Procédure devant la Cour :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril 2016 et 14 avril 2017, la SARL LE ROYAL BAMBOU, représentée par Me Gaudron, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL LE ROYAL BAMBOU soutient que :
- la proposition de rectification du 23 mai 2011 est insuffisamment motivée dès lors qu'elle contient, dans l'exposé de la reconstitution de recettes opérée par le service, une contradiction et, par suite, une information erronée, sur la prise en compte des achats de vin revendu en pichets ;
- l'administration comme les premiers juges ne pouvaient, pour justifier le rejet de sa comptabilité, se fonder sur le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dont les dispositions étaient inapplicables en l'espèce ;
- c'est à tort que le service a rejeté sa comptabilité au titre de la période vérifiée ;
- en conséquence, la charge de la preuve ne peut lui être attribuée par application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution suivie est trop sommaire, compte tenu de l'erreur susmentionnée portant sur les achats de vin revendu en pichets, du caractère insuffisant du taux de pertes et offerts, ainsi que de l'absence de pertinence de l'extrapolation sur 2008 de la reconstitution opérée sur 2009 ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont injustifiées.
........................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL LE ROYAL BAMBOU, qui exploite un restaurant asiatique à Conflans-Sainte-Honorine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009. A la suite de ce contrôle, l'administration, après avoir rejeté la comptabilité présentée par la SARL LE ROYAL BAMBOU sur l'ensemble de la période vérifiée et reconstitué extracomptablement ses recettes suivant la méthode dite " des vins ", a, suivant la procédure de rectification contradictoire, établi des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période et rehaussé les bénéfices imposables de l'intéressée sur les exercices concernés. La SARL LE ROYAL BAMBOU a demandé au Tribunal administratif de Versailles de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été consécutivement assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009. Par un jugement n° 1302281 du 8 mars 2016, dont la SARL LE ROYAL BAMBOU relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. / II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 (...) ". Doivent être regardés comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens de ces dispositions, dont les données sont soumises au contrôle qu'elles prévoient, les progiciels de comptabilité sur lesquels sont reportées les recettes journalières ainsi que les caisses ou équipements de nature comparable dotés de logiciels informatiques participant, même indirectement, à la centralisation des recettes journalières dès lors qu'ils concourent effectivement à l'établissement de la comptabilité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que les données de ces caisses ou équipements ne soient pas transmises de manière informatique au progiciel de comptabilité.
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction et, notamment, des motifs de la proposition de rectification du 23 mai 2011 que la SARL LE ROYAL BAMBOU disposait, au cours de la période vérifiée, de caisses enregistreuses dotées de logiciels informatiques centralisant les recettes journalières, données à partir desquelles a été ensuite établie la comptabilité de l'entreprise. En application des principes rappelés au point 2, ces caisses doivent ainsi être regardées comme des systèmes informatisés de tenue de comptabilité, au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, même si leurs données n'étaient pas transmises de manière informatique à un progiciel de comptabilité. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence d'une telle transmission informatisée, l'administration ne pouvait pas faire application de ces dispositions, à l'occasion de la vérification de comptabilité diligentée en l'espèce, sans entacher d'irrégularité la procédure d'imposition suivie.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
5. Par la proposition de rectification susmentionnée du 23 mai 2011, le service a notamment informé la SARL LE ROYAL BAMBOU de ce qu'il envisageait de procéder, suivant la procédure contradictoire, au rehaussement de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, et à l'établissement de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes correspondantes. Ce document, qui rappelle les bases d'imposition primitivement déclarées par la requérante, énonce également, avec une précision suffisante, les motifs de droit et de fait sur lesquels le vérificateur s'est fondé pour rejeter la comptabilité présentée au titre de la période vérifiée et pour procéder à la reconstitution des recettes de l'intéressée, ainsi que le montant des rectifications en résultant. A cet égard, si la SARL LE ROYAL BAMBOU soutient que l'exposé de cette reconstitution contiendrait une contradiction et une mention erronée selon laquelle l'administration aurait tenu compte des ventes de vin en pichets, le mal fondé de cette mention est sans incidence sur la régularité formelle de la proposition de rectification du 23 mai 2011. Dans ces conditions, cette dernière était suffisamment motivée pour permettre à l'intéressée de faire utilement valoir ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait, y compris s'agissant de la vente de vin en pichets, par lettre du 7 juillet 2011. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des suppléments d'impositions en litige :
S'agissant du rejet de la comptabilité :
6. La SARL LE ROYAL BAMBOU reprend, en cause d'appel, le moyen tiré de ce que le service n'était pas fondé à rejeter la comptabilité qu'elle avait présentée au titre de la période vérifiée, motif pris notamment de ce que les pièces y afférentes ne permettaient pas de justifier le détail des recettes journalières enregistrées par l'intéressée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
S'agissant de la charge de la preuve :
7. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) ".
8. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la comptabilité présentée par la SARL LE ROYAL BAMBOU au titre de l'ensemble de la période vérifiée doit être regardée comme comportant de graves irrégularités. D'autre part, il résulte de l'instruction que les suppléments d'impositions en litige ont été établis conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 24 janvier 2012. Dès lors, il incombe à la requérante d'établir le mal fondé ou l'exagération de ces suppléments d'impositions.
S'agissant de la reconstitution de recettes :
9. En premier lieu, la SARL LE ROYAL BAMBOU, pour contester la reconstitution de recettes opérée par le service suivant la méthode dite " des vins ", soutient que le vérificateur aurait omis, ainsi qu'il a été dit au point 5, de tenir compte des ventes de vin en pichet, en plus des ventes au verre ou à la bouteille, ainsi qu'elle l'avait d'ailleurs fait valoir dans sa lettre d'observations du 7 juillet 2011 sur la proposition de rectification susmentionnée du 23 mai 2011. Néanmoins, il résulte de l'instruction que la prise en compte des achats revendus de vin en pichet aurait, en l'espèce, pour effet de majorer encore le montant des recettes totales reconstituées de la requérante au titre des exercices vérifiés, pour les motifs lui ayant déjà été clairement exposés, accompagnés des données chiffrées correspondantes, dans la réponse aux observations du contribuable lui ayant été notifiée par l'administration le 5 août 2011, calculs dont l'intéressée ne conteste pas l'exactitude à l'occasion de la présente instance. Aussi l'absence de prise en compte des ventes de vin en pichet est-elle favorable à la SARL LE ROYAL BAMBOU. Dès lors, la correction de cette omission, bien que revendiquée par l'intéressée, est insusceptible d'emporter la décharge ou la réduction des suppléments d'impositions en litige.
10. En deuxième lieu, la requérante soutient que les taux de pertes et offerts retenus par l'administration dans sa reconstitution, pour déterminer le montant des achats effectivement revendus, seraient insuffisants. Toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, qu'alors que le gérant de la SARL LE ROYAL BAMBOU avait déclaré, en cours de contrôle, qu'il n'y avait " quasiment pas de pertes " et ne les avait pas quantifiées, le vérificateur a admis d'appliquer, à titre gracieux, un taux de pertes de 1 %, porté à 2% au stade de la réponse aux observations du contribuable susmentionnée du 5 août 2011, d'autre part, que le taux d'offerts à la clientèle, de 0,85 %, a été également retenu d'après les explications du gérant, corroborées par le fichier de caisse de l'entreprise. Or la requérante, à l'occasion de la présente instance, ne produit aucun élément ni aucune pièce justificative permettant d'établir que, eu égard à ses conditions réelles d'exploitation au cours des exercices en litige, elle aurait alors effectivement supporté des pertes et consenti des offerts dans des quantités supérieures aux taux ainsi retenus par le service. Ces derniers ne peuvent, dès lors, être tenus pour insuffisants.
11. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le gérant de la SARL LE ROYAL BAMBOU a expressément indiqué au vérificateur, en cours de contrôle, que les conditions d'exploitation de son entreprise n'avaient pas connu de modifications au cours des exercices 2008 et 2009 en litige. Si elle prétend désormais, à l'occasion de la présente instance, que tel n'aurait pas été le cas, la requérante n'apporte toutefois aucun élément de nature à corroborer ces allégations. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait suivi une méthode excessivement sommaire, viciant la reconstitution opérée au titre de l'exercice 2008, en appliquant aux achats revendus constatés, au cours de celui-ci, le coefficient de marge reconstitué au titre de l'exercice 2009.
En ce qui concerne les pénalités :
12. La SARL LE ROYAL BAMBOU reprend, en cause d'appel, le moyen tiré de ce que l'administration ne justifierait pas de l'application aux suppléments de droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par l'article 1729 du code général des impôts. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL LE ROYAL BAMBOU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à la SARL LE ROYAL BAMBOU d'une somme en remboursement des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL LE ROYAL BAMBOU est rejetée.
2
N° 16VE01190