Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2015, MmeA..., représentée par le cabinet Cassel, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2° de condamner la région Ile-de-France à lui verser une indemnité d'un montant de 220 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
3° de mettre à la charge de la région Ile-de-France le versement de la somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A...soutient que :
- elle a été victime de harcèlement moral, caractérisé par l'attitude ouvertement brutale et dégradante de son supérieur hiérarchique ;
- la commune a commis une faute en raison de ce harcèlement moral et du refus de protection fonctionnelle ;
- cette faute a emporté des conséquences dommageables sur sa santé et a été à l'origine de son état dépressif et de ses arrêts maladie.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-637 du 13 juillet 1983, notamment ses articles 6 quinquies et 11 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
1. Considérant que MmeA..., agent technique territorial de deuxième classe, affectée au lycée Corot à Savigny-sur-Orge, a été victime, le 12 avril 2010, d'un accident reconnu comme un accident de service par la région Ile-de-France ; qu'à compter du
24 juin 2010 et jusqu'à sa radiation des cadres pour invalidité, elle a été placée en congé de maladie ordinaire en raison de douleurs lombaires, dorsales et cervicales et d'un état
anxio-dépressif ; que le congé de longue maladie qu'elle a demandé, a fait l'objet de deux avis défavorables du comité médical de l'Essonne, en date du 25 mai et du 27 septembre 2011 ; que, par décision du 17 octobre 2011, le président du conseil régional d'Ile-de-France lui a refusé le bénéfice d'un congé de longue maladie et l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions ; que, par un jugement du 2 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision, mais rejeté les conclusions indemnitaires de MmeA... ; que cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires, cependant que, par un recours incident, la région Ile-de-France conclut à l'annulation de l'article 1er de ce jugement qui annule la décision déjà mentionnée du 17 octobre 2011 ;
Sur l'appel principal de MmeA... :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
3. Considérant que MmeA..., pour démontrer qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, produit des certificats médicaux constatant un syndrome anxio-dépressif, une main courante déposée le 2 février 2010 relatant une matinée de travail au cours de laquelle son supérieur aurait élevé la voix contre elle et un témoignage de son mari confirmant cet événement ; qu'en l'absence de tout autre élément de nature à confirmer ces allégations, non corroborées par d'autres témoignages que celui de son mari, celles-ci ne sauraient faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de ce supérieur hiérarchique ;
4. Considérant que Mme A...soutient que le harcèlement moral qu'elle aurait subi ainsi que le refus de lui accorder un congé longue maladie sont à l'origine de la dégradation de son état de santé mentale, dont témoigne la succession d'arrêts maladie dont elle a bénéficié ; que si, à cet effet, elle produit des certificats médicaux évoquant des relations conflictuelles sur son lieu de travail, ces documents se bornent, pour la plupart, à retranscrire les dires de Mme A..., et ne suffisent pas, pour ce motif, à démontrer l'imputabilité au service de sa maladie ; qu'il ressort au contraire de l'expertise judiciaire réalisée le 1er octobre 2012 que si Mme A...souffre de troubles anxio-dépressifs apparus en 2010, ceux-ci trouvent leur origine dans son enfance et révèlent une fragilité ancienne qui a nécessité de la déclarer inapte à reprendre ses fonctions ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée :
" Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation
vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
6. Considérant qu'en l'absence de toute preuve du harcèlement moral subi par Mme A..., comme il vient d'être dit, la région Ile-de-France n'a en tout état de cause commis aucune faute en ne lui accordant pas le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées, à supposer même qu'une demande en ce sens aurait été faite, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier ;
Sur l'appel incident de la région Ile-de France :
7. Considérant que le jugement du Tribunal administratif de Versailles annule en son article 1er la décision du 17 octobre 2011 par laquelle le président du conseil régional
d'Ile-de-France a refusé à Mme A...le bénéfice d'un congé de longue maladie et l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions ; que, par sa requête, Mme A...sollicite l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que, par suite, le recours incident de la région Ile-de-France qui a été enregistré le 15 juin 2017, soit plus de deux mois après la notification du jugement entrepris, repose sur une cause juridique différente de celle de la requête de Mme A...; qu'ainsi, il soulève un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, il n'est pas recevable ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions indemnitaires et que, d'autre part, le recours incident de la région Ile-de-France contre l'article 1er de ce jugement doit être rejeté comme irrecevable ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, ni de mettre à la charge de la région Ile-de-France la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ni de mettre à la charge de Mme A...la somme que la région Ile-de-France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...et le recours incident de la région Ile-de-France sont rejetés en toutes leurs conclusions.
N° 15VE02015 2