Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2016, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M.A....
Le PREFET DU VAL-D'OISE soutient que sont disponibles en Afghanistan des médicaments équivalents aux neuroleptiques indispensables à M. A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant annulé, par jugement du 24 mai 2016, l'arrêté du 15 janvier 2016 refusant à M.A..., ressortissant afghan, le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui assignant un pays de renvoi, le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel de ce jugement ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger (...) dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
3. Considérant que, consulté par le PREFET DU VAL-D'OISE sur l'état de santé de M. A..., le médecin de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France a estimé, dans un avis du 20 novembre 2015, que le syndrome anxio-dépressif du demandeur, aggravé d'un risque suicidaire, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que le traitement approprié était disponible en Afghanistan, pays vers lequel l'intéressé pouvait voyager sans risque ; que, l'arrêté litigieux du PREFET DU VAL-D'OISE ayant rejeté la demande de renouvellement de titre au vu de cet avis, M. A... s'est prévalu devant les premiers juges d'un certificat médical émanant du DrC..., psychiatre, en date du 4 février 2016, et de divers extraits de rapports d'organisations internationales et d'organisations non-gouvernementales faisant état de l'insuffisance de l'offre de soins, notamment en psychiatrie, en Afghanistan ; qu'en se fondant sur ce certificat médical, et en relevant que le risperdal, neuroleptique prescrit à M.A..., ne figurait pas sur la liste des médicaments disponibles en Afghanistan, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'il résulte d'un document établi en 2005 par le Dr D...B..., praticien hospitalier au centre hospitalier Le Vinatier et institut des sciences cognitives, à Lyon, que les neuroleptiques à base de chloropromazine sont substituables, moyennant des modulations de doses spécifiées précisément dans ce même document, à d'autres neuroleptiques à base de risperidone, comme le risperdal ; qu'il ressort des pièces du dossier que la chloropromazine figure tant sur la liste, établie en 2007 par la République d'Afghanistan, des médicaments commercialisés et disponibles dans les hôpitaux de ce pays que sur la liste des médicaments essentiels de l'hôpital Ali Abad, créé par la France à Kaboul ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'absence de traitement médicamenteux approprié pour annuler l'arrêté attaqué ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens de la demande ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition n'impose à un préfet de communiquer l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France dans le cadre d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'avis rendu le 20 novembre 2015 n'a pas été communiqué à l'intimé et que ce dernier a ainsi été privé de la possibilité de s'assurer de la compétence de son signataire, ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que si, selon le certificat établi le 29 avril 2014 par le Dr E...F..., médecin généraliste, M. A...a subi une intervention à l'épaule droite et que des médicaments lui sont prescrits contre le syndrome anxio-dépressif dont il souffre, ce certificat ne permet pas de déterminer celle des deux pathologies qui fait obstacle à son retour dans son pays ni les médicaments ou les soins qui feraient alors défaut à l'intéressé ; que si, dans un autre certificat, mentionné au 3. et postérieur à l'arrêté attaqué, le Dr C...affirme que ni le suivi médical, ni les médicaments nécessaires au traitement du syndrome
post-traumatique ne seraient disponibles en Afghanistan, ce certificat n'est en rien circonstancié sur la prise en charge dont bénéficie M. A...en France, et la qualité de psychiatre de son auteur ne lui confère pas par elle-même de connaissances particulières relativement l'offre de soins et de médicaments en Afghanistan ; qu'ainsi, et alors même qu'il est constant que cette offre est globalement insuffisante, ces certificats ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du
20 novembre 2015 ; que, par suite, le PREFET DU VAL-D'OISE a pu, sans erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; et qu'en vertu des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le titre de séjour " vie privée et familiale " est délivré de plein droit à l'étranger qui ne menace pas l'ordre public, n'est pas polygame et ne peut prétendre au regroupement familial, s'il entretient avec la France des liens personnels et familiaux intenses, anciens et stables ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, si l'intimé se prévaut d'une activité professionnelle, il est entré en France à l'âge de 26 ans, est célibataire et sans charge de famille, et que sa mère, ses deux frères et ses deux soeurs vivent encore en Afghanistan ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour n'a contrevenu ni aux stipulations de l'article 8 de la convention déjà mentionnée, ni aux dispositions rappelées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la mesure d'éloignement :
9. Considérant que doivent être écartés, pour les motifs exposés aux points 7. et 8., les moyens articulés à l'encontre de cette mesure et tirés de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour, de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur de manifeste d'appréciation en raison des conséquences sur la situation personnelle de l'intimé ;
Sur la décision fixant le pays à destination :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; et qu'en vertu des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
11. Considérant qu'en se bornant à alléguer qu'il a été mêlé contre son gré à une rixe au cours d'un mariage et qu'en raison de son appartenance au peuple tadjik, il a été, en représailles, torturé et devait être mis à mort par des Pachtoums, l'intimé n'assortit ses dires, d'ailleurs déjà écartés par le juge de l'asile, d'aucun commencement de preuve ; qu'ainsi, et alors même que la province de Logar est en proie à des troubles importants, M. A...n'établit pas la réalité des menaces qui pèsent sur lui personnellement ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun moyen de la demande n'étant fondé, le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté qu'il a pris à l'encontre de M.A..., et que la demande de ce dernier doit être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1601278 du
24 mai 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
N° 16VE01921 2