le compte BIL au Luxembourg, ne pouvait ignorer l'existence des distributions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe d'une intention délibérée d'éluder l'impôt, s'agissant des revenus distribués laissés à la charge des requérants ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme E... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 juillet 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande en tant qu'elle tendait à une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des pénalités correspondantes, résultant d'une réduction du montant des revenus distribués assignés à concurrence des sommes de 119 330,44 euros au titre de l'année 2005 et de 23 093,30 euros au titre de l'année 2006 ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. et Mme E... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, et des pénalités correspondantes, à concurrence d'une réduction du montant des revenus distribués qui leur ont été assignés, à hauteur de 119 330,44 euros au titre de l'année 2005 et de 23 093,30 euros au titre de l'année 2006.
Article 2 : Le jugement n° 1104328 du 2 juillet 2015 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 15VE02917 3