Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2014, Mme A..., représentée par Me Tourniquet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision implicite du président du département des Yvelines rejetant sa réclamation préalable ;
3° de condamner le département des Yvelines à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été la victime ;
4° de mettre à la charge du département des Yvelines la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis des erreurs de fait et de droit ;
- concernant le refus d'exécuter certaines tâches et le non-respect des procédures, les griefs reprochés ne sont pas fondés dans la mesure où la seule tâche qu'elle a refusée ne concernait pas le traitement d'un dossier dit " DALO " et où s'agissant du signalement au procureur de la République, le non-respect des procédures n'est pas établi ;
- s'agissant de la cessation du paiement de ses heures de délégation de maire-adjoint, elle a subi un traitement particulier, le refus catégorique opposé à sa demande de décharge partielle ayant pour conséquence qu'elle s'est retrouvée avec la même charge de travail que ses collègues sur un temps de travail réduit ;
- elle a fait un malaise le 9 décembre 2009 lors de la permanence de Triel-sur- Seine à la suite d'un entretien déstabilisant avec sa hiérarchie qui l'a questionnée sur son éventuel départ ;
- alors que les consignes de sécurité du département prévoient l'obligation d'être au moins deux agents pour l'accueil du public, elle a été contrainte d'assurer seule cette permanence ;
- le département des Yvelines n'a pas traité sa déclaration d'accident du travail et son supérieur n'a pas cru devoir dans un premier temps se rendre sur place ;
- l'évaluation 2009 au cours de laquelle son supérieur se livra pendant trois heures à une charge en règle contre elle, a été traitée de manière désinvolte, l'examen de sa réclamation par la commission administrative paritaire n'ayant toujours pas eu lieu un an après ;
- le 25 février 2009, elle a été à nouveau convoquée par son supérieur hiérarchique qui lui a reproché un retard inexistant dès qu'elle se trouvait ce jour-là en permanence à Triel-sur-Seine ;
- à la suite de cet entretien, elle a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 8 mars 2009 ;
- le jour de sa reprise de travail, le 9 mars 2009, elle a été à nouveau convoquée ;
- ces convocations à répétition s'inscrivent dans un processus de déstabilisation et de harcèlement moral ;
- s'agissant de l'avertissement du 7 octobre 2010 qu'elle a contesté et qui n'a été pris que pour satisfaire son supérieur hiérarchique, les faits fautifs reprochés ne sont pas démontrés ;
- la réduction de son indemnité d'exercice de fonctions au taux minimum est injustifiable au regard de son appréciation personnelle ;
- les premiers juges ont fait totalement abstraction des éléments de preuve qu'elle a produits mettant en évidence le climat délétère entretenu par son supérieur, la non réalisation de l'audit annoncé, les pressions sur les personnes ayant produit des attestations en sa faveur, les effets sur son état de santé, le comportement de sa hiérarchie tendant à la placer dans une situation d'anxiété et d'angoisse et l'absence de toute réaction à ses doléances ;
- il sera fait une juste appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 20 000 euros, eu égard aux effets produits sur son état de santé, les baisses de rémunérations subies et le caractère déstabilisant de tels agissements qui ont fini par atteindre leur objectif, son départ.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2015 ; le département des Yvelines conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable en ce qu'elle est dépourvue de tout moyen de droit ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;
- les préjudices invoqués ne présentent, en tout état de cause, pas de caractère certain ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bigard,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- les observations de Me Tourniquet pour MmeA... et de Me C...pour le département des Yvelines.
Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 16 février 2016, présentée pour Mme A...par Me Tourniquet.
