Procédure devant la Cour :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 juin 2015 et 12 avril 2016, la société BARCLAYS BANK PLC, représentée par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société BARCLAYS BANK PLC soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa filiale intégrée la société Barclays Private Equity France (BPEF), alors même qu'elle n'avait pas, à l'époque, formulé d'option explicite en ce sens dans sa déclaration de résultats ni ne l'avait davantage mentionné dans l'état de suivi prévu à l'article 54 septies du code général des impôts, a bien primitivement bénéficié, au titre de l'exercice clos en 2004, du sursis d'imposition prévu au 7 bis de l'article 38 du même code pour l'opération d'échange des titres qu'elle détenait dans la société Fauchon Holding contre ceux de la société Groupe Fauchon, qui a absorbé celle-ci en 2004, dans la mesure où la société BPEF n'a pas pris en compte le profit ou la perte réalisé lors de cet échange dans les résultats de cet exercice mais dans ceux de l'exercice 2005 au cours duquel les titres reçus à l'échange ont ensuite été cédés ;
- contrairement à ce qu'ont retenu l'administration et les premiers juges, la société BPEF n'a procédé, à l'occasion de cette opération d'échange de titres, à aucun transfert de compte à compte, au sens et pour l'application du 5ème alinéa du a ter) du I de l'article 219 du code général des impôts, dès lors que les titres de la société Fauchon Holding, remis à l'échange, sont demeurés inscrits en compte de titres de participation jusqu'à leur échange et que ceux de la société Groupe Fauchon, titres distincts reçus à l'échange, ont dès l'origine été inscrits dans le compte de titres immobilisés de l'activité de portefeuille ;
- cette analyse est, au demeurant, corroborée par la doctrine administrative figurant au paragraphe n° 140 du bulletin officiel des finances publiques référencé BOI-IS-FUS-50-20, qui commente le régime de sursis d'imposition prévu au 7 bis de l'article 38 du code général des impôts et énonce que, lorsque des titres sont successivement transférés de compte à compte puis échangés, le régime fiscal applicable au résultat de la cession ultérieure des titres reçus à l'échange est déterminé en fonction de l'inscription comptable de ces derniers, " indépendamment du régime qui aurait normalement dû être appliqué aux titres remis à l'échange ".
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, pour la société BARCLAYS BANK PLC.
1. Considérant que la société Barclays Private Equity France (BPEF), filiale intégrée de la société BARCLAYS BANK PLC, a successivement fait l'acquisition de 20 579 actions de la société Fauchon Holding en 1998, puis de 6 391 actions supplémentaires en 2002 et 2003, soit un total de 26 970 actions, représentant plus de 30 % du capital de ladite société, qu'elle a inscrites au bilan dans le compte " titres de participation " ; qu'à la suite de la fusion-absorption de la société Fauchon Holding par la société Groupe Fauchon, intervenue en 2004, la société BPEF s'est vu attribuer 70 998 actions de cette dernière, dont 26 970 reçues en échange de celles antérieurement détenues dans la société Fauchon Holding ainsi absorbée et 44 027 actions supplémentaires souscrites par compensation avec une créance antérieure, actions nouvelles, représentant moins de 10 % du capital de l'absorbante, que la société BPEF a alors inscrites au bilan dans le compte " titres immobilisés de l'activité de portefeuille " ; que la société BPEF, qui indique avoir placé la moins-value constatée sur les titres Fauchon Holding, lors de leur remise à l'échange, sous le bénéfice du sursis d'imposition prévu au 7 bis de l'article 38 du code général des impôts, n'a pas déclaré celle-ci au titre de l'exercice clos en 2004 ; que la société BPEF a ultérieurement cédé, le 26 juillet 2005, la totalité de ses titres Groupe Fauchon, dont ceux reçus à l'échange, et a constaté, à ce titre, une moins-value à court terme de 6 880 086 euros, qu'elle a imputée sur ses résultats de l'exercice 2005 imposables au taux de droit commun ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration, estimant que les 20 579 actions Fauchon Holding que la société BPEF avait détenues durant plus de deux ans, à la date de leur remise à l'échange en 2004 contre les actions Groupe Fauchon, devaient être regardées comme ayant fait l'objet, à cette occasion, d'un transfert du compte de titres de participation à un autre compte du bilan, au sens du 5ème alinéa du a ter) du I de l'article 219 du code général des impôts, en a déduit que la moins-value de cession des 20 579 actions Groupe Fauchon reçues à l'échange, constatée pour un montant de 2 519 878 euros, devait être soumise, par application de ces dispositions, au régime fiscal qui aurait été appliqué lors de ce transfert, à savoir celui des plus et moins-values à long terme, imposables au taux réduit ; qu'en conséquence, le service a rectifié les résultats déclarés par la société BPEF au titre de l'exercice clos en 2005, en rehaussant de 2 519 878 euros ceux imposables au taux normal et en réduisant, à due proportion, ceux passibles du taux réduit ; que la société BARCLAYS BANK PLC a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie à raison de cette rectification, en qualité de société " tête de groupe ", au titre de l'exercice clos en 2005, pour un montant total de 546 125 euros ; que, par jugement n° 1306538 du 4 mai 2015, dont la société BARCLAYS BANK PLC relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 219 du code général des impôts : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. / Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : / a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 % (...). / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005, le taux d'imposition visé au premier alinéa est fixé à 15 %. / (...) a ter) (...) Lorsque l'entreprise transfère des titres du compte de titres de participation à un autre compte du bilan, la plus-value ou la moins-value, égale à la différence existant entre leur valeur réelle à la date du transfert et celle qu'ils avaient sur le plan fiscal, n'est pas retenue, pour le calcul du résultat ou de la plus-value ou moins-value nette à long terme, au titre de l'exercice de ce transfert ; elle est comprise dans le résultat imposable de l'exercice de cession des titres en cause et soumise au régime fiscal qui lui aurait été appliqué lors du transfert des titres. Le résultat imposable de la cession des titres transférés est calculé par référence à leur valeur réelle à la date du transfert. Le délai mentionné à l'article 39 duodecies est apprécié à cette date(...) " ;
