Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, M. B..., représenté par
Me Cassel, avocat, demande à la Cour :
1° de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice financier et limité à 1 500 euros l'indemnité allouée en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 39 073,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de la faute commise par l'Etat résultant de l'illégalité de la décision le mutant au commissariat de Sarcelles, assortie des intérêts légaux courant à compter du
2 novembre 2015, les intérêts échus à la date du 2 novembre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire
eux-mêmes intérêts ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en minimisant son préjudice moral et en rejetant ses demandes au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice financier.
Une mise en demeure a été adressée le 7 janvier 2020, en application de l'article
R. 612-3 du code de justice administrative, au ministre de l'intérieur, qui n'a produit d'observations avant la clôture d'instruction.
Par ordonnance du magistrat rapporteur en date du 19 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 août 2020 à 12:00 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire en défense, présenté par le ministre de l'intérieur, a été enregistré le
3 septembre 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., capitaine de police, a été affecté à l'unité de commandement du service départemental de nuit du Val-d'Oise en qualité de commandant d'unité du district de Cergy, le 16 octobre 2008. Par une note de service du 8 août 2011 réorganisant le service départemental de nuit, le directeur départemental de la sécurité publique du Val-d'Oise a affecté, à compter du 6 septembre 2011, M. B... au district de Sarcelles. Par un jugement du
15 octobre 2015, devenu définitif, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision. Estimant que cette illégalité fautive lui a causé divers préjudices, M. B... a adressé un courrier tendant à l'indemnisation de ses préjudices au ministre de l'intérieur le 3 novembre 2015. Sa demande ayant été implicitement rejetée, M. B... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la condamnation de l'Etat à lui verser, à raison des fautes commises par son administration employeur, une indemnité de 40 173,20 euros en réparation des divers préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 4 octobre 2018, le tribunal, après avoir estimé l'intéressé fondé à demander la réparation des préjudices ayant résulté de l'illégalité fautive de la décision, a notamment condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros. M. B... fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité cette condamnation à la somme susmentionnée.
Sur l'effet de l'acquiescement aux faits :
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". En application de ces dispositions, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit, est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures. Il appartient alors seulement au juge de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.
3. Le ministre de l'intérieur n'a produit, en appel, aucun mémoire en défense avant la clôture de l'instruction, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée à cette fin par la Cour administrative d'appel de Versailles le 7 janvier 2020, sur le fondement de l'article
R. 612-3 du code de justice administrative. Il s'ensuit que les affirmations de M. B..., qui ne sont contredites par aucune pièce du dossier, doivent être regardées comme établies.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :
4. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont estimé que M. B... établissait que l'administration n'était pas fondée, en l'absence d'intérêt du service, à prononcer son affectation en qualité de commandant d'unité au district de Sarcelles, et qu'il était, en conséquence, fondé à soutenir que la décision de mutation, était entachée d'erreur de droit. Ils ont, en conséquence, jugé que cette décision n'apparaissait pas justifiée au fond et que, M. B... était en conséquence fondé à demander la réparation des préjudices ayant résulté de l'illégalité fautive de cette décision. Cette motivation n'est pas contestée en appel par le ministre.
En ce qui concerne le préjudice financier :
5. En premier lieu, M. B... fait valoir, sans être contesté, que son changement d'affectation à Sarcelles a eu pour effet de rallonger de deux heures son temps de trajet entre son domicile et son lieu de travail, de septembre 2011 à septembre 2012 et qu'il n'a pu effectuer le trajet entre Cergy et Sarcelles sur ses heures de service qu'à compter de cette date. Il soutient que ces deux heures quotidiennes supplémentaires consacrées à son service lui ont occasionné un préjudice financier correspondant au salaire de 240 heures de travail supplémentaires, soit
4 575 euros. Toutefois, ainsi que l'on relevé à bon droit les premiers juges, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire, notamment pas de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, que le temps de transport vers le lieu de travail constitue du temps de travail effectif devant donner lieu à rémunération, sauf en période d'astreinte, peu importe d'ailleurs que la décision fixant la nouvelle affectation de M. B... ait été ou non entachée d'une illégalité. Il n'est donc pas fondé à demander le versement de la somme de 4 575 euros à raison d'un allongement de son temps de travail, alors qu'il ne justifie, ni même ne soutient, par ailleurs, qu'il aurait, du fait de cette nouvelle affectation, été privé de la possibilité d'effectuer 240 heures de travail supplémentaires.