1. Considérant que Mme A..., qui exerce les fonctions d'assistante socio-éducative principale auprès du département des Yvelines, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 19 mai 2014 rejetant sa demande tendant à la condamnation de ce département à lui verser une somme de 20 000 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle dit avoir été victime ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que la motivation dudit jugement, qui rappelle tant les textes applicables que les faits de l'espèce, répond à l'ensemble des conclusions et des moyens opérants de Mme A... ; que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante, ni de détailler davantage qu'ils ne l'ont fait les raisons pour lesquelles ils ont rejeté sa demande ; que, par suite, ils n'ont pas omis de statuer sur les moyens invoqués et se sont prononcés de manière complète et précise sur le moyen tiré de l'existence d'un harcèlement moral ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
4. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, Mme A... a refusé d'effectuer une enquête sociale concernant des étrangers pour le compte de la préfecture des Yvelines ; que, d'autre part, si elle-même et trois de ses collègues ont effectué un signalement au procureur de la République le 21 octobre 2008, il résulte de l'instruction qu'elles n'ont pas, ce faisant, respecté la procédure organisée de signalement ; que, dans ces conditions, le rappel par sa hiérarchie à l'intéressée des règles en vigueur ne saurait révéler l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A... fait valoir que le département des Yvelines a mis fin au paiement d'heures qu'elle effectuait au titre de son mandat d'adjoint au maire de la commune d'Achères ; qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des élections municipales en 2008, le département a décidé pour toutes les personnes concernées de cesser de payer comme temps de travail le temps qu'elles passaient, en leur qualité d'élu, aux séances du conseil municipal et aux réunions ; que l'intéressée a, dans ce cadre, bénéficié du crédit d'heures prévu par l'article L. 2123-2 du code général des collectivités territoriales afin de lui permettre de disposer du temps nécessaire à l'administration de la commune et à la préparation des réunions du conseil municipal dans lequel elle siégeait ; que si un refus de décharge partielle d'activité lui a été opposé, le département des Yvelines soutient sans être contredit, que cette décision a été prise dans l'intérêt du service, sa collègue sur son secteur n'étant pas en capacité de compenser ces absences ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme A... a assuré seule la permanence de Triel-sur-Seine, alors que les consignes établies par le département prévoient pour l'accueil du public la présence de deux agents ; que, toutefois, l'intéressée ne justifie pas avoir alerté sa hiérarchie de l'existence de cette anomalie ; que, dans ces conditions, elle ne saurait reprocher à l'administration d'être à l'origine du malaise qu'elle a subi, le 9 décembre 2008, au centre communal d'action sociale de Triel-sur-Seine, malaise dont elle attribue la cause au fait qu'elle a été laissée seule pour tenir la permanence ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que, si Mme A... conteste les conditions dans lesquelles a été réalisée son évaluation au titre de l'année 2009, le supérieur hiérarchique de la Mme A...a pu légalement, dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique, la convoquer à cet entretien le 25 février 2009, l'entretien en question s'étant d'ailleurs tenu dans le bureau de l'intéressée ; que le fait qu'elle ait été, à nouveau, convoquée, le 9 mars 2009, lors de sa reprise de fonctions, ne suffit à établir ni le caractère répétitif de ses convocations ni leur inscription dans un processus de déstabilisation et de harcèlement moral ; que si la requérante soutient que le département a mis des obstacles à l'examen de cette évaluation faite par la commission administrative paritaire, il résulte de l'instruction que celle-ci a pu normalement examiner la réclamation que l'intéressée avait présentée à ce sujet ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que la requérante ne critique pas réellement le bien fondé de l'avertissement qu'elle a reçu le 7 octobre 2010 pour refus d'obéissance en se bornant à faire valoir qu'il était uniquement destiné à satisfaire son supérieur hiérarchique ; que, par ailleurs, son refus d'accomplir certaines tâches et ses absences irrégulières pouvaient justifier une baisse de son indemnité d'exercice des missions par arrêté du 19 octobre 2010 ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si certains éléments de faits produits par Mme A... étaient susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, il résulte de l'instruction que les agissements de ses supérieurs n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; qu'ils ne peuvent, dès lors, être qualifiés de harcèlement moral ; que, par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Yvelines à réparer le préjudice résultant du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que le département des Yvelines, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département des Yvelines sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Yvelines tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au département des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Demouveaux, président de chambre,
M. Soyez, président assesseur,
M. Bigard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
E. BIGARD Le président,
J.-P. DEMOUVEAUX Le greffier,
V. BRIDET
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 14VE02233