Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2017, M.B..., représenté par Me Semak, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;
2° d'annuler cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de condamner l'Etat à verser à Me Semak la somme de 3 600 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, cet avocat renonçant le cas échéant à percevoir la part contributive de l'Etat allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît le droit à être entendu, dans la mesure où il n'a pas pu présenter ses observations écrites et orales devant l'autorité préfectorale avant l'édiction de cette décision ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant ivoirien, entré en France le 26 octobre 2012, selon ses dires, relève appel du jugement en date du 18 avril 2017 en tant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 février 2017 portant obligation à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code de relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
3. L'arrêté en litige, qui fait notamment référence aux dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M.B..., qui ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, est dépourvu de titre de séjour en cours de validité. L'arrêté fait également état de ce que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, cet arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision au regard des exigences des dispositions précitées manque en fait et doit donc être écarté.
4. M. B...soutient que le préfet a été saisi d'une demande de titre de séjour déposée le 4 janvier 2017 auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis et qu'il ne pouvait prendre une mesure lui faisant obligation de quitter le territoire français sans avoir au préalable statué sur cette demande de titre de séjour. Toutefois, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger qui se trouve, à l'instar de M. B..., dans l'un des cas mentionnés en particulier au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le requérant se borne à soutenir qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, M. B..., qui n'a pas justifié être entré régulièrement sur le territoire français, comme l'a relevé l'arrêté en litige et qui ne relève pas du cas où il pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, entrait dans le cas visé au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut prononcer une obligation de quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la demande de M. B...ne peut qu'être écarté.
5. L'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne stipule que : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ". Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait, cependant, être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Ainsi, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
6. Il ressort des pièces du dossier et, notamment du procès-verbal de son audition par les services de police dans la matinée du 21 février 2017, que M. B...a été mis à même de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur les conditions de son séjour, et sur sa situation familiale, en particulier en tant que père d'un enfant mineur. Dès lors qu'il avait admis être dépourvu de titre de séjour, il ne pouvait sérieusement ignorer que l'irrégularité de sa situation l'exposait à une décision portant obligation de quitter le territoire français. En outre, il ne démontre pas avoir été privé de la possibilité de faire valoir des éléments pertinents de nature à influer sur le contenu de la décision prise à son égard. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été privé de son droit à être entendu ne peut qu'être écarté.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...). ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. M. B...soutient que son père réside régulièrement et de longue date en France, qu'il est lui-même le père d'un enfant né en France le 9 janvier 2017, issu de son union avec une ressortissante ivoirienne titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024 et qu'il participe financièrement aux charges du foyer. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... ne justifie d'aucune vie commune avec la mère de l'enfant, qui vit avec ce dernier chez ses parents dans l'Essonne alors qu'il réside en Seine-Saint-Denis. De plus, il ne démontre pas participer à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, dont il a au surplus déclaré dans le procès-verbal d'audition ne pas avoir la charge, par la seule production d'une promesse d'embauche de la société VMA Poseur en date du 22 août 2016 en qualité d'ouvrier poseur, et de relevés bancaires où figurent des virements de cette société pour la période, postérieure à l'arrêté en litige, de mai à septembre 2017. Enfin, M. B...n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside à tout le moins son autre enfant mineur né en 2010. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. L'arrêté en litige n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que cette mesure n'a pas été prise en application d'une décision illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité entachant cette mesure ne peut qu'être écarté.
10. Il ressort de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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N° 17VE03255