Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 février 2018 et 29 avril 2019, M. et Mme A... B..., représentés par Me E..., avocate, demandent à la Cour :
1° de sursoir à statuer dans l'attente de la décision n° 2019-793 QPC à intervenir ;
2° d'annuler ce jugement ;
3° de prononcer la décharge sollicitée ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 320 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- dès lors que la reconstitution de recettes de la SARL Auto-Ecole de la Mairie méconnaît le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts et qu'une méthode respectant ces dispositions conduit à une base imposable de seulement 334 546 euros, inférieure à celle déclarée, le service ne pouvait imposer entre leurs mains des revenus distribués par cette société du fait d'une minoration de ses recettes ;
- les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assises sur la majoration de 25% des revenus distribués en application du c) de l'article 111 et du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ont été établies sur le fondement de dispositions méconnaissant le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;
- le service a, à tort, assorti ces redressements de pénalités sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts, en l'absence de tout manquement délibéré.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... B... se sont vus notifier des redressements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009 à 2011, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, le service les ayant notamment regardés comme les bénéficiaires d'omissions de recettes qu'il a constatées à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Auto-Ecole de la Mairie. M. et Mme A... B... font appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes de décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 25 juin 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé, au bénéfice de M. et Mme A... B..., des dégrèvements à concurrence de 8 803 euros, en droits et pénalités, sur les montants dus au titre des contributions sociales auxquelles les requérants ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, correspondant aux montants des contributions sociales résultant de l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Les conclusions de M. et Mme A... B... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des impositions restant en litige :
3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Lorsqu'une société a mis à disposition d'un tiers des sommes sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, l'existence d'un avantage conféré par la société sans contrepartie, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité. Il résulte, par ailleurs, de ces dispositions que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.
En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :
4. Il résulte de l'instruction qu'après avoir rejeté la comptabilité de la SARL Auto-Ecole de la Mairie jugée irrégulière et non probante, le service a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires à partir des sommes enregistrées au crédit de la table " comptes " du fichier de base de données de son logiciel de gestion, ces sommes correspondant aux paiements enregistrés des prestations facturées aux candidats puis a rapproché ces résultats des chiffres déclarés par l'entreprise en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés. Il a également remis en cause certaines charges regardées comme non engagées dans l'intérêt de l'entreprise.
5. Pour contester la méthode de reconstitution employée, M. et Mme A... B... font valoir que les recettes encaissées par la société auraient dû être rattachées non pas à l'exercice a cours desquels les acomptes ont été perçus mais à l'exercice au cours duquel la formation pour l'obtention du permis de conduire a été achevée, conformément au 2 bis de l'article 38 du code général des impôts selon lequel " (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / (...) ".
6. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'alors même qu'une formation pour l'obtention du permis de conduire pouvait donner lieu à une tarification au " forfait ", le service a constaté, au cours des opérations de contrôle, que les paiements des élèves se faisaient au fur et à mesure de la réalisation des prestations et que seules les prestations effectivement consommées ont été retenues. Il résulte notamment de la proposition de rectification adressée à la société que les sommes portées au crédit de la table " comptes " du fichier de gestion correspondent aux paiements des prestations sollicitées par les candidats. Le ministre fait valoir à cet égard que figurent au sein de ce logiciel, notamment, les acomptes versés, les prestations afférentes ainsi que les modalités de paiement des prestations facturées aux clients et qu'il résulte des propres éléments fournis par les requérants que, dans le cadre d'un forfait, le paiement est échelonné dans le temps et appelé sous formes d'acomptes lors de la consommation des prestations incluses dans ce forfait. Si M. et Mme A... B... indiquent, à titre d'exemple, qu'un forfait de conduite peut être encaissé avant l'exécution des heures de conduite, ils n'apportent aucun élément probant permettant de remettre en cause les constatations opérées par le vérificateur et d'établir que des sommes retenues par ce dernier ne correspondraient à des prestations exécutées. Ainsi, dès lors que les conditions d'exploitation de l'entreprise permettaient d'identifier des phases et des échéances successives correspondant à des prestations individualisables et effectivement exécutées, le service n'a pas méconnu les règles de rattachement des produits aux exercices, telles qu'elles résultent des dispositions précitées, les produits étant comptabilisés au fur et à mesure de leur exécution.