6. En second lieu, M. B... fait valoir, de nouveau sans être contesté, que son changement d'affectation à Sarcelles a eu pour effet d'allonger de 31,5 km le trajet entre son domicile et son lieu de travail, et qu'il a effectué avec son véhicule personnel de septembre 2011 à septembre 2012, soit 120 vacations, sans compensation financière de son employeur. Il soutient que ces déplacements rallongés ont été à l'origine de frais supplémentaires d'entretien et réparation de son véhicule ainsi que de carburant qu'il chiffre à 4 498,20 euros en multipliant la distance supplémentaire parcourue par jour, par 120 puis par 0,595, formule utilisée par l'administration pour calculer les frais kilométriques. D'une part, l'inexactitude des faits ainsi allégués par M. B... ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, lesquels faits sont d'ailleurs corroborés par deux avis de contravention des 27 septembre et 19 décembre 2011 de nature à prouver l'usage de son véhicule personnel pour se rendre à son travail. D'autre part, au vu de ces éléments, des 7 560 kilomètres supplémentaires parcourus, et du barème kilométrique forfaitaire proposé au titre des années 2011 et 2012 par l'administration fiscale pour l'évaluation des frais professionnels induits pour une voiture de 7 CV parcourant de 5 001 à 20 000 km,
M. B... est fondé à prétendre, à ce titre, au versement d'une somme de 3 787,92 euros pour la réparation de ce chef de préjudice.
En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
7. M. B... fait valoir que la mutation dont il a fait l'objet, à destination d'un service n'ayant aucune existence légale, ne disposant pas de locaux en propre, de matériel, de chauffeur, de hiérarchie, d'adresse postale et auprès duquel aucun autre fonctionnaire de police géographiquement affecté à Sarcelles, était constitutive d'une " mise au placard ", résultant d'une intention de nuire, ayant occasionné une souffrance importante. Toutefois et d'une part, l'absence d'existence juridique de son service d'affectation tout comme son affirmation selon laquelle aucun autre fonctionnaire de police n'aurait été affecté géographiquement à Sarcelles sont contredites par l'organigramme du service départemental de nuit du Val-d'Oise produit par l'intéressé lui-même devant les premiers juges. D'autre part, l'allégation de l'intéressé selon laquelle cette affectation aurait été motivée par l'intention de lui nuire, qui ne peut être regardée comme un fait, au sens des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, n'est assortie d'aucun élément permettant d'en établir la réalité. En revanche, rien ne contredit ses allégations selon lesquelles il n'aurait pas bénéficié, dans sa nouvelle affectation, de locaux, d'ordinateur, de véhicule et de chauffeur en propre, afin d'exercer ses fonctions. Dans ces conditions, outre les contraintes propres à l'éloignement de son lieu de travail retenues par les premiers juges, la mutation illégale de M. B... à Sarcelles a été la cause pour lui de troubles dans ses conditions d'existence, en particulier en l'amenant à exercer ses missions dans les conditions de privation susmentionnées, ainsi que d'un préjudice moral. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a ainsi subi, résultant tant de cette décision illégale que des circonstances qui l'ont accompagnée, en fixant l'indemnité due à 5 000 euros.
En ce qui concerne le préjudice de carrière :
8. M. B... fait valoir que les conditions d'exercice de ses missions, lors de sa nouvelle affectation, l'ont conduit à réduire ses opérations et ont mené, de ce fait, à un abaissement de sa notation à 5 après plusieurs années à 6 à raison d'objectifs non atteints car matériellement inatteignables, ainsi qu'à un retard d'avancement. Toutefois et d'une part, ces allégations sont partiellement contredites par les termes mêmes de son évaluation au titre de l'année 2011, qui justifie l'abaissement de sa notation par des résultats insuffisants mais également par la dégradation de son comportement professionnel, à divers titres, depuis début 2010, et notamment son placement en garde à vue le 28 avril de cette année, ainsi que par son évaluation au titre de l'année suivante. D'autre part et en tout état de cause, à supposer même ses allégations fondées, il n'établit, ni même ne précise, en quoi ni dans quelle mesure l'abaissement provisoire de sa notation aurait eu une incidence sur le déroulement de sa carrière, ni ne justifie l'ampleur du préjudice subi. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice de carrière.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la condamnation de l'Etat, fixée par l'article 1er du jugement attaqué à la somme totale de 1 500 euros, doit être portée à la somme de
8 787,92 euros et que le jugement doit être réformé dans cette mesure. M. B... a droit, en outre, aux intérêts au taux légal afférant à cette somme à compter du 3 novembre 2015, date de la réception par l'Etat, de sa demande indemnitaire préalable. Par ailleurs, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus au 4 décembre 2018, date d'enregistrement des premières conclusions de M. B... en ce sens et non à date du 2 novembre 2016 comme il le demande, puis à chaque échéance annuelle ultérieure. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 1 500 euros que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par l'article 1er du jugement n° 1600151 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du
4 octobre 2018 est portée à la somme de 8 787,92 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 3 novembre 2015 et les intérêts échus le 4 décembre 2018 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 2 : Le jugement n° 1600151 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du
4 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
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N° 18VE04035