Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2016, M.A..., représenté par Me Perrin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pourvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil, Me Perrin, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- compte tenu de la durée de son séjour en France depuis plus de dix ans, il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu de cette durée et de sa bonne intégration en France, ce refus a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;
- cette décision est insuffisamment motivée au regard des exigences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- compte tenu de sa situation personnelle, cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- cette décision est insuffisamment motivée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- et les observations de Me Perrin pour M.A....
1. Considérant que M.A..., ressortissant pakistanais né le 3 janvier 1971, qui s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 31 mai 2013 au 30 mai 2014, a sollicité, le 9 mai 2014, le renouvellement de son titre de séjour ; que, par un arrêté du 12 juin 2015, le préfet de l'Essonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. A...relève appel du jugement du 5 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige, qui vise l'article L. 313-10 (1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que, " lors du dépôt de son dossier de renouvellement en tant que salarié, M. A...a changé d'employeur et de qualification et a fourni un nouveau contrat de travail " ; qu'elle reproduit l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en date du 5 septembre 2014, selon lequel le nouvel employeur de l'intéressé " ne respecte pas les conditions d'emploi et de rémunération, le salaire proposé [étant] inférieur au salaire minimum brut prévu à l'alinéa 6 de l'article R. 5221-20 du code du travail ", et " ne peut justifier d'une difficulté de recrutement ", 9 462 offres d'emploi ayant été recensées pour 17 387 demandes concernant la profession concernée, et mentionne en conséquence " qu'au vu des éléments du dossier [...], l'intéressé ne peut prétendre au renouvellement de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-10 (1°) " ; que la décision en litige fait état également de ce que M. A..." déclare être célibataire et sans charge de famille en France " et " ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ", de sorte " qu'au regard de ces éléments ", sa demande " ne peut être considérée comme remplissant les conditions pour bénéficier d'une admission au séjour au titre de la vie privée et familiale " ; qu'ainsi, cette décision, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, en particulier la durée de son séjour en France, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, aujourd'hui codifiés aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...). " ;
4. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, si les dispositions de l'article L. 313-14 permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " salarié " à un étranger pour des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à cette règle ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;
5. Considérant qu'en l'espèce, M. A...n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, s'être prévalu devant le préfet de l'Essonne, dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de son titre de séjour portant la mention " salarié ", du bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 313-14 et, en particulier, de la durée de son séjour en France depuis le 3 décembre 1997, date alléguée de son entrée sur le territoire ; que, par ailleurs, s'il ressort de la motivation de la décision en litige, rappelée au point 2, que le préfet de l'Essonne a examiné d'office la situation personnelle de l'intéressé en vue d'une mesure de régularisation éventuelle au titre de la vie privée et familiale, il ne ressort pas, en revanche, des pièces du dossier qu'en refusant à M. A...une telle mesure, l'autorité préfectorale aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation personnelle de l'intéressé ; qu'à cet égard, les différents documents que le requérant produit afin de justifier sa résidence habituelle en France, notamment pour les années 2005 à 2007, ne permettent pas d'établir l'ancienneté et la continuité de son séjour sur le territoire ; qu'en effet, l'intéressé ne produit, pour lesdites années, que quelques ordonnances ou résultats d'analyses médicales, attestations de médecins, bordereaux de remise de chèque et documents relatifs à une domiciliation administrative ou à l'aide médicale d'Etat, documents épars, ne couvrant que très partiellement les années en cause et qui, par leur faible nombre, leur nature ou leur caractère insuffisamment probant, ne sont pas de nature à établir sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance qu'il résiderait habituellement en France depuis le 3 décembre 1997 ne saurait constituer, à elle seule, un motif exceptionnel de nature à justifier une mesure de régularisation ; qu'enfin, l'intéressé, qui n'apporte d'ailleurs aucune précision sur ses conditions d'existence sur le territoire et ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle stable et ancienne, est célibataire et sans charge de famille et n'allègue pas être dépourvu de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. A...pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
7. Considérant que M. A...se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le 3 décembre 1997 et soutient qu'il y est bien intégré, que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que le centre de ses intérêts privés se trouvent sur le territoire français ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, le requérant ne justifie ni de l'ancienneté et de la continuité de son séjour sur le territoire, ni d'une insertion professionnelle stable et ancienne en France, ni, enfin, des liens personnels et sociaux qu'il y aurait noués ; qu'en outre, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille sur le territoire, n'établit, ni n'allègue sérieusement, l'existence d'une circonstance faisant obstacle à ce qu'il poursuive sa vie à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine où il n'allègue pas être dépourvu de toute attache ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige portant refus de renouvellement de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour prise à son encontre ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) : 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office (...). " ;
10. Considérant que si les dispositions précitées ne dispensent pas l'auteur d'une décision portant obligation de quitter le territoire français de motiver une telle mesure, ces dispositions prévoient cependant que, dans les cas prévus par le 3° et le 5° du I de l'article L. 511-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ; qu'en l'espèce, dès lors que, d'une part, le refus de renouvellement de titre de séjour opposé à M. A...comporte, ainsi qu'il a été dit au point 2, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé, et, d'autre part, que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est expressément visé par la mesure d'éloignement attaquée, cette décision n'appelle pas d'autre mention spécifique pour respecter l'exigence de motivation posée par le I de l'article L. 511-1 ; qu'en particulier, la circonstance que le préfet de l'Essonne n'a pas mentionné que la mesure d'éloignement trouve son fondement dans le 3° du I de l'article L. 511-1 n'est pas de nature à entacher sa décision d'insuffisance de motivation en droit dès lors que ce fondement légal se déduit des mentions de l'arrêté en litige ;
11. Considérant, enfin, que M. A...n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés à l'encontre de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, à l'appui du moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant, d'autre part, que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait insuffisamment motivée n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 16VE01826