Par une ordonnance n° 19VE00882 du 30 juillet 2019, le président de la 2ème chambre de la cour a rejeté la requête formée par M. A... contre ce jugement comme manifestement irrecevable.
Par une décision n° 435652 du 23 octobre 2020, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de
M. A..., annulé l'ordonnance du 30 juillet 2019 et renvoyé l'affaire à la cour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 1er et 15 mars 2019, et après cassation et renvoi, par un mémoire enregistré le 27 janvier 2021, M. A..., représenté par
Me C..., avocat, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle;
2°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2017 ;
4°) d'enjoindre aux services préfectoraux à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
M. A... soutient que :
- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le tribunal administratif n'a pas fait application de la version de l'article
L. 313-11 11° qui lui était applicable ;
- elle est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et entachée d'une absence d'examen personnalisé de sa situation ;
- elle a été rendue à la suite d'une procédure inéquitable dès lors que l'avis médical ne lui a pas été transmis, de même que les éléments sur lesquels l'OFII s'est fondé pour considérer que le traitement auquel il est astreint est disponible dans son pays d'origine ;
- elle ne fait aucune référence à un éventuel rapport médical ni à la date à laquelle il aurait été établi puis transmis ; en l'absence de production du rapport médical, la décision est illégale dès lors qu'on ne peut identifier l'auteur de ce rapport et vérifier qu'il n'a pas siégé parmi le collège de médecins de l'OFII ;
- si l'avis du collège de l'OFII a été communiqué, les informations, bases de données et sources sur lesquelles est fondé cet avis n'ont pas été communiquées ;
- en considérant que la charge de la preuve reposait exclusivement sur le requérant et que l'administration n'avait pas à produire les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour considérer que le traitement médical était disponible dans son pays d'origine, les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; ils ont également méconnu son droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est atteint du VIH et ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Haïti ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'absence de motivation en droit et en fait ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet a fixé le délai de trente jours de manière automatique et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien né le 3 décembre 1984, entré en France le 17 juillet 2010, a sollicité le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 avril 2017, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une ordonnance du 30 juillet 2019, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement pour avoir été tardivement présenté. Par une décision du 23 octobre 2020, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire à la cour.
Sur la demande d'aide provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
5. Le requérant soutient que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin ayant dressé le rapport médical prévu par les dispositions précitées de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant émis l'avis du 22 mars 2017. En dépit de la mesure d'instruction diligentée par la cour, le préfet du Val-d'Oise n'a produit aucun élément permettant l'identification du médecin qui a rédigé le rapport médical au vu duquel le collège de médecins de l'OFII a émis son avis le 22 mars 2017 sur l'état de santé du requérant. Dès lors, il n'est pas justifié que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège de médecins ci-dessus. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision du 14 avril 2017 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour a été prise à la suite d'une procédure irrégulière. Cette décision doit, dès lors, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision faisant obligation au requérant de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 5, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Val-d'Oise de prendre à nouveau une décision sur la demande de titre de séjour présentée par M. A..., après une nouvelle instruction, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. En application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le requérant soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre définitif, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me C..., ou au bénéfice de
M. A... dans le cas où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée à titre définitif.
DÉCIDE :
Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à M. A....
Article 2 : Le jugement n° 1711071 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 septembre 2018 et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 14 avril 2017 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à la mission de l'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, dans l'hypothèse où M. A... obtiendrait l'aide juridictionnelle à titre définitif. Dans l'hypothèse où M. A... n'obtiendrait pas le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre définitif, l'Etat versera directement à M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Ablard, premier conseiller,
Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.
La rapporteure,
J. B...La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. BRIDETLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 20VE02825