3. Considérant, en l'espèce, que si la société BPEF avait initialement inscrit les 20 579 actions de la société Fauchon Holding qu'elle avait acquises en 1998 dans le compte de titres de participation, il est constant que l'intéressée n'a pas transféré ces actions dans un autre compte du bilan avant de les remettre à l'échange, à l'occasion de l'opération de
fusion-absorption intervenue en 2004 dans les conditions rappelées au point 1 ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que les 20 579 actions de la société Groupe Fauchon alors reçues en échange par la société BPEF ont été, dès l'origine, inscrites au bilan dans le compte de titres immobilisés de l'activité de portefeuille, puis le sont demeurées jusqu'à leur cession, le 26 juillet 2005 ; que, dans ces conditions, les actions Groupe Fauchon ainsi cédées en 2005, distinctes des actions Fauchon Holding contre lesquelles elles avaient été échangées en 2004, ne peuvent être regardées comme ayant été transférées du compte de titres de participation à un autre compte du bilan, au sens des dispositions précitées du 5ème alinéa du a ter) du I de l'article 219 du code général des impôts ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a, par application desdites dispositions, soumis la moins-value constatée par la société BPEF à l'occasion de la cession de ses 20 579 actions Groupe Fauchon au régime fiscal des plus et moins-values à long terme, relevant du taux réduit, qui aurait été appliqué aux 20 579 actions Fauchon Holding si elles avaient été transférées du compte de titres de participation à un autre compte du bilan ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) 7 bis. Le profit ou la perte réalisé lors de l'échange de droits sociaux résultant d'une fusion ou d'une scission de sociétés peut être compris dans le résultat de l'exercice au cours duquel les droits sociaux reçus en échange sont cédés. Dans ce cas, le profit ou la perte résultant de la cession ultérieure de ces droits sociaux est déterminé par rapport à la valeur que les droits sociaux remis à l'échange avaient du point de vue fiscal (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 septies du même code : " I. Les entreprises placées sous l'un des régimes prévus par les 5 bis, et 7 à 7 ter de l'article 38 (...) du présent code doivent joindre à leur déclaration de résultat un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître, pour chaque nature d'élément, les renseignements nécessaires au calcul du résultat imposable de la cession ultérieure des éléments considérés (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des propositions de rectification adressées à la société BPEF les 22 décembre 2008 et 19 mai 2009 que, pour procéder à la rectification contestée, le service s'est exclusivement fondé, comme déjà exposé aux points 1 à 3, sur le 5ème alinéa du a ter) du I de l'article 219 du code général des impôts ; que si, en réponse aux moyens soulevés par la requérante en première instance et devant la Cour de céans, l'administration a également fait valoir que la société BPEF n'aurait pas régulièrement opté pour que la perte constatée lors de l'échange des actions Fauchon Holding puisse bénéficier, au titre de l'exercice clos en 2004, du sursis d'imposition régi par les dispositions précitées du 7 bis de l'article 38 du même code, à défaut notamment de l'avoir mentionné, à l'époque, sur l'état de suivi prévu à l'article 54 septies du même code, le ministre ne présente, à l'occasion de la présente instance, aucune demande expresse de substitution de base légale ou de motif ; qu'au surplus, si elle aurait dû emporter la prise en compte immédiate de la perte constatée sur les titres Fauchon Holding ainsi remis à l'échange pour la détermination des résultats imposables au titre de l'exercice 2004, une absence d'application de ce sursis d'imposition ne pourrait, en revanche, justifier la rectification contestée, qui a uniquement pour objet de soumettre, au titre de l'exercice 2005, la moins-value de cession des titres Groupe Fauchon reçus à l'échange au régime fiscal du long terme susmentionné ; que, par suite, la remise en cause du sursis d'imposition prévu au 7 bis de l'article 38 du code général des impôts ne saurait, en tout état de cause, fonder les suppléments d'impositions en litige ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société BARCLAYS BANK PLC est, pour ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société BARCLAYS BANK PLC d'une somme de 2 000 euros en remboursement des frais que celle-ci a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Montreuil le 4 mai 2015 sous le n° 1306538 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société BARCLAYS BANK PLC la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en qualité de société " tête de groupe ", au titre de l'exercice clos en 2005, pour un montant total de 546 125 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la société BARCLAYS BANK PLC une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 15VE02067