Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2015 et un mémoire en réplique, enregistré
le 12 avril 2016, M.B..., représenté par Me Guillot, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution partielle de retenue à la source sollicitée, pour un montant de 127 499 euros en droits, majoré des intérêts de retard et de la pénalité de 10 % pour non dépôt de déclaration ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article 10 de la convention fiscale franco-israélienne fait obstacle à l'imposition, en France, de dividendes crédités sur le compte courant d'un associé résidant en Israël, dès lors que le fait générateur de l'imposition est constitué, d'un point de vue conventionnel, et à la différence du droit interne, par l'encaissement effectif de ces revenus par l'actionnaire non résident au sens et pour l'application de l'article 12 du code général des impôts, et non par leur simple mise à disposition, telle que l'entend le droit interne ; en effet, une inscription en compte courant d'associé ne correspondant qu'à une mise en paiement des dividendes, et non à leur paiement effectif sauf à démontrer que le bénéficiaire pouvait, en droit comme en fait, en disposer librement ; au cas particulier, il ne disposait pas du pouvoir de prélever librement les sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé dès lors qu'il ne détenait qu'une participation minoritaire au sein de la SCI " Les 3 B " ; c'est, par suite, à tort que le tribunal juge qu'il n'a pas établi l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'opérer le prélèvement de l'intégralité des sommes inscrites en compte courant ; le fait de n'être qu'un associé minoritaire a donc une incidence sur la solution, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal en contravention avec la jurisprudence ;
- le point n° 1 de la documentation administrative de base référencée 4 J-1334 mise à jour au 1er novembre 1995 est également en ce sens en ce qu'il dispose que " la retenue à la source ne frappe que les revenus encaissés par des personnes ayant leur domicile fiscal ou leur siège hors de France et son exigibilité est subordonnée à l'encaissement effectif des revenus par les bénéficiaires ainsi définis. Il s'ensuit que le fait générateur de la retenue à la source consiste non pas dans la mise en paiement des produits, mais dans leur paiement effectif " ; en jugeant que cette doctrine avait trait aux seuls revenus encaissés du chef de coupons, alors qu'elle concerne l'ensemble des revenus distribués ainsi qu'en atteste son classement : Division J " (...) " Chapitre 3 " Régime fiscal des revenus distribués par les sociétés française ", le tribunal en a méconnu le champ et la portée ; cette lecture est confirmée par la reprise de cette documentation dans la base BOFiP sous BOI-RPPM-RCM-30-30-10-40-20120912, paragraphe n° 1 ; il s'en déduit nécessairement qu'en le privant de la garantie contre les changements de doctrine accordée au contribuable, le premier juge a méconnu les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- le taux de 15/85ème a été appliqué sur une base de retenue à la source exagérée dès lors que ce taux aurait dû s'appliquer sur le montant, net de retenue, des dividendes effectivement versés au bénéficiaire, lequel s'élevait à la somme de 577 500 euros représentant 75 % de celle inscrite au crédit du compte courant ; ainsi, en appliquant un taux de 15/85ème sur le montant brut des sommes à distribuer, soit 1 299 998 euros au titre de l'année 2010 plutôt que sur celui correspondant au montant net de dividendes effectivement encaissés, l'administration prive de base légale sa décision et dénature sa propre doctrine ; au demeurant, le préjudice subi par le Trésor public du fait de l'absence de paiement spontané de la retenue à la source est réparé par le versement d'intérêts de retard et d'une majoration de 10 % ;
- il résulte de ce qui précède que le rappel de retenue à la source doit être limité à la somme de 101 912 euros et qu'ainsi, il est fondé à se prévaloir d'une décharge partielle de celle-ci à hauteur des sommes de 127 499 euros en droits, 6 120 euros en intérêts de retard et 12 750 euros en majoration, soit pour un montant total de 146 369 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 31 juillet 1995 entre la France et Israël en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de la société civile immobilière " Les 3 B ", l'administration a soumis au prélèvement à la source sur les produits visés aux articles 108 à 117 bis du code général des impôts, applicable, en vertu des dispositions du 2 de l'article 119 bis du même code lorsque ces produits bénéficient à des personnes n'ayant pas en France leur domicile fiscal, au taux plafonné de 15 % mentionné au paragraphe 2 de l'article 10 de la convention fiscale conclue entre la France et Israël le 31 juillet 1995, le montant des dividendes s'élevant à 1 299 998 euros, que la société " Les 3 B " avait portés, le
2 juin 2010, au crédit du compte courant ouvert au nom de M.B..., l'un de ses trois associés, domicilié en Israëlet détenteur du tiers de son capital ; que M. B...relève appel du jugement du 5 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution partielle de ce prélèvement, à concurrence de la différence entre, d'une part, le montant de la retenue à la source prélevée sur ces dividendes de source française et, d'autre part, celui assis sur la somme de 570 500 euros correspondant aux dividendes qu'il estime avoir effectivement encaissés au titre de l'année 2010 ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux retenues à la source : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) " ; que les dividendes distribués par une société établie en France à une personne établie hors de France, notamment en Israël, sont au nombre des produits soumis à cette retenue ; qu'aux termes du 1 de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : 12 % pour les intérêts des obligations négociables (...) / 18 % pour les revenus de la nature de ceux éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 lorsqu'ils bénéficient à des personnes physiques qui ont leur domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...) / 25 % pour tous les autres revenus (...) " ; que, selon les dispositions combinées de ces articles, les produits
