Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2020, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B....
Il soutient que :
- le collège des médecins a estimé que l'enfant D... pouvait bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ;
- il existe une structure spécialisée en Tunisie d'accueil des enfants autistes, contrairement à ce que soutenait Mme B..., et l'accueil y est gratuit pour les familles nécessiteuses.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique:
- le rapport de Mme F... ;
- et les observations de Me C..., pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... E... épouse B..., de nationalité tunisienne, a demandé son admission au séjour en qualité d'accompagnant de malade dans le cadre de l'article L.311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par arrêté du 14 août 2019, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. Pour annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant eu égard à la gravité des troubles dont l'enfant de Mme B... souffre, à l'importance de la continuité des soins, à l'absence de preuve qu'elle pourrait bénéficier de soins équivalents dans son pays d'origine.
4.Il ressort des pièces du dossier que l'enfant D... B..., né le 9 octobre 2010 en Tunisie, souffre de troubles autistiques sévères. Sa mère, Mme B... est entrée selon ses déclarations en janvier 2017, afin de permettre à l'enfant de bénéficier d'une prise en charge médicale. Elle produit un certificat médical daté du 7 avril 2017 établi " en vue de l'obtention d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade " indiquant que l'enfant ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, l'avis du collège des médecins rendu le 23 juillet 2019 estime que si le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'enfant peut effectivement bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Le préfet du Val-d'Oise produit d'ailleurs en ce sens un article relatif à l'ouverture d'un centre public pour enfants autistes en Tunisie, à compter de janvier 2019, prévoyant une prise en charge par une équipe pluridisciplinaire et permettant aux familles nécessiteuses une prise en charge gratuite de leur enfant, contrairement aux structures privées déjà existantes en Tunisie et accueillants des enfants autistes. Dans ces conditions, et eu égard à l'offre de soins existant en Tunisie, alors même que l'enfant souffre de troubles graves, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations précitées.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise que devant la Cour.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, l'arrêté attaqué été signé par Mme G... H..., adjointe au directeur des migrations et de l'intégration à la préfecture du Val-d'Oise, qui bénéficie d'une délégation permanente de signature en vertu d'un arrêté du préfet du Val-d'Oise du 17 juin 2019, régulièrement publié. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté sans qu'il y ait lieu de justifier de l'absence ou de l'empêchement des délégants.
7. En deuxième lieu, la décision qui vise les textes applicables, indique le fondement sur lequel la demande est présentée, vise l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ainsi que les pièces versées au dossier à l'appui de la demande en mentionnant qu'elles ne permettent pas d'infirmer cet avis, indique que l'intéressée ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour, que son mari fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère et ses soeurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
9. L'avis rendu par le collège de médecins le 23 juillet 2019 produit par le préfet comporte toutes les mentions requises par les dispositions précitées, ainsi que la signature des trois médecins composant le collège. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
10. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents d'un étranger mineur qui remplit les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code. Selon ces dernières dispositions, l'autorité administrative délivre un titre de séjour, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'OFII, à l'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il ne pourrait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
11. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, l'enfant D..., né en 2010, souffre de troubles autistiques sévères et a bénéficié d'une prise en charge médicale lors de son arrivée en France en 2017. Toutefois, selon l'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 23 juillet 2019 l'enfant peut effectivement bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Le préfet du Val-d'Oise produit, ainsi qu'il a été dit un article relatif à l'ouverture en Tunisie dès janvier 2019 d'un centre spécialisé pour l'accueil d'enfants autistes, regroupant une trentaine de soignants et permettant une prise en charge pluridisciplinaire. En outre, ce centre, contrairement aux structures de soins privées pour autistes déjà existantes en Tunisie, prévoit un accueil gratuit des enfants pour les familles nécessiteuses. La circonstance que l'enfant D... n'ait pas été soignée dans son pays d'origine avant son arrivée en France en 2017 ne permet pas de remettre en cause l'existence de structures de soins. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le préfet du Val-d'Oise a méconnu l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle. Il ne ressort pas par ailleurs des termes de la décision attaquée que le préfet se serait cru lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".
13. Mme B... est entrée en France en 2017, à l'âge de 33 ans, accompagnée de son enfant mineur. Eu égard aux circonstances exposées au point 11, son enfant malade peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Mme B... ne peut par ailleurs utilement se prévaloir de la circonstance postérieure à la décision attaquée que son époux a obtenu la délivrance d'un titre de séjour d'un an valable jusqu'en juillet 2021. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
15. Mme B... invoque les troubles autistiques graves de sa fille, sa prise en charge médicale par une équipe pluridisciplinaire et leur hébergement par le SAMU social. Ces éléments, compte tenu notamment de la possibilité d'une prise en charge médicale en Tunisie, ne peuvent toutefois être regardés comme traduisant l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
16. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence du signataire et de l'insuffisance de motivation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7 du présent arrêt.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants(...)3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; "
18. Le préfet du Val-d'Oise ayant refusé à Mme B... la délivrance du titre de séjour sollicité, il pouvait légalement l'obliger à quitter le territoire français. Le moyen tiré du défaut de base légale doit par suite être écarté.
19. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 11 et 13 du présent arrêt.
Sur le délai de départ volontaire :
20. Aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français(...)"
21. Le préfet du Val-d'Oise ayant accordé à Mme B... un délai de départ volontaire de trente jours, ainsi que les dispositions précitées le prévoient, aucune motivation de ce délai n'était nécessaire. Par ailleurs, Mme B... ne justifie pas avoir sollicité un rendez-vous pour faire valoir ses observations relatives à l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur au délai de trente jours. Enfin, les circonstances invoquées par Mme B... relatives à l'état de santé de son enfant, qui lui permet de voyager sans risque selon l'avis du collège des médecins de l'OFII, ne sont pas de nature à justifier l'octroi d'un délai de départ supérieur au délai légal de trente jours.
Sur la décision fixant le pays de destination :
22. Les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et faisant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégales, le moyen tiré de l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
23. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté du 14 août 2019 refusant la délivrance à Mme B... d'un titre de séjour, prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 14 août 2019. La demande qu'elle a présentée à cette fin doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les demandes aux fins d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°1911459 du 30 juillet 2020 du Tribunal administrative de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administrative de Cergy-Pontoise est rejetée.
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N°2002060