Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2015, Mme C..., représentée par Me Tcholakian, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant qu'il était en compétence liée en ne prenant pas en compte les justificatifs de ses ressources postérieures à sa demande ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conditions de ressources ;
- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bigard,
- et les observations de Me A...substituant Me Tcholakian pour MmeC....
1. Considérant que Mme C..., ressortissante cubaine, a sollicité le 16 décembre 2013 le bénéfice du regroupement familial au profit de sa fille, que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé par une décision en date du 24 novembre 2014 ; que, par une décision en date du 24 décembre 2014, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique que Mme C... avait formulé contre la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis ; que la requérante relève appel du jugement en date du 29 juin 2015 rejetant sa demande d'annulation de ces deux décisions ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a soulevé le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que dans la note en délibéré qu'elle a adressée au Tribunal administratif de Montreuil, postérieurement à la tenue de l'audience ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont commis une omission à statuer en ne répondant pas à ce moyen ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis et du ministre de l'intérieur :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) " : qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations (...). Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) " ; qu'aux termes de son article R. 411-4 : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (....) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau des ressources du demandeur est apprécié par référence à la moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la durée de douze mois précédant la demande de regroupement familial, compte tenu de la composition de sa famille ; que, par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur de droit en ne prenant pas en compte les justificatifs des ressources de Mme C... postérieurs à la date de sa demande de regroupement familial ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C..., qui ne conteste pas que, comme le lui a opposé les autorités administratives, ses ressources étaient inférieures à la moyenne du salaire minimum de croissance au cours des douze mois ayant précédé sa demande de regroupement familial, soit pendant la période du 16 décembre 2012 au 16 décembre 2013, ne peut utilement se prévaloir, pour contester les décisions attaquées, de ce que ses revenus étaient devenus supérieurs à cette moyenne pendant les douze mois précédant la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... qui était titulaire d'une carte de séjour temporaire à la date des décisions attaquées, est entrée en France en décembre 2000 sans sa fille, née le 3 janvier 1996 ; qu'elle a, ainsi, vécu, depuis plus de quatorze ans séparée de sa fille ; qu'elle n'apporte aucun élément quant à son éventuelle contribution à l'entretien et à l'éducation de cette dernière ainsi qu'à ses relations avec elle pendant toutes ces années ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par la requérante de ce que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, les décisions attaquées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Demouveaux, président de chambre,
M. Soyez, président assesseur,
M. Bigard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 février 2016.
Le rapporteur,
E. BIGARDLe président,
J.-P. DEMOUVEAUX
Le greffier,
V. BRIDET La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N° 15VE02250