Procédure devant la Cour :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 janvier 2016 et
20 octobre 2017, MmeG..., représentée par Me Adeline-Delvolvé, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande qu'avait présentée la commune du Perray-en-Yvelines devant le Tribunal administratif de Versailles ;
3° de mettre à la charge de la commune du Perray-en-Yvelines le versement, au profit de Me Adeline-Delvolvé, d'une somme de 2 400 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Mme G...soutient que :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie par la commune du Perray-en-Yvelines, comme l'a énoncé à juste titre le conseil de discipline de recours dans l'avis contesté du 22 février 2013, circonstance faisant obstacle au prononcé de toute sanction disciplinaire à son encontre ;
- par ailleurs, aucun des autres moyens développés par la commune à l'encontre de l'avis contesté du 22 février 2013 n'est fondé.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., substituant Me Adeline-Delvolvé, pour Mme G..., et de MeC..., substituant MeA..., pour la commune du Perray-en-Yvelines.
1. Considérant que MmeG..., adjoint d'animation territorial titulaire employée, depuis le 1er octobre 1999, par la commune du Perray-en-Yvelines, était affectée au centre de loisirs sans hébergement (CLSH), au sein duquel elle était en charge de l'accueil et de la surveillance des enfants scolarisés, pendant le temps périscolaire, notamment la pause méridienne, les mercredis et les vacances ; que, le 29 mars 2012, deux élèves, alors en classe de CM2, ont déclaré que Mme G...leur aurait tenu des propos à caractère sexuel ; qu'informé de ces déclarations, le maire du Perray-en-Yvelines a, par arrêté du 2 avril 2012, suspendu Mme G...de ses fonctions et engagé une procédure disciplinaire à son encontre ; que le conseil de discipline, estimant que les faits reprochés à Mme G... n'étaient pas avérés, a émis, le 25 octobre 2012, un avis défavorable à toute sanction ; que par arrêté du 8 novembre 2012 le maire a prononcé la révocation de l'intéressée, motifs pris de ce qu'elle aurait, d'une part, tenu des propos et montré des gestes à caractère explicitement sexuel devant deux élèves de CM2 âgées de dix ans, durant la pause méridienne du 29 mars 2012, d'autre part, déjà tenu des propos similaires auparavant, en mai et juin 2012, propos que des parents d'élèves auraient signalés aux enseignants et, enfin, proféré, devant l'une de ses collègues, des termes outranciers et insultants à l'égard d'une élève ; que, sur saisine de Mme G..., le conseil de discipline de recours a rendu à l'unanimité, le 22 février 2013, un avis défavorable à toute sanction disciplinaire, en retenant que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée n'avait pas été assurément établie par la commune du Perray-en-Yvelines ; qu'après retrait de la décision de révocation, prononcé par arrêté du 3 avril 2013, la commune du Perray-en-Yvelines a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'avis ainsi rendu par le conseil de discipline de recours le 22 février 2013 ; que, par jugement n° 1302916 du 18 mai 2015, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir admis l'intervention de Mme G..., a annulé cet avis, au motif que la commune du Perray-en-Yvelines avait suffisamment établi la matérialité des faits qu'elle reprochait à l'intéressée d'avoir commis le 29 mars 2012 ; que Mme G...relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale " ; qu'aux termes de l'article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / (...) Quatrième groupe : / (...) la révocation (...) " ; qu'il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la révocation disciplinaire infligée à Mme G...dans les conditions rappelées au point 1, à raison des agissements qu'elle est accusée d'avoir commis le 29 mars 2012 lorsqu'elle surveillait les élèves à la cantine, repose sur les déclarations, alors consignées par écrit, de deux élèves de CM2 âgées de dix ans, qui ont indiqué, de manière relativement précise, circonstanciée et concordante, avoir entendu cette animatrice tenir des propos à caractère sexuel et l'avoir vue effectuer des gestes à caractère explicitement sexuel ; que Mme G...a, dès l'origine, constamment dénié être à l'origine de tels agissements ; qu'elle précise également, en cause d'appel, avoir dû intervenir, uniquement à titre pédagogique, face aux propos tenus, sur ce sujet, par d'autres élèves se trouvant également à la cantine ; que si, face aux déclarations contradictoires des deux élèves concernées, d'un côté, et de MmeG..., de l'autre, la commune du Perray-en-Yvelines se prévaut des attestations dressées, les 29 mars et 2 avril 2012, par trois autres agents ayant recueilli le témoignage des premières, ainsi que des lettres lui ayant ensuite été adressées dans le même sens, les 7 mai et 3 juin 2012, par les parents de celles-ci, ces documents ne permettent pas, à eux-seuls, de corroborer de manière certaine la réalité des faits ainsi reprochés à la