7. M. et Mme A... B... proposent, également, devant le juge d'appel, une méthode alternative consistant, à partir des mêmes données issues du logiciel de gestion de la société, à rattacher les paiements réalisés au cours des exercices clos en 2010 et 2011 à ceux au cours desquels leur formation en vue d'obtenir le permis de conduire s'est achevée. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, dès lors que ne sont pas en cause des prestations indissociables s'analysant comme une prestation unique, mais plusieurs prestations distinctes donnant lieu à facturations distinctes, une telle méthode est contraire aux règles de rattachement des produits aux exercices, telles qu'elles résultent des dispositions précitées du 2 bis de l'article 38-2 du code général des impôts.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... B... n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause le montant des recettes reconstitués par le service. L'administration doit donc être regardée comme apportant la preuve de l'exactitude du montant des distributions résultant de cette reconstitution.
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :
9. L'administration fait valoir, sans être contredite, que M. et Mme A... B... disposaient, à la création de la société, de 600 des 700 parts sociales de la SARL Auto-Ecole de la Mairie et que ce n'est que lors de l'assemblée générale de la société du 15 juin 2011 qu'il est fait état de deux autres associés détenant ensemble 356 parts, acquises par la suite par M. F..., que M. A... B... est gérant de la société depuis sa création, que Mme A... B... s'occupe de la partie administrative et financière de son activité, administre le système de gestion informatisée et se présente auprès des fournisseurs comme " co-gérante ", que M. et Mme A... B... disposent de la signature sur le compte bancaire de la société, qu'ils sont les interlocuteurs des fournisseurs et des clients, et qu'ils sont les seuls associés à avoir un rôle actif dans l'activité de la société. En l'absence de toute contestation des requérants sur ce point, le ministre de l'action et des comptes publics apporte des éléments suffisants permettant de regarder M. et Mme A... B... comme les véritables maîtres de l'affaire.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... B... ont bénéficié de recettes dissimulées de la société Auto-Ecole de la Mairie, dont ils sont les maîtres de l'affaire. Ils ont, dès lors, bénéficié d'un avantage qui leur a été conféré sans contrepartie par cette société. Eu égard à ces circonstances, et notamment à cette communauté d'intérêts, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention pour la société, d'octroyer et, pour les appelants, de recevoir une libéralité du fait du versement, sans contrepartie, des sommes en cause. Par suite, elle a pu, à bon droit, imposer ces sommes entre les mains de M. et EL B... comme des revenus distribués sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.
Sur la majoration de 1,25 prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts :
11. Si les requérants entendent contester l'impôt sur le revenu assis sur la majoration de 25% des revenus distribués résultant de l'application du c) de l'article 111 et du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts au motif que ces dispositions législatives méconnaissent le principe consitutionnel d'égalité devant les charges publiques, ce moyen, qui ne pourrait utilement être invoqué que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative, doit être écarté comme irrecevable, sans qu'il soit besoin de sursoir à statuer. En tout état de cause, par sa décision n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019, le Conseil constitutionnel a écarté un tel grief et déclaré conforme à la Constitution l'application des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en tant qu'elles s'appliquent aux revenus distribués taxés sur le fondement du c) de l'article 111 du même code, aucun changement de circonstances n'étant survenu depuis lors.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
13. En l'espèce, pour assortir les redressements contestés de pénalités sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts, le service a relevé l'importance des minorations de recettes provenant de la SARL Auto-Ecole de la Mairie par rapport aux revenus déclarés par les intéressés. Il a également relevé le fait que, compte tenu de leur importance et de leur répétition, M. A... B..., gérant, ne pouvait ignorer ces omissions lesquelles trouvent, pour l'essentiel, leur origine dans des pratiques comptables irrégulières, graves et répétées. Il a relevé enfin qu'en sa qualité d'associé-gérant, M. A... B... a volontairement minoré les encaissements en espèces portés sur les feuilles de caisse remises à son comptable. Dès lors, l'administration établit, comme il lui incombe, le manquement délibéré au sens et pour l'application des dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts précitées et ce, alors même que la SARL Auto-Ecole de la Mairie venait, au cours des années en litige, de débuter son activité. M. et Mme A... B... ne sauraient d'ailleurs se prévaloir d'erreurs dans l'utilisation du logiciel de gestion de l'entreprise et d'erreurs dans la comptabilisation de ses produits selon la " méthode de l'achèvement " dès lors qu'ils ne justifient pas d'erreurs d'utilisation et que, comme cela a été rappelé aux points 5. et 6., la méthode de comptabilisation par l'achèvement des prestations évoquée serait, en tout état de cause, contraire au 2 bis de l'article 38 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a refusé de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à hauteur des sommes encore en litige en appel. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de faire droit à leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence des montants de contributions sociales des années 2009, 2010 et 2011 dégrevés en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... B... est rejeté.
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N° 18VE00415