Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2018, M. A... E..., représenté par Me D..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n°1604281 du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
2° d'annuler la décision implicite par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle a confirmé la décision de la présidente de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle d'Ile-de-France portant retrait de sa carte professionnelle ;
3° d'enjoindre à la commission interrégionale d'agrément et de contrôle d'Ile de France, à titre principal, de lui délivrer une carte professionnelle l'autorisant à exercer des activités privées de sécurité dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous cette même astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à régler à Me D... au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ce dernier renonçant dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de fait ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me C..., pour le Conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision en date du 24 novembre 2015, M. E... s'est vu délivrer par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle d'Ile-de-France une carte professionnelle lui permettant d'exercer la profession d'agent de surveillance humaine ou surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou gardiennage d'une durée de validité de cinq ans. Par une délibération en date du 21 décembre 2015, notifiée le 23 décembre suivant, la commission a toutefois décidé du retrait de cette carte professionnelle. M. E... a saisi, par courrier en date du 16 février 2016, la commission nationale d'agrément et de contrôle d'un recours contre cette décision. Une décision implicite de rejet de ce recours est née le 18 avril 2016, confirmée par une décision expresse le 2 mai 2016. M. E... a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande d'annulation de ces décisions. Par un jugement n°1604281 du 2 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir redirigé les conclusions de M. E... contre la décision explicite de rejet de son recours administratif, a rejeté sa demande. M. E... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-6 du même code : " Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande, dans les délais du recours contentieux, l'autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs. Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 2 mai 2016 de la commission nationale d'agrément et de contrôle comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Notamment, elle indique " qu'il ressort de l'enquête administrative diligentée (...) que M. A... E... est connu au fichier des personnes recherchées ", " qu'il ressort de l'enquête administrative relative à la situation de M. A... E... que le comportement du demandeur est susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, à la sécurité publique, à la sûreté de l'Etat et qu'il est contraire à la probité ; qu'ainsi la décision de délivrance d'une carte professionnelle du 24 novembre 2015 est illégale ", " (...) que, compte tenu de l'extrême sensibilité des missions confiées aux agents de sécurité, les éléments portés à la connaissance de la commission s'opposent, pour des raisons de protection de l'ordre public, à la délivrance d'une carte professionnelle au requérant ". Dès lors, et eu égard notamment au contexte dans lequel cette décision a été prise, soit quelques jours après les attentats ayant frappé la France le 13 novembre 2015, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration posent en principe que les décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du même code sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable, ces dispositions réservent expressément l'hypothèse dans laquelle il est statué sur une demande. Le moyen tiré de ce que la décision du 2 mai 2016 rejetant le recours administratif présenté par M. E... serait intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire doit donc, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) 2° s'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ;/ (...) La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3°. / (...) En cas d'urgence, le président de la commission d'agrément et de contrôle territorialement compétente peut retirer la carte professionnelle. En outre, le représentant de l'Etat peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l'ordre public.".
6. M. E... soutient que la décision attaquée serait entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'avait commis aucun acte justifiant son inscription au fichier des personnes recherchées. Toutefois, les pièces versées au dossier de première instance par l'administration et, notamment, la note blanche établie par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure le 25 mars 2016, rapporte que l'intéressé s'est rendu en 2013 en zone irako-syrienne pour combattre dans les rangs de l'Etat islamique. Elle indique également, qu'avant son départ sur zone, l'intéressé, d'origine tchétchène, a été contrôle le 17 mai 2013 en provenance de Turquie par les services de police roumains en possession d'un plan de Bruxelles et d'un ordinateur contenant des vidéos de gares d'Europe de l'Ouest. Il voyageait alors en compagnie de deux ressortissants tchétchènes radicaux ayant combattu en zone de jihad en Syrie. La note se conclut en indiquant que l'intéressé est par ailleurs connu pour être impliqué dans un trafic de marchandises visant à financer l'Emirat islamique du Caucase. M. E... ne conteste pas utilement ces constatations en se bornant à produire des factures, relevés de comptes bancaires retraçant des opérations, courriers de la Caisse d'allocations familiales et avis d'imposition qui n'établissent pas sa présence de manière continue en France, sans aucune sortie du territoire, pour l'année 2013. La circonstance que l'autorité administrative ne justifie d'aucune poursuite pénale engagée à son encontre est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. L'erreur de fait alléguée n'est donc pas établie.
7. M. E... n'établit pas davantage l'erreur manifeste d'appréciation alléguée en se bornant à soutenir que la décision attaquée saurait des conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Le Conseil national des activités privées de sécurité, n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. E... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. E... la somme de 500 euros demandée par le Conseil national des activités privées de sécurité au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera au Conseil national des activités privées de sécurité une somme de 500 (cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N°18VE04332 2