requérante, alors qu'aucun des auteurs de ces attestations ou lettres, qui se sont tous ici bornés à consigner les déclarations des deux enfants, n'a été le témoin direct des faits ainsi allégués et qu'aucun, d'ailleurs, ne s'est davantage enquis, avant d'y apporter son crédit, de rechercher plus avant, notamment auprès de l'agent incriminé, des autres personnels et élèves alors éventuellement présents sur les lieux, si et dans quel contexte exact ils étaient survenus ; que, par ailleurs, il est également constant que la commune du Perray-en-Yvelines n'a pas, à l'époque, fait immédiatement diligenter des investigations plus précises, telles celles qu'auraient pu mener le psychologue scolaire et les services de police, de nature à permettre de mieux étayer ou, à l'inverse, d'infirmer les accusations portées contre la requérante par les deux élèves concernées, alors même que l'une d'entre elles, après son audition par les autres animateurs, avait également déclaré, sans plus d'explication, avoir craint d'être violée par l'un d'entre eux " car c'est un homme ", ainsi qu'il ressort de la lettre susmentionnée du 7 mai 2012 ; qu'au demeurant, il ressort également des pièces du dossier que, saisi le 15 novembre 2012 d'une plainte contre Mme G... pour mauvais traitements et violences sur mineurs, le procureur de la République du Tribunal de grande instance de Versailles a notifié à l'intéressée, le 9 avril 2015, un avis de classement, l'enquête n'ayant pas permis de rassembler des preuves suffisantes pour caractériser une infraction ; qu'ainsi, et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commune du Perray-en-Yvelines ne peut être regardée comme démontrant, ainsi qu'il lui incombe, la matérialité des faits prétendument commis par la requérante le
29 mars 2012 ; que Mme G...est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a, pour annuler l'avis rendu par le conseil de discipline de recours le 22 février 2013, retenu que ladite commune aurait suffisamment établi ces faits ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la commune du
Perray-en-Yvelines à l'encontre de l'avis contesté du 22 février 2013 ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 90 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Il est créé un conseil de discipline départemental ou interdépartemental de recours, présidé par un magistrat de l'ordre administratif, en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de discipline (...) " ;
6. Considérant que le conseil de discipline de recours ayant rendu l'avis contesté du 22 février 2013 a été présidé par M. B...F..., magistrat de l'ordre administratif en activité ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. F...avait, pour ce faire, été préalablement désigné par décision du président du Tribunal administratif de Montreuil en date du 9 juillet 2012 ; que, dès lors, manque en fait le moyen tiré par la commune du
Perray-en-Yvelines de ce que M. F... n'aurait pas été désigné conformément aux dispositions précitées de l'article 90 bis de la loi du 26 janvier 1984 ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 90 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Le conseil de discipline départemental ou interdépartemental comprend en nombre égal des représentants des fonctionnaires territoriaux et des représentants des collectivités et des établissements publics territoriaux du département ou des départements concernés. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 18 du décret n° 89-677 du
18 septembre 1989, pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le conseil de discipline de recours comprend en nombre égal des représentants du personnel et des représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Chaque représentant a un suppléant. / (...) Les représentants du personnel sont des fonctionnaires territoriaux titulaires désignés par les organisations syndicales représentées au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (...) / Les représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics sont désignés, par tirage au sort, par le président du conseil de discipline de recours. Sont ainsi désignés : / 1° Un conseiller régional choisi sur une liste comportant les noms de deux conseillers régionaux désignés par l'assemblée dont ils font partie ; / 2° Deux conseillers départementaux choisis sur une liste comportant les noms de trois conseillers départementaux de chacun des départements situés dans le ressort du conseil de discipline de recours et désignés par l'assemblée dont ils font partie (...) ; / 3° Des membres des conseils municipaux des communes situées dans le ressort du conseil de discipline de recours choisis en nombre égal parmi les membres des conseils municipaux des communes de plus de 20 000 habitants et parmi les maires des communes de moins de 20 000 habitants, le membre supplémentaire étant choisi parmi ces derniers lorsque le nombre de membres est impair. Ces membres sont choisis sur une liste comportant, pour chaque commune, le nom d'un membre du conseil municipal désigné par l'assemblée dont il fait partie (...) " ;