ci-dessus mentionnés, pour la partie qui excède les charges déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile réel ou leur siège en France, donnent lieu à l'application d'une retenue à la source qui est, en l'espèce, fixée au taux de 25 % ; que, toutefois, la convention fiscale franco-israélienne fixe ce taux à 15 % pour les dividendes ; qu'il résulte enfin des dispositions des articles 78 de l'annexe II et 381 S de l'annexe III audit code que la date du fait générateur de la retenue à la source est celle du paiement des sommes imposables ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10 de la convention fiscale franco-israélienne du 31 juillet 1995 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat (...) l'impôt ainsi établi ne peut excéder (...) 15 pour cent du montant brut des dividendes (...) " ;
4. Considérant que le fait générateur de la retenue à la source est, en principe, la distribution des dividendes à leur bénéficiaire ; qu'il résulte de l'instruction que les dividendes en cause ont été inscrits au crédit du compte courant de M.B..., le 2 juin 2010 ; que ces sommes imposables ont ainsi été mises à sa disposition au terme d'une distribution effective ; qu'en s'abstenant de les prélever, dans leur intégralité, alors que le requérant ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité de le faire, notamment en raison d'une insuffisance de trésorerie de la société distributrice, M. B...doit être réputé avoir accompli un acte de disposition de l'ensemble des sommes dont s'agit ; qu'est sans influence sur cet état de fait, la circonstance qu'il ne disposait pas du pouvoir de signature sur les comptes sociaux de la société " Les 3 B " en raison de sa qualité de minoritaire ; que, dans la mesure où l'inscription des dividendes en compte courant valait, en la circonstance, paiement de ceux-ci, à M.B..., c'est à bon droit, dès lors, que, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, auxquelles ne font pas obstacle, dans leur silence, les stipulations de l'article 10, ni aucune autre, de la convention fiscale franco-israélienne, l'administration les a assujettis à la retenue à la source comme lui ayant été " payées " au sens de cette convention, dans leur intégralité, le 2 juin 2010 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la base d'imposition de la retenue à la source aurait dû être réduite à proportion du montant des dividendes laissés en compte courant par M. B...au titre de l'année 2010 ne peut qu'être rejeté ;
5. Considérant, par ailleurs, que si la retenue à la source devait, en l'espèce, être liquidée au taux conventionnel de 15 % sur la somme de 1 299 998 euros correspondant au " montant brut des revenus mis en paiement " au sens de l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts dès lors qu'il est constant que ce prélèvement n'avait pas été acquitté spontanément par la société " Les 3 B ", le montant brut des dividendes mis en paiement devait comprendre, en plus des produits effectivement versés à M.B..., un montant égal à l'avantage résultant, pour ce dernier, de ce que la somme ainsi reçue n'avait pas supporté la retenue à la source ;
6. Considérant que M. B...ne conteste pas que le taux de la retenue à la source appliqué par l'administration pour tenir compte de cet avantage devait être fixé à 15/85ème, mais seulement que la base sur laquelle ce taux a été appliqué aurait dû être limitée à la somme de
577 500 euros, correspondant au montant brut des dividendes effectivement prélevés sur son compte courant d'associé au cours de l'année 2010 ; qu'il résulte, toutefois, de ce qui a été dit au point 3., que le montant brut des dividendes mis en paiement s'élève à la somme de
1 299 998 euros ; que, de plus, et contrairement à ce qu'il soutient, la détermination de la base d'imposition à la retenue à la source est indépendante des intérêts de retard et majoration dont elle est, le cas échéant, assortie et qui résultent du seul défaut de paiement, dans le délai légal, de tout ou partie de l'impôt exigible ; que, dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le taux de 15/85ème dont il a été fait application l'a été sur une base d'imposition exagérée ;
7. Considérant, enfin, et dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'inscription en compte courant des dividendes distribués à M. B...par la société " Les 3 B " valait paiement effectif de ceux-ci, le requérant ne peut rien tirer d'utile du premier paragraphe de la documentation administrative de base référencée 4 J-1334 du 1er novembre 1995 dont il se prévaut sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et qui, reprise dans la base BOFiP impôts sous la référence BOI-RPPM-RCM-30-30-10-40-20120912, dispose que " le fait générateur de la retenue à la source consiste, non pas dans la mise en paiement des produits, mais dans leur paiement effectif " ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait fondé à invoquer cette interprétation administrative de la loi fiscale sur le fondement de l'article
L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut qu'être rejeté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'administration, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B...la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
N° 15VE03242 2