8. Considérant, d'une part, que si la commune du Perray-en-Yvelines soutenait initialement, devant les premiers juges, ne pas être en mesure de vérifier la régularité de la composition du conseil de discipline de recours ayant rendu l'avis contesté du 22 février 2013, il ressort des pièces du dossier de première instance que le centre interdépartemental de gestion de la petite couronne de la région Ile-de-France a fourni, en réponse, l'ensemble des pièces ainsi sollicitées à la commune, que celle-ci a alors elle-même versées aux débats ; que, d'autre part, la commune du Perray-en-Yvelines, après examen desdites pièces, se borne à soutenir que les représentants des collectivités territoriales qui ont siégé, lors de la séance du 22 février 2013, n'auraient pas été régulièrement désignés dès lors que leur tirage au sort aurait dû être spécialement organisé à la suite de la saisine par Mme G... du conseil de discipline de recours ; que, toutefois, les dispositions précitées de l'article 18 du décret du
18 septembre 1989, contrairement à ce que soutient la commune intimée, n'imposent pas que chaque séance du conseil de discipline de recours donne lieu, pour la désignation des représentants des collectivités territoriales devant y siéger, à un tirage au sort ad hoc ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que si la commune du Perray-en-Yvelines persiste, en cause d'appel, à soutenir qu'en l'absence de publicité des séances tenues par le conseil de discipline de recours, lequel devrait, selon elle, être qualifié de juridiction, l'avis contesté du
22 février 2013 serait entaché d'illégalité, l'intéressée n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes, quant aux stipulations ou dispositions qu'elle estime ici méconnues, de nature à permettre d'en apprécier la portée et le bien-fondé ; qu'enfin, à supposer que la commune intimée entende se prévaloir, sur ce point, de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle évoquait seulement devant les premiers juges, ce moyen est inopérant, lesdites stipulations étant inapplicables à la procédure disciplinaire ;
10. Considérant, en dernier lieu, que la commune du Perray-en-Yvelines, en renvoyant, dans ses écritures d'appel, à celles qu'elle avait produites devant les premiers juges en ce qui concerne la légalité interne de l'avis contesté du 22 février 2013, doit être regardée comme persistant à soutenir, d'une part, que les trois séries de faits sur le fondement desquels elle avait entendu révoquer Mme G..., tels qu'énoncés dans l'arrêté du maire en date du 8 novembre 2012 et rappelés au point 1, seraient matériellement établis, d'autre part, que ces agissements seraient constitutifs de fautes disciplinaires et, enfin, que ces dernières justifieraient, sans disproportion, le prononcé d'une mesure de révocation ; que, toutefois, les agissements que ladite commune reproche à la requérante d'avoir commis le 29 mars 2012 ne peuvent, pour les motifs déjà exposés au point 3, être regardés comme étant matériellement établis ; que, par ailleurs, les explications et pièces versées au dossier ne permettent pas davantage de démontrer, comme le maire l'avait également retenu dans son arrêté de révocation du 8 novembre 2012, que Mme G... aurait déjà tenu, en mai et juin 2012, des propos déplacés à caractère sexuel auprès d'élèves, ni davantage qu'elle aurait effectivement proféré, à l'égard de l'une d'elles, des termes outranciers et insultants devant l'une de ses collègues ; que, dans ces conditions, le conseil de discipline de recours a pu, sans commettre d'erreur de fait ou d'appréciation, émettre, le 22 février 2013, un avis défavorable au prononcé de toute sanction disciplinaire à l'encontre de la requérante ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'avis contesté du 22 février 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeG..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à la commune du
Perray-en-Yvelines d'une somme en remboursement des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
13. Considérant, d'autre part, que Mme G...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, Me Adeline-Delvolvé, son avocat, peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du
10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Perray-en-Yvelines le versement à Me Adeline-Delvolvé d'une somme de 2 000 euros, sous réserve que ce mandataire renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 18 mai 2015 sous le n° 1302916 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la commune du Perray-en-Yvelines devant le Tribunal administratif de Versailles, ainsi que les conclusions présentées par l'intéressée devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La commune du Perray-en-Yvelines versera à Me Adeline-Delvolvé une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Adeline-Delvolvé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
N° 16VE